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Par Yvonne Stephen
28 février 2015 02:29
Bond dans le temps. C’est à cet espace que se dresse, désormais, l’Ollier Plaza.
La ville chante sa symphonie. Aux percussions, les bruits de klaxon. Les choeurs sont assurés par les citadins. Des conversations éphémères, perdues dans le brouhaha ambiant. Mais il suffit de pénétrer dans un tout nouveau bâtiment, façade en pierres et escalier en marbre, pour que le concerto de la capitale s’estompe. Ce building, comme il en pousse tant d’autres à Port-Louis, aurait-il quelque chose de magique ? Pourtant, il suffit de prendre l’ascenseur, de l’Ollier Plaza, et de se laisser porter jusqu’au dixième étage pour découvrir le secret de ce monstre en briques. Au sommet de la tour, une petite construction toute simple. Murs blancs immaculés et colonnes rouges. Lions sculptés et tableaux en bois parés de messages calligraphiés…
La pagode Fock Diack, qui doit être inaugurée aujourd’hui, dimanche 1er mars, se dresse en toute discrétion sur le toit du Plaza : «Selon le feng shui, il est impossible de construire d’autres étages sur notre pagode. C’est pour cela qu’elle se trouve sur le toit du bâtiment», explique le président de la société Fock Diack, Guy Fok. De la terrasse du lieu de culte et de recueillement, on découvre une vue imprenable sur la capitale. Du port à la Citadelle. Des gratte-ciel à l’océan. Vu d’en haut, la ville semble moins agitée.
Le temps avance à reculons. Malgré l’apparente modernité de la structure et la pureté des nouveaux murs, les colonnes, les pancartes, les meubles – plus que centenaires ! – viennent de l’ancienne pagode (inaugurée dans les années 1890) qui a été détruite afin de laisser place au bâtiment actuel. De nombreuses voix se sont élevées contre ce projet. Notamment contre la disparition de l’ancienne pagode, considérée par certains comme étant unique dans l’hémisphère sud. Néanmoins, l’Ollier Plaza a vu le jour. «Nous avons pris la décision de nous lancer dans cette aventure afin d’assurer la pérennité de la maison des Fock», explique Guy Fok.
Loin de la clameur des protestations, c’est avec beaucoup de fierté que les membres des familles rattachées à la pagode Fock Diack parlent de leur lieu de culte. Jean Kok Shun, dont l’arrière grand-père était un des fondateurs de la Société de Secours Mutuel Fock Diack, le dit : «C’est une grande joie. Nous avons fait du chemin depuis la toute première pagode Fock à la rue Deschartes.» L’histoire de ces familles est intimement liée à celle de leur lieu de culte. Pour elles, il s’agit d’un espace de rencontres, de prières et de méditation.
Pour découvrir ce nouveau sanctuaire, il faut oublier les images de visites dans d’autres pagodes. Bâtisse en bois et lumière tamisée. Parquet foncé et forte odeur d’encens. Ici, la pagode est lumineuse et aérée. Dans l’air, flotte le parfum associé à ce type de lieu. Mais il est léger. Le rouge – symbole du bonheur et de la vitalité, apprend-on – et le doré sont les couleurs dominantes de ce lieu de culte. Et elles rappellent les vieilles pagodes de nos souvenirs. Les meubles, moulures et tableaux sont d’époque. Chaque objet exposé est porteur de symbole. Comme la chauve-souris à l’entrée. «C’est celui de la longévité», souligne Guy Fok. Dans chaque recoin, une merveille à découvrir. Un meuble laqué sculpté par un artiste chinois dans une seule pièce de bois. Un cendrier qui date de 1868. Les portes de l’ancienne pagode, retravaillées pour qu’elles puissent s’intégrer à la nouvelle...
Une petite brise s’engouffre à travers l’une d’elle. Et avec ce coup de vent vient, en sourdine, la symphonie de la rue.
Question de financement
Le bâtiment de dix étages a été financé grâce aux loyers des espaces commerciaux et au «lease» (sur 99 années) des 47 appartements. Ces espaces de vie n’ont pas été vendus, comme l’explique Guy Fok : «C’est une façon de ne pas dilapider le patrimoine des Fock.»
Les membres de la Societé Fock Diack (avec Guy Fok, au centre), heureux de la concrétisation de leur projet.
Pour la petite histoire…
Le patronyme Fok serait né en 1122 avant Jésus-Christ en Chine. Selon une histoire connue par tous les membres de cette grande famille, le roi Zhou Wu Wang aurait donné à son jeune frère, Shu Chu, le fief de Kok qui se situe dans la province de Shanxi. À partir de cet instant, Shu Chu et ses descendants ont adopté le surnom Fok (cantonnais) ou Huo (Pinyin). Les membres de la Société de Secours Mutuel Fock Diack ne savent pas exactement quand le premier Fok est arrivé à Maurice. Mais c’est en 1884 que la société est créée par les pères fondateurs Ahon, Khack Chong, Hang Thim, Foc Thow et Foc Leng. En 1890, le terrain où l’Ollier Plaza est situé est acheté pour la somme de Rs 8 500. Guy Fok, le président de cette association, explique comment chaque grande famille Chinoise a sa propre pagode : «Il y a eu une première pagode, la Kwan Tee, qui réunissait tous les chinois – les Cantonnais, les Hakka et les Hokkien – arrivés à Maurice. Ensuite, chaque clan a lancé son association et sa pagode.»
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