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La magistrate Varsha Biefun-Doorga décède suite à une intervention chirurgicale - Nalini, sa mère : «Je veux savoir pourquoi j’ai perdu mon enfant»

Raviraj décidera de la marche à suivre lorsqu'il en saura plus sur les circonstances du décès de sa soeur.

A-t-elle été victime d’une négligence médicale ? C’est ce que veulent savoir la police, le Medical Council et, surtout, ses proches. Après avoir eu recours à une liposuccion dans une clinique privée, la magistrate Varsha Biefun-Doorga, une veuve de 43 ans, a vu son état de santé se dégrader drastiquement. Elle a rendu l’âme quatre jours plus tard, soit le mardi 23 juillet, en succombant à une septicémie provoquée par une perforation de l’intestin. Elle laisse derrière elle deux orphelins de 11 et 13 ans. Ses proches, submergés de questions, ont réclamé une enquête. Témoignages...  

Elle n’avait jamais été du genre à se laisser faire. Lorsqu’elle était enfant, Varsha Biefun-Doorga argumentait tout le temps avec ses aînés. Elle voulait toujours avoir le dernier mot. «Nous lui répétions : “Twa, to bizin vinn avoka plitar!”», relate son frère Raviraj, souriant tristement à l’évocation de ces vieux souvenirs. Cela n’avait été une surprise pour personne que le judiciaire devienne son domaine de prédilection. Ce que son entourage n’avait cependant pas présagé, c’est qu’elle quitterait ce monde de manière brusque à seulement 43 ans, tout juste un an après avoir été nommée magistrate de la cour intermédiaire. Le vendredi 19 juillet, Varsha Biefun-Doorga a eu recours à une liposuccion dans une clinique privée à Grand-Baie. Elle est rentrée chez elle deux jours plus tard mais son état de santé n’a cessé de se détériorer depuis. Elle a rendu l’âme ce mardi 23 juillet en succombant à une septicémie. La police et le Medical Council ont initié des enquêtes afin de déterminer si elle a été victime de négligence médicale.

 

Son départ si soudain et inattendu est une pilule que ceux qui l’ont côtoyée ont énormément de mal à avaler, particulièrement sa mère Nalini, dont le coeur saigne. La quadragénaire vivait à seulement quelques mètres de son domicile, à Goodlands, et faisait le va-et-vient entre sa maison et la sienne plusieurs fois par jour. Assaillie par le chagrin et la douleur, Nalini veut encore croire que sa fille franchira le seuil de sa porte à tout moment. «Je suis toujours dans le déni. Je me dis sans cesse que cela n’est jamais arrivé. Avant de me lever ce matin (NdlR : le vendredi 26 juillet), j’ai rêvé qu’elle était venue me réveiller, me prendre dans ses bras pour me rassurer, me dire que je m’étais simplement endormie, que tout cela n’était qu’un cauchemar», balbutie-t-elle en sanglots. Néanmoins, la triste et dure réalité finit toujours par la rattraper car sa souffrance est tellement forte qu’elle ne peut être mise de côté.

 

Douleurs abdominales

 

Varsha Biefun-Doorga avait deux garçons âgés de 11 et 13 ans dont elle s’occupait avec l’aide de sa mère depuis le décès de son époux, un ex-policier, terrassé par une maladie il y a quatre ans. Un an seulement après cette tragédie, elle avait aussi perdu son père, l’avocat Bhrissubhanoo Biefun. «Je m’étais retrouvée seule et j’avais des problèmes. Je lui avais donc demandé de laisser son benjamin dormir chez moi chaque soir au cas où il m’arriverait quelque chose», confie Nalini. Depuis, poursuit-elle, «Varsha arrivait chez moi aux aurores chaque matin pour réveiller son fils et lui faire un câlin avant qu’il aille prendre sa douche. Elle lui faisait prendre son petit-déjeuner, puis l’accompagnait à l’arrêt d’autobus pour qu’il se rende au collège. Elle rentrait ensuite chez elle se préparer pour aller au travail.»

 

Elle était toujours aux petits soins pour son entourage, à en croire sa mère: «Varsha avait embauché quelqu’un pour s’occuper des tâches ménagères chez moi. Elle ne voulait pas que je me fatigue ; elle voulait juste que je veille sur ses enfants après leurs heures de classes et que je prépare le dîner. Elle venait manger à la maison tous les soirs.» Nalini est consciente que c’est dans cette foule de gestes du quotidien que l’absence de sa fille se fera le plus ressentir.

 

Nalini et son fils Raviraj se demandent encore comment Varsha a pu se laisser convaincre d’avoir recours à une liposuccion. Le vendredi 19 juillet, dans la matinée, le chirurgien plastique, qui était l’une de ses connaissances, l’avait récupérée chez elle pour la conduire dans une clinique à Grand-Baie, où il avait pratiqué l’intervention. Il l’avait, lui-même, ramenée chez elle à Goodlands deux jours plus tard. Après une première nuit à la maison, Varsha Biefun-Doorga avait commencé à se plaindre de douleurs abdominales. Le chirurgien plastique lui aurait rendu visite et prescrit des antidouleurs, mais son état avait continué de se dégrader. «Ce mardi, son aîné m’a demandé de passer la nuit chez eux pour que je l’aide à veiller sur sa mère. J’avais préparé à manger mais Varsha refusait d’avaler quoi que ce soit à cause de ses maux de ventre. Linn dir so garson “fer enn tass dite pou mwa”», lâche Nalini.

 

Loin de se douter que son état de santé se détériorerait, la mère et le fils aîné de Varsha Biefun-Doorga se sont installés devant la télé. «Nous avons regardé un film avec les sous-titres uniquement pour pouvoir l’entendre si jamais elle nous réclamait. Lorsque son fils a crié son nom, elle n’a pas répondu. Je lui ai dit qu’elle se reposait probablement mais lorsqu’il s’est rendu à son chevet, Varsha a ouvert les yeux, marmonné quelques mots mais n’arrivait plus à articuler. Nous avons immédiatement appelé le chirurgien.»

 

Dans un premier temps, le chirurgien aurait minimisé les symptômes de la quadragénaire et assuré qu’elle ne craignait rien. Ce n’est que lorsqu’il s’est présenté chez elle une heure plus tard et l’a examinée qu’il aurait constaté que son état de santé était préoccupant. «Linn dir nou li ase grav, sonn enn lanbilans.» Celle-ci mettant trop de temps à arriver, le chirurgien, ainsi qu’un autre médecin, ami de la famille, et l’oncle de Varsha Biefun-Doorga, l’ont conduite à la clinique où son décès a été constaté. «Plusieurs proches les avaient rejoints sur place pendant que je surveillais les enfants. Je n’oublierai jamais le moment où on m’a appelée pour m’annoncer la mauvaise nouvelle», lâche Nalini en pleurs.

 

Le lendemain, une autopsie a été pratiquée par le Dr Sudesh Kumar Gungadin, chef du département médicolégal de la police, et le Dr Prem Chamane, médecin légiste de la police. Ils ont conclu que le décès était dû à une septicémie provoquée par une perforation de l’estomac. Les funérailles de Varsha Biefun-Doorga ont eu lieu le jeudi 25 juillet. Une foule de personnes s’étaient rassemblées ce jour-là pour lui rendre un vibrant hommage, dont plusieurs membres du barreau et des personnalités politiques. Le même jour, sa mère Nalini a consigné une déposition au poste de police de Grand-Baie, soupçonnant une négligence médicale. «On veut savoir ce qui est arrivé. Je veux savoir pourquoi j’ai perdu mon enfant. Elle ne méritait pas cela», pleure notre interlocutrice.

 

«Ascension fulgurante»

 

Varsha Biefun-Doorga a eu un parcours exemplaire. Après son secondaire au collège Queen Elizabeth, elle a fait ses études de droit à l’université de Buckingham. Elle a commencé ses études juste après que son père avait terminé les siennes. «Vu que je vis à Londres, elle passait toujours ses vacances avec moi à l’époque», confie Raviraj, qui est rentré à Maurice cette semaine pour soutenir sa mère dans ces moments douloureux. C’est en 2008 qu’elle a prêté serment comme avocate, soit trois ans après son père. «Elle a suivi ses traces, mais elle était plus douée et avait plus de patience», reconnaît-il.

 

Malgré la perte de deux être chers en très peu de temps, «elle n’a pas baissé les bras. Elle a refusé de se laisser abattre et a connu une ascension fulgurante dans sa carrière». C’est ainsi qu’après un long parcours au sein des bureaux du Directeur des poursuites publiques et de l’Attorney General, elle a été nommée magistrate le 30 juin 2023. «Elle en était fière, mais nous, ses proches, étions encore plus fiers d’elle.» Nalini avance qu’elle était dotée d’une gentillesse, d’une humilité et d’une compassion sans bornes : «Elle me disait toujours : Maman, même les prisonniers, je les traite avec dignité car ce sont des humains avant tout. Je ne les insulte pas même s’ils ont fauté. Ils méritent le respect».

 

La magistrate était aussi une fine cuisinière dont les bons petits plats étaient appréciés de tous. Pas seulement de sa famille, mais aussi des membres du Rotary Club de Grand-Baie, où elle a été un membre actif, mais aussi Director of Young Generation pour le mandat 2023-2024. Dans une publication où son président Leel Koodun lui rend hommage, celui-ci en fait même mention : «Amongst the most beautiful memories with her is when she would cook for the whole club and we would all savour the dishes she serves.» Mais ses délicieux repas ne sont pas les seuls bons souvenirs qu’elle leur aura laissés. «Her laughter, her wise input and freeing herself for the service above self shall always be remembered», a ajouté Leel Koodun.

 

En attendant que la police et le Medical Council situent les responsabilités dans le cadre du décès de la magistrate, Raviraj précise : «S’il y a eu maldonne, le choix nous reviendra de considérer des poursuites civiles. Nous discuterons de la marche à suivre en famille.» Au coeur d’un chagrin encore vif, il remercie la population, la police, le judiciaire et la presse du soutien apporté à sa famille dans ces moments difficiles, «mais durant les jours à venir, nous tenons à faire notre deuil en paix», dit-il. En ce qui concerne les enfants de sa soeur, il précise : «Nous leur apportons le soutien nécessaire. Ils sont bien encadrés. Leur avenir est déjà assuré.»

 

Le chirurgien plastique au coeur de deux enquêtes pour «attempt upon chastity»

 

Il n’a jamais été impliqué dans des cas de négligences jusqu’ici. Cependant, le chirurgien plastique ayant pratiqué l’intervention de Varsha Biefun-Doorga a déjà été sanctionné pour des «fautes mineures». Se présentant comme consultant en Plastic, Reconstructive and Aesthetic Surgery sur sa page officielle, il aurait cumulé plusieurs années de service dans le domaine à l’étranger avant de rentrer à Maurice. Il aurait travaillé dans le service public, puis aurait été contraint d’abandonner son poste après avoir rencontré des problèmes. Il aurait ensuite travaillé pour un groupe de cliniques privées. Parmi les plaintes enregistrées à son encontre figurent deux cas d’attempt upon chastity consignés par des patientes venues le consulter. La première remonte à juillet 2015 mais les procès ont été interrompus à deux reprises et l’affaire est toujours en cours. La seconde remonte à mai 2022 et la plaignante est une policière. Cela avait conduit à son licenciement de ce groupe de cliniques privées. Par la suite, il a continué d’exercer dans une clinique privée du Nord.