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8 mai 2018 14:11
Dans les rues de la capitale, un mouvement de foule attire le regard. Au loin, les sons des djembés résonnent et les voix s’élèvent : «Stop sinte, legaliz gandia.» Ils sont nombreux à s’être donné rendez-vous à Port-Louis pour une manifestation, organisée par le Kolektif 420, réclamant la légalisation du cannabis. Sur les banderoles, les messages pleuvent, appelant à la légalisation du gandia. La marche démarre devant le centre social Marie Reine de la Paix pour se diriger vers le Jardin de la Compagnie. Plusieurs groupes sont là. Claim, Muvman Alternatif Societe Sitwayen, Freedom, et d’autres représentants d’organisations comme PILS, Lead et CUT. La police, en grand nombre, ne passe pas inaperçue aussi.
Le rassemblement réunit plusieurs militants de cette cause qui sont venus crier haut et fort qu’il est grand temps que Maurice autorise la légalisation du cannabis, à l’image d’autres pays. Après les incidents de 2016 lors d’un rassemblement rastafari à Port-Louis qui avait terminé en affrontement avec les forces de l’ordre, Jameel Peerally joue la carte de la prudence et lance une mise en garde. «C’est une marche pacifique. À l’heure où nous marchons, le gandia est toujours illégal. Il nous faut respecter cela et ne pas tomber dans la provocation.»
Derrière la grande banderole verte, Cynthia et Amandine Carmen marchent en tenant dans leur main des photos. En s’approchant de plus près, on y voit Amandine sur un lit d’hôpital, entourée d’appareils et de tubes. «Ma fille a 16 ans. Elle est autiste et, il y a quelques années, elle a commencé à souffrir d’épilepsie. Elle a régulièrement des crises violentes. Cette photo, c’est quand elle avait sombré dans le coma après une crise en 2016», confie la maman. Amandine prend de nombreux médicaments mais son état ne semble pas s’améliorer. «Si je suis là, ce n’est pas parce que ma fille a besoin du cannabis pour aller mieux. J’ai fait des recherches et je sais aujourd’hui que l’huile de cannabis est la solution !»
Comme Amandine, d’autres personnes malades et convaincues de pouvoir se soigner avec l’huile de cannabis ont fait le déplacement. Il y a Karuna qui souffre de polyarthrose et qui doit vivre avec de fortes douleurs, au quotidien. Il y a aussi Daniel, dont la maladie et les médicaments ont eu des effets dévastateurs sur sa santé. Tous sont convaincus que l’huile de cannabis peut les soulager et les aider à aller mieux. «C’est la drogue dure qui est en train de finir ce pays. Personne ne meurt du gandia ! Le gandia ne rend pas violent. Les personnes malades en ont besoin. C’est pour eux que nous sommes là», lance Jameel Peerally dans son interphone. Le groupe avance et chante l’hymne national ou encore la chanson Lame dan lame en faisant flotter le drapeau de Maurice. Un geste symbolique subitement interrompu par un homme se tenant à l’angle de la rue La Poudrière.
L’homme se prénomme Yassin et tient une pancarte sur laquelle on peut lire des mots comme Haram (interdit en islam) ou Shariah (la loi de l’islam). La tension monte d’un cran lorsque des manifestants s’en approchent. Mais un homme se met à crier, craignant visiblement un dérapage. «La manifestation continue. Ceux qui sont avec nous, venez.» La police s’en mêle, le ramenant à l’ordre en lui disant qu’il est en train de perturber un rassemblement légal. «Légaliser le gandia, c’est soutirer la malpropreté. Et ce n’est pas logique que ces personnes puissent faire une manifestation», lance-t-il, avant d’être amené par la police.
La marche, elle, continue, remontant la rue La Poudrière pour passer devant le Parlement et ensuite revenir au Jardin de la Compagnie. Là, ils ont été plusieurs à prendre la parole avant de garder une minute en silence en hommage aux jeunes qui ont perdu la vie à cause des drogues synthétiques. Si pour Selven Govinden de Claim (Cannabis Legalization and Informative Movement), il est temps que le cannabis soit déclassifié comme drogue dure, James Pavady estime, lui, que les autorités diabolisent une plante naturelle alors qu’il existe de nombreuses substances chimiques qui tuent tous les jours.
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