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8 février 2023 18:23
Fermez les yeux. Imaginez devant vous un volatile de la taille d’un dindon. Soit un oiseau pas comme les autres, une espèce de la famille des raphidés (qui a vécu à Maurice et a disparu il y a plus de 300 ans), ayant des points communs avec les pigeons, faisant, selon certaines données, un mètre de haut et pesant entre 9 et 14 kg, avec un plumage tirant sur le marron-gris de septembre à mars et devenant duveteux et noir entre avril et juillet (lorsqu'il se prépare – à en croire des dossiers – pour la nouvelle période de reproduction).
Incapable de voler, ayant de petites ailes, imaginez-le en train de déambuler devant vous avec un caractère placide... Une façon de se mouvoir qui lui aurait valu son nom de «dodo», qui vient du néerlandais dodoor, signifiant «paresseux». D'ailleurs, on dit de lui qu'il était «trop lourd pour voler, trop gros pour courir et trop maladroit pour fuir», ce qui attesterait le fait qu'il n'a pas survécu à l'arrivée de l'homme sur son territoire ainsi qu’à d'autres animaux comme les rongeurs car il aménageait son nid à même le sol.
Pour son cri, il vous faut encore faire appel à votre imagination. Son chant ressemblerait au roucoulement, fidèle en cela à sa lignée de pigeon. Et pour son mode d'alimentation, des recherches mettent en avant l'hypothèse la plus répandue, soit que celle-ci se basait essentiellement sur les graines et les fruits ou encore les mollusques.
De génération en génération, nous, Mauriciens, avons tous appris à connaître cet oiseau emblématique de notre île, qu'on retrouve aujourd'hui sous forme de peluches, de porte-clés ou encore imprimé sur des T-shirts, entre autres, à travers les livres d'histoire ou sur les bancs de l'école. On peut même contempler une reconstitution de l'oiseau disparu au Musée d'Histoire Naturelle de Port-Louis.
Et si vous avez un jour rêvé de voir l'animal en vrai, un peu comme pour toutes ces espèces qui ont disparu de la planète et dont un éventuel retour par un procédé quelconque (comme on voit dans les films de science-fiction) fascine, peut-être que votre rêve va devenir réalité à l’avenir. En effet, une équipe de chercheurs de Colossal Biosciences, une société de biotechnologies américaine, fait la Une des journaux (à l'international comme chez nous) pour avoir annoncé une possible «résurrection» du dodo et sa réimplantation éventuelle dans l’écosystème mauricien.
Endémique
La société en question, après avoir annoncé le retour du mammouth laineux ou du loup de Tasmanie, affirme avoir obtenu un financement de 150 millions de dollars (environ Rs 6,7 milliards) pour mener à bien son expérience. Ce serait grâce à un séquençage de son génome, puis un mélange de son ADN avec un animal proche actuellement vivant, que le dodo pourrait revivre. Une nouvelle qui a vite fait le tour du monde et de la Toile et autour de laquelle, il y a bien sûr des pour et des contre, chacun défendant ses arguments.
Cette annonce attise évidemment la curiosité de nombreux Mauriciens qui, depuis toujours, semblent connaître le dodo sans vraiment bien le connaître car bien que disparu, l'oiseau endémique de notre île fait partie des animaux les plus célèbres même si, au final, il est peu connu.
Jayshree Mungur-Medhi, archéologue qui a écrit un article dans Ancient Origins sur le dodo en 2021 et qui a été l'invitée d'une interview sur la BBC sur le dodo et le site de la Mare aux Songes il y a quelques années, suit de près tout ce qui entoure cette annonce, d’autant que le groupe de chercheurs en question a pris contact avec elle en vue d'une éventuelle collaboration. «L'équipe a contacté quelques personnes à Maurice, dont moi. Nous n'avons pas encore conclu d'accord formel mais ils m'ont contactée et m'ont demandé si je pouvais collaborer en examinant la section de l'écologie pendant le contact de l'homme avec le dodo. Tout ceci est encore au stade de la discussion», nous dit Jayshree Mungur-Medhi.
Et qu'est-ce qu'une telle nouvelle représente pour elle ? «Pour moi, ce serait une recherche scientifique plus approfondie sur le dodo, sur son écologie et sur l'écologie de l'île Maurice à l'époque du dodo. C'est une opportunité pour moi de collaborer à un projet unique», explique l'archéologue. Et pour le monde, une possible résurrection du dodo représente quoi ? «Pour le monde, ça impliquerait le développement de la science et de la technologie, et les possibles avancées que ce développement apporte», répond notre interlocutrice.
Elle estime que cette actualité pourrait mettre bien en lumière notre petite île. «Il pourrait y avoir une meilleure prise de conscience mondiale de l'île Maurice, non seulement comme une destination touristique moderne mais aussi comme une source d'études scientifiques sur la faune ancienne et l'écologie... Cela offrirait aussi la possibilité aux Mauriciens d'être impliqués dans de telles études», conclut Jayshree Mungur-Medhi en parlant du dodo, dont la dé-extinction fait beaucoup parler d'elle...
Ce qu'en pensent les Mauriciens
«C'est un projet avec beaucoup d'ambition et surtout culotté. Faire revenir le dodo à la vie… Que demander de plus, sinon de voir cet animal sur notre île ? Mais il y a pas mal de contraintes à cela. Ça risque d'affecter l'écosystème d’y inclure un animal d'une telle envergure. Par la suite, les gens “riches” ne voudront-il pas faire ressusciter leurs êtres chers qui ne sont plus de se monde ? C'est juste une question qui me vient à l'esprit. En tout cas, j'aurais bien aimé revoir cet oiseau ici sur mon île paradisiaque ; cela embellirait davantage notre culture et ferait renaître une part historique de notre patrimoine...»
«Un projet intéressant, oui ! Mais ce n'est pas la priorité. Nous sommes déjà confrontés à l'inflation, à des personnes vivant dans une extrême pauvreté, à des calamités naturelles qui touchent notre population, entre autres. Investir dans un tel projet en négligeant le fait que le monde est déjà confronté à une récession et à une crise financière n’en vaut pas la peine. Ce n'est certainement pas une priorité. Pourquoi ne pas investir dans les soins médicaux classiques ? Ce projet ne va pas améliorer nos vies.»
«Dodo le retour... Cette nouvelle me ramène à mon enfance, quand il y avait la série Dodo le retour. Mais cette fois, c’est pour de vrai ! Je trouve cette démarche très louable car ça va nous permettre de restaurer une partie de notre passé. Le dodo est l’emblème de notre île. Et ce serait fantastique de pouvoir admirer cette oiseau qui fait partie de notre patrimoine. L’île Maurice est connue comme l’île aux dodos, donc revoir le dodo marcher sur nos terres serait exceptionnel. Je souhaite que cette avancée historique soit vite à la portée des Mauriciens et que nous puissions admirer une fois de plus les merveilles de la science.»
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