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2 septembre 2021 11:37
Le deuxième jour de prière tire à sa fin. Pendant que ses frères et d’autres proches s’activent à ramasser les nattes pour les mettre dans un coin du salon familial, Omduth Janoo va placer le hawan kun enfumé de bois de camphre à l’extérieur. La pluie fine et le vent qui frappent cet habitant de Grand-Bois, de même que la fumée émanant du petit réchaud, ne le dérangent guère en ce début de soirée du mercredi 25 août. Il est perdu dans ses pensées, plongé dans une profonde tristesse. La veille, cet homme de 49 ans et ses trois frères, Oopesh, 47 ans, Parmanand, 45 ans, et Nankishore, 40 ans, ont dû tenir les funérailles de leur unique sœur au crématoire de Rose-Belle. Et depuis, ils sont tous présents aux côtés de leur mère Chitra, 66 ans, pour trois jours de prières, qui seront suivis d’autres rituels religieux. Une manière d’honorer la mémoire de cette petite soeur qu’ils pleureront pendant longtemps, ils le savent. D’autant qu’elle est morte dans des circonstances dramatiques.
Lokchmee Dussoye, affectueusement appelée Jyotee par son entourage, a connu une fin atroce dans la nuit du dimanche 22 au lundi 23 août. Cette jeune femme de 30 ans a été retrouvée morte dans le lit conjugal. L’autopsie a conclu à un décès par strangulation et la police soupçonne son époux Sandip Dussoye, 35 ans, d’avoir commis l’irréparable après une énième scène de ménage. Ce dernier a pris la fuite après ce meurtre. Il était toujours recherché à l’heure où nous mettions sous presse.
C’est la fille de la victime, âgée de 14 ans, qui a fait l’atroce découverte dans la matinée de lundi. Jyotee était allongée sur le dos, recouverte de deux couvertures. «Li ti fini fre», lâche Parmanand. «Apre lotopsi ki nou finn kone ki nou bofrer inn trangle li. Enn sok terib sa. Mo ser pa ti merit sa», renchérit Omduth. Il explique qu’après la découverte du corps, ses frères et lui ont cru que Jyotee s’était donné la mort en ingurgitant du poison. Ils ont eu un choc encore plus grand en apprenant qu’elle avait été tuée par son mari. «Dokter lapolis inn dir nou ki mo ser ti fini mor ver 2 zer. Nou bofrer inn mont lor nou ser pou touy li», explique Omduth.
Il n’était un secret pour personne que le couple Jyotee et Sandip battait de l’ail depuis plusieurs années. «Zot ti pe gagn boukou problem. Mo tifi inn pas boukou mizer. Linn bien manz so kou ek kasiet defo so mari. Li ti touzour dir li pou res ek so mari akoz so bann zanfan», confie Chitra, en larmes. Jyotee avait seulement 14 ans lorsqu’elle est tombée enceinte de Sandip, au grand dam de sa famille. À l’époque, elle avait dû mettre fin à ses études secondaires pour se marier religieusement avec lui. Le couple s’est marié civilement lorsqu’elle a eu 16 ans. Aujourd’hui, leur fils aîné a 15 ans et ils ont aussi une fille de 14 ans. «Nou pa ti dakor ek sa mariaz-la parski Sandip pa ti enn dimounn serie. Ziska ler li pena mem enn travay fix. Li fer tent builder pli boukou lot ti travay. Li ena osi move frekantasion ek li bwar impe», souligne Omduth.
À l’époque, Jyotee et son époux louaient une maison de la NHDC à Grand-Bois. La mère et le frère de Sandip habitent à Souillac, alors que sa sœur réside à La Flora. Il y a deux ans, le couple et ses deux enfants ont emménagé chez Chitra. «Nou ser ti pe tro pas mizer ar li. Bann vwazin ti pe dir nou ki li ti pe gagn boukou bate. Bofrer-la ti pe anpes li vinn get nou. Jyotee ti pe bizin vinn isi dan kasiet. Si mari-la kone, li bat li», confie Parmanand. Les frères et la mère de la jeune femme ont alors décidé de la faire venir vivre avec eux ainsi que sa petite famille afin de garder un oeil sur elle, comme ils l’avaient toujours fait depuis son enfance. «Apre la mor nou papa, kan nou ser ti ena 5 an, nou mem kinn grandi li ek okip nou mama ki touzour travay kas dite dan Bois-Chéri», confie Omduth.
Ses frères et lui, poursuit-il, ont parlé à leur beau-frère à plusieurs reprises après qu’il soit venu habiter dans la cour familiale. «Li ti aret bat nou ser me linn kontinie tortir li dan lezot fason», regrette Omduth. À un moment, Oopesh, Parmanand et lui ont arrêté d’adresser la parole à Sandip. «Nou ti pe zis koz ek nou ser», explique Oopesh. Il n’y avait que Nankishore qui lui parlait encore. «Mo ser ek so fami ti pe res dan mem lakaz ki mo mama ek mwa. Enn koulwar separ nou de lasam. Zot bann zanfan ti pe dormi dan mem lasam ki mo mama», précise Nankishore. Il ajoute : «Zame nou pann lev lame lor Sandip par respe pou nou ser.» Selom Omduth, leur mère non plus «pa ti pe donn li labous». En revanche, toute la famille lui donnait de bons conseils. «Zame nou ti pou atann li pou fer enn zafer koumsa ek nou ser. Malgre so bann defo, linn touzour konn amenn so rol pou fer nou rant dan so febles», s’indigne Parmanand.
Il y a deux semaines, Jyotee a insisté auprès de ses frères pour qu’ils expulsent son époux de la maison. «Elle n’en pouvait plus. Elle voulait le quitter. Nous l’avons toutefois découragée de le faire à cause de ses enfants. Nous regrettons aujourd’hui de ne pas l’avoir écoutée et de ne pas avoir fait ce qu’elle nous demandait», lâche avec douleur Omduth, approuvé par ses frères. La jeune femme ne voulait plus subir les coups de son mari, souligne sa mère, même si elle ne voulait pas trop lui en parler : «Pa tro lontan, mo ti trouv enn mark grife dan so likou. Li dir mwa linn blese ek tol. Mo ti kone fos sa selma.» La sexagénaire allègue que son gendre avait aussi déjà «bril (mo) tifi». Jyotee avait d’ailleurs porté plainte à la police. Ses proches ignorent toutefois où en est l’enquête policière à cet effet. «Nou ser ti nepli kapav siport mari-la akoz sa li ti dir nou pous li, nou regrete nou pann ekout li», déclare Omduth. Parmanand ajoute, pour sa part, que Jyotee «n’a jamais manqué de rien» : «So bann zanfan ousi parey. Nou finn perdi nou lor. Nou ser ti nou lavi.»
Jyotee a toujours été «enn zanfan gate», selon ses proches. «Nou finn grandi li kouma nou zanfan. Nou pou soufer boukou aster», regrette Oopesh. Dimanche dernier, leur sœur et son époux s’étaient rendus à la foire de Rose-Belle et à un supermarché de cette localité pour faire des achats. Jyotee est, par la suite, rentrée à Grand-Bois pour célébrer la fête Raksha Bandhan avec ses frères, alors que Sandip s’était rendu chez sa sœur à La Flora pour fêter lui aussi les liens sacrés entre un frère et sa sœur.
Dans la soirée, Sandip et Jyotee sont allés dans leur chambre vers 22h30. De sa chambre, Nankishore a entendu l’un d’eux se rendre dans la cuisine vers 23 heures. Mais il assure n’avoir rien entendu d’autre : «Je n’ai rien entendu alors que je dors dans la chambre en face. Je n’ai rien entendu non plus lorsque Sandip a ouvert la porte pour s’enfuir.» Le lendemain matin, leur mère s’est réveillée comme à l’accoutumée à 4 heures, avant de prendre la direction des champs de thé pour aller travailler. Et c’est vers 7 heures que la fille du couple a fait la découverte macabre. Chitra n’en finit pas de maudire Sandip depuis : «Li bien kone ki linn fer. Linn poz ID card mo tifi lor latab apre linn sove.»
Aujourd’hui, les frères de Jyotee s’engagent à assurer l’avenir du fils et de la fille de leur sœur. Quant à Sandip, ils souhaitent que la police procède à son arrestation au plus vite pour que justice soit rendue. Cela ne leur rendra pas leur soeur mais au moins, ils sauront que son meurtrier paie pour ce qu’il a fait et pourront enclencher leur long chemin du deuil.
115. C’est le nombre de cas genuine que la police a traité du 25 novembre 2020 au 24 août 2021 grâce au panic button de l’application Lespwar. La Police Family Protection Unit (PFPU) encourage d’ailleurs toutes les femmes victimes de violences ou de maltraitances à utiliser cette application pour une intervention rapide de la police. «N’hésitez pas à appuyer sur le panic button de l’application Lespwar. Il est relié directement à l’Information Room de la police. La police a le devoir d’intervenir dans les 15 minutes qui suivent. Ce service est disponible 24 heures/24», souligne la Woman Assistant Superintendent of Police (WASP) Sharda Boodhoo. La responsable de cette unité de la force policière précise que les femmes peuvent également téléphoner sur le 999 ou le 148 pour signaler un danger. Il y a également le 139 du ministère de la Femme qui est disponible pour les femmes en détresse. «Les femmes maltraitées et brutalisées ne doivent plus subir. La PFPU est à votre service. Nos officiers sont présents dans tous les postes de police», précise la WASP Boodhoo.
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