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Les circonscriptions nos 15, 16 et 17 sous haute surveillance : ils racontent la vie dans la zone rouge

14 mars 2021

Neeta Dajee, diabétique et habitante de Forest-Side : «À la recherche… d’insuline»

 

Éviter de sortir. Faire avec ce qu’on a à la maison ; c’est la solution de Neeta Dajee et de sa famille pour contrôler cette angoisse qui prend à la gorge depuis quelques jours… Cette habitante de Forest-Side, localité qui se situe dans la zone rouge et qui a enregistré plusieurs cas, s’est retrouvée dans une situation difficile après ce lockdown dans le lockdown. Neeta Dajee est diabétique depuis 15 ans. En Australie pendant un moment, elle est rentrée au pays juste avant le premier confinement en 2020 : «Du coup, je suis sans emploi et je suis mon traitement à l’hôpital de Souillac où je vois un médecin et reçois mes injections d’insuline et autres médicaments que je récupère chaque mois.» Et la première semaine du confinement était celle de son rendez-vous mensuel : «J’attendais mon jour de sortie pour y aller et puis, ils ont annoncé le total lockdown pour nous.»

 

Une décision qui a fait un choc : il est difficile, voire impossible, de sortir de Curepipe (néanmoins pour des raisons de santé, le mouvement est permis). Mais dans le flou des premières heures de cette zone rouge confinée, elle a encore de nombreuses interrogations. «J’ai appelé le poste de police de Curepipe pour me renseigner concernant les démarches à suivre. Le policier m’a dit qu’il n’y en avait aucune. J’ai alors dit que, sans mon insuline, je risque de tomber malade. Il m’a alors répondu : “Ou sonn lanbilans lerla madam".» Un peu prise au dépourvu, elle se confie sur le nouveau groupe Facebook, People of Curepipe, et trouve de l’aide : «Heureusement qu’une dame super gentille qui travaille à l’hôpital de Rose-Belle a pu me faire parvenir deux injections pour tenir une semaine.»

 

Pour l’instant, donc, sa situation personnelle est sous contrôle et un nouveau quotidien se met en place. Avec l’angoisse en supplément. Neeta Dajee écoute les points de presse des représentants du gouvernement et comprend que le danger est partout : «Mentalement, ce n’est pas trop ça. Mais je pense que c’est le cas pour tout le monde. Sinon, en toute franchise, ça aurait pu être pire. Il y a définitivement plus d’angoisse parce qu’on est dans cette zone. Mais je ne sors pas – on n’en a pas eu besoin jusqu’à présent – donc, il n’y a pas la paranoïa que j’aurais eue si je devais aller faire les courses, par exemple.»

 

Fayed Outim, travailleur social et habitant de Vacoas : «Ansam nou pou fer fas»

 

Du jour au lendemain, il s’est retrouvé à vivre une situation inédite... Sa ville, Vacoas, et d’autres régions des circonscriptions nos 15, 16 et 17, se sont retrouvées isolées du reste du pays à cause de l’interdiction de déplacement instaurée par les autorités pour contenir la propagation du coronavirus. «Nous nous retrouvons cadenassés à double tour. C’est la première fois que je me retrouve à vivre une telle situation où les déplacements sont contrôlés», confie Fayed Outim, très actif socialement dans sa région mais aussi dans d’autres parties de l’île au sein de l’association Dimah SA. «Il y a des policiers partout et tout est sous haute surveillance. On se croirait dans un film. C’est triste de se dire qu’on s’est retrouvés du jour au lendemain comme des habitants de Wuhan. Toute l’île a les yeux braqués sur nous. Sans qu'on s’y attende, notre région est devenue le foyer du virus.»

 

Depuis, les interrogations sont nombreuses : «Comment en est-on arrivés là ? J’espère qu’on aura la réponse un jour.» En attendant, il lui faut, comme tous les habitants, s’adapter à la situation : «Personnellement, je vis difficilement la situation. Durant le dernier lockdown, j’étais actif dans le cadre de mes activités au sein de l’ONG Dimah SA. Cette fois, nous n’avons pas eu de permission pour pouvoir circuler et apporter notre aide à ceux qui sont en difficulté. Je sais qu’il y a et qu’il y aura beaucoup de personnes, et surtout des enfants, qui se retrouveront en difficulté pendant le confinement. Certains mêmes n’auront pas à manger.»

 

Il profite de l’occasion pour lancer un appel à tous les habitants de La Caverne-Phoenix : «Veillons tous sur nos voisins. Partageons avec ceux qui n’ont rien. Assurons-nous que ceux qui sont autour de nous ont de quoi se mettre sous la dent. Si chaque famille au no 15 fait cela, nous pourrons éviter bien des souffrances. Na pena ras, kouler, ni relizion. Touletan nou inn viv kouma fami, uni ek solider. Letan inn vini pou nou montre Moris antie kouma nou viv dan no 15 : ansam ek solider. Ansam, nous pou fer fas parski no 15, se nou idantite sa. No 15, se nous fierte. Ansam nou marye pike nou protez sak la vi dan nou sirkonskripsion. On respecte les consignes et les règles que les autorités ont instaurées pour qu’on puisse sortir de cette situation. Je compte sur chaque famille au no 15 pour qu’elle fasse la fierté de notre circonscription et j’ai une pensée spéciale pour nos frères et sœurs des circonscriptions nos 16 et 17…»

 

Marjorie Auckbaraullee, Self-Employed et habitante d’Eau-Coulée : «J’ai peur…»

 

Son petit bazar, Chez Mami Naga, est inanimé depuis quelques jours. Pour Marjorie Auckbaraullee, mère et grand-mère, l’angoisse et le stress sont à leur pic. Un double confinement affecte doublement le moral, dit-elle. «J’ai peur. Peur de ce qui arrivera car l’avenir est tellement incertain. Nous avions à peine retrouvés un semblant de normalité et nous voilà replongés dans ce cauchemar», soupire cette habitante d’Eau-Coulée.

 

Ce qu’elle retient du premier jour de double confinement des circonscriptions nos 15, 16 et 17, dites des zones rouges , c'est la panique qui a gagné les habitants de la localité. «La boutique du coin a été dévalisée en une fraction de seconde car les habitants ont eu peur de ne plus avoir de provisions. Il y avait beaucoup de patrouille de la police, avec les sirènes et les messages nous demandant de rester chez nous. C’était effrayant et angoissant. Vivre une situation pareille, surtout quand nous avons des enfants à la maison, ce n’est pas évident. Les habitants de la zone rouge vivent tous dans la frayeur car nous ne savons pas qui peut être porteur du virus autour de nous.» En outre, ajoute-t-elle : «J’ai aussi ma petite-fille qui doit prendre part aux examens du SC. Sa maman n’est pas rassurée de l’envoyer à l’école dans de telles conditions, surtout qu’elle a une santé fragile.»

 

À cela s’ajoute l’absence des transports en commun. «C’est le flou. Pour les supermarchés, banques, écoles et autres, nous devons aller à Curepipe. Donc, comment faire si nous n’avons pas un moyen de transport ?» se demande Marjorie Auckbaraullee. Elle se dit aussi triste que les Mauriciens aient baissé leur garde par rapport à la Covid-19 et déplore le modus operandi des autorités.  «C’est la population qui souffre des décisions prises tardivement. Dès les premiers cas, cluster ou pas, les autorités auraient dû réagir plus promptement.»

 


 

Des régions barricadées

 

Depuis minuit, le 11 mars, et ce jusqu’au 25 mars, les circonscriptions de La Caverne-Phoenix, Vacoas-Floréal et Curepipe-Midlands sont verrouillées par la police. Cette mesure fait suite aux nombreux cas de Covid-19 détectés dans ces régions. Sont concernés : Forest-Side, Midlands, Camp-Fouquereaux, Phoenix, Allée-Brillant, Henrietta, La Marie, La Brasserie, La Caverne, Floréal, entre autres. Hormis les supermarchés qui fonctionnent toujours selon le système d’ordre alphabétique, tous les commerces seront fermés, dont les quincailleries, les banques, les meat et poultry shops. Bus et taxis n’opèrent pas non plus dans ces localités.

 

À pied d’œuvre, la police a mis en place 24 barrages routiers autour de cette zone rouge afin de contrôler les entrées et sorties dans ces endroits. 40 autres points secondaires sont également contrôlés. Ceux qui sont autorisés à circuler sont uniquement ceux qui ont leur Work Access Permit et qui travaillent pour des services essentiels, à l’intérieur ou à l’extérieur de cette zone. En ce qui concerne les personnes vulnérables (personnes âgées, infirmes vivant seuls, etc.) habitant cette région et rencontrant des difficultés, la police a mis à leur disposition une hotline pour que leurs proches ou aides-soignants puissent se déplacer pour les assister. Ils sont priés de composer le 213 4633 ou le 203 1212 (extension 1480/1481) au préalable pour toute requête.

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