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14 mai 2020 17:27
Coronavirus, les conséquences : «Alors que tout le monde est touché par la pandémie, les femmes sont les plus affectées. Comme l’a souligné le chef de l’ONU, António Guterres, "près de 60 % des femmes dans le monde travaillent dans l’économie informelle, gagnant moins, épargnant moins et risquant davantage de tomber dans la pauvreté. Avec la chute des marchés et la fermeture des entreprises, des millions d’emplois féminins ont disparu”. Sur le marché de l’emploi, les femmes sont sacrifiées. Personne ne se soucie de savoir si, pendant la pandémie, 70 % de ceux qui sont en première ligne sont des femmes ou que, pendant le confinement, les femmes ont continué leur home work en tant que cuisinières, soignantes, infirmières, blanchisseuses, jardinières, cleaners, etc. Avec le confinement, il y a aussi le fait que, dans certains cas, les agresseurs et les victimes de violence sont enfermés ensemble, ce qui engendre certaines situations difficiles. En Chine, la police a signalé une augmentation de 300 % de la violence entre partenaires intimes dans le comté de Jianli en février 2020 par rapport à la période correspondante en 2019. Les femmes qui se retrouvent en confinement avec des auteurs d’actes criminels et de violence se retrouvent ainsi condamnées à faire face aux abus et à la violence.»
Pourquoi faut-il s’inquiéter ? «Le 10 avril, le chef de l’ONU a averti sur le fait que “l’incertitude créée par la pandémie pourrait inciter à créer de nouvelles divisions et de nouveaux troubles”. La violence sexuelle sur des femmes et des enfants à la maison et certains comportements à l’extérieur du domicile sont en effet fréquents. Pendant la pandémie d’Ebola en Afrique, les agents de la santé, les chauffeurs de taxi et même les agents funéraires faisaient pression sur les femmes en échange de soins médicaux, de transport, de nourriture et d’autres facilités. Selon l’ONU, 35 % des femmes dans le monde subissent des violences physiques et/ou sexuelles entre partenaires intimes ou des violences sexuelles de la part d’un non-partenaire – sans compter le harcèlement sexuel – à un moment de leur vie. Certaines études montrent qu’environ 70 % des femmes subissent des violences physiques et/ou sexuelles de la part d’un partenaire intime au cours de leur vie. La situation est pire avec le Covid-19. Des statistiques récentes du Royaume-Uni révèlent une augmentation de 700 % des appels sur les lignes d’assistances en ce qui concerne les violences domestiques en une seule journée, tandis qu’une ligne d’assistance distincte pour les auteurs de violences domestiques cherchant de l’aide pour changer leur comportement a reçu 25 % d’appels supplémentaires après le début du confinement.»
La situation à Maurice : «Chez nous, aucune donnée n’est disponible à ce jour quant à l’incidence de la violence domestique depuis le début du confinement mais une forte augmentation est attendue. Kalpana Devi Koonjoo-Shah, la ministre de l’Égalité du genre et du bien-être de la famille, a, dans une allocution à la télévision le lundi 13 avril, donné l’assurance d’une assistance 24 heures/24 aux victimes et a plaidé pour que les victimes qui souffrent en silence s’expriment via le service d’assistance téléphonique. C’était vraiment réconfortant ! Le défi consiste à briser le silence. Les femmes et les enfants victimes et à risque de violence domestique basée sur le genre, y compris le détournement émotionnel, les abus sexuels et le harcèlement, sont malheureusement coincés dans le couvre-feu national et éprouvent des difficultés à quitter les lieux où ils se trouvent. Un hébergement alternatif pour les femmes et les enfants à risque devrait être organisé. Les abris sont un élément essentiel dans la réponse globale aux survivantes, comme établi dans divers accords internationaux, tels que la Déclaration et le Programme d’action de Beijing de 1995, qui appelaient les États à “provide well-funded shelters and relief support for girls and women subjected to violence, as well as medical, psychological and other counselling services and free or low-cost legal aid, where it is needed, as well as appropriate assistance to enable them to find a means of subsistence”. Les refuges appartenant au gouvernement, pour les femmes et les filles à risque et les victimes de violence, auraient pu être plus proactifs pendant la période de confinement pour héberger celles-ci. Malheureusement, la gestion de ces abris est encore discutable. J’ai moi-même proposé depuis longtemps au ministère de l’Égalité du genre et de la protection de la famille de professionnaliser ces services. Aujourd’hui, les abris d’urgence auraient été une résidence pandemic-safe pour les femmes et les enfants à risque. Parallèlement, nos hôtels inoccupés auraient pu être utilisés comme abris d’urgence, agissant ainsi comme de probables solutions pour soulager les traumatismes et la douleur des victimes.»
Mes propositions : «De manière proactive, de nombreux pays du monde ont affecté un financement substantiel à la réadaptation et à la protection des femmes et des enfants en détresse et en situation de vulnérabilité dans les abris. Le 18 mars, le gouvernement canadien, en ligne avec le Covid-19 Economic Package, a alloué un financement de 50 millions de dollars aux refuges pour femmes victimes de violence sexiste et aux centres d’agression sexuelle. Le ministère de l’Égalité du genre et du bien-être familial à Maurice devrait également saisir l’opportunité et faire pression auprès du ministère des Finances pour obtenir un financement substantiel pour les abris du Covid-19 Solidarity Fund. La réponse des systèmes de santé ne devrait pas seulement concerner les personnes infectées ou à risque d’être infectées mais aussi toutes les personnes concernées ! Les prestataires de soins de santé auraient pu être formés pour identifier les femmes et les enfants à risque de violence dans tous les lieux de dépistage et ainsi fournir des conseils de première main et faire des suivis appropriés. La gender-based violence à l’égard des femmes et des enfants devrait être intégrée à la réduction des risques de catastrophe ainsi qu’aux processus de préparation en vue d’une pandémie. Les efforts de préparation doivent intégrer une perspective sexospécifique partout, en veillant à ce que les femmes et les enfants soient inclus dans les processus de préparation et la prise de décision. Le chef de l’ONU exhorte à juste titre les gouvernements à mettre les femmes et les filles au centre de leurs efforts pour se remettre du Covid-19 et “cela commence par les femmes en tant que dirigeantes, avec une représentation et un pouvoir de décision égaux”. Malheureusement, à Maurice, la représentation des femmes au sein du Comité national de communication sur le Covid-19 mis en place par le PMO est négligeable. Seulement deux personnes, en leur qualité de secrétaires permanentes de leur ministère respectif, sur 10 membres (20 %) du comité de gestion du Fonds de solidarité Covid-19 sont des femmes. Le ministère de l’Égalité du genre et du bien-être de la famille n’est pas représenté. Une équipe équilibrée entre les sexes aurait rassuré la seconde moitié de la population mauricienne.»
Covid-19, grossesse et accouchement : «À l’instar des pandémies du passé, les conséquences de l’épidémie du Covid-19 sont ressenties principalement par la section marginalisée du pays, y compris les femmes et les filles – en particulier celles à faible revenu et travaillant dans le secteur informel, la communauté LGBTQI (lesbiennes, gays, personnes bisexuelles, transgenres, queer et intersexuées) et les personnes handicapées, qui dépendent presque entièrement des établissements de santé publics. La gestion des crises du système de santé a mis de côté les soins et services sexuels et reproductifs. De même, lorsque le gouvernement a repris l’hôpital ENT pour prendre en charge les patients du Covid-19, personne ne s’est interrogé sur le sort des patients ORL actuels. Alors que nous nous adaptons à la “nouvelle normalité”, nous devons garantir la santé et les droits sexuels et reproductifs des femmes et rechercher des approches innovantes pour combler le fossé. Nous affirmons que personne ne doit mourir du Covid-19 mais nous devons également nous assurer qu’aucune femme ne meure pendant la grossesse et l’accouchement. Les femmes peuvent éviter de solliciter des services de santé pour maltraitance physique et blessures par crainte d’une éventuelle infection. Les femmes enceintes, celles en détresse et avec des capacités réduites nécessitent une attention particulière de la part des prestataires de services de santé et des premiers intervenants d’urgence. Malheureusement, ils sont indisponibles ou inaccessibles. La prévention de la propagation de la maladie et la prise en charge des patients infectés par le virus restent la priorité. Le stress de la femme enceinte qui attend un accouchement imminent est lié à l’anxiété et à la peur pour elle-même, et elle vit aussi dans la crainte que son nouveau-né soit victime de la maladie. La recherche a prouvé que jusqu’à 80 % des femmes enceintes ressentent un certain degré de peur, d’anxiété et d’inquiétude »
Quelques chiffres : «Le SRAS (syndrome respiratoire aigu sévère identifié pour la première fois dans le sud de la Chine en 2003) avait un taux de mortalité global d’environ 10 %, tandis que le MERS (syndrome respiratoire moyen-oriental, identifié pour la première fois en Arabie saoudite en 2012) a tué environ 33 % des personnes infectées. L’OMS estime le taux de mortalité pour le Covid-19 entre 3 et 4 %. Il est, comparativement, une maladie moins meurtrière. En se basant sur la question du sexe, le taux de mortalité du SRAS était de 22 % pour les hommes contre 13 % pour les femmes, le taux de mortalité pour le MERS était de 32 % pour les hommes contre 26 % pour les femmes, et pour le Covid-19 à ce jour, sur la base des statistiques de la Chine, des États-Unis, de l’Italie et de la Corée du sud, le taux de mortalité est également plus élevé pour les hommes. À New York, au 1er mai 2020, 61 % des 13 156 décès au total étaient des hommes. À Maurice, à ce jour, 90 % des décès liés au Covid-19 sont des hommes.
Conclusion : «Le Covid-19 envoie un signal fort à l’humanité. Notre survie repose sur notre degré de responsabilité et la reconnaissance de notre interdépendance. Les hommes viennent de Mars, les femmes de Vénus mais vivent ensemble sur Terre où tout doit être partagé également et équitablement. La voie à suivre pour les femmes, en particulier celles concernées par l’accouchement, consiste à appliquer un cadre de résilience qui leur permettrait d’atténuer, de s’adapter et de se remettre du stress, des traumatismes, de l’anxiété et de la douleur causés par le Covid-19. Cela ne peut être réalisé sans l’adoption d’une approche inclusive qui intègre toutes les composantes de la société, y compris les hommes ; après tout, le genre compte !»
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