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20 mars 2022 15:08
«On devait se voir aujourd’hui !» ; «C’est comme si elle était toujours là !» C’est dire à quel point il est difficile pour beaucoup d’accepter le décès soudain (d’une crise cardiaque) de Meera Mohun, 64 ans, nom incontournable de la musique locale dans… un peu tous les genres. Séga ici, bhojpuri là-bas, un peu d’hindi aussi, de la musique locale, orientale, internationale, Meera Mohun briguait tous les suffrages, ayant même été présidente de la Mauritius Society of Authors (MASA) de 2012 à 2014. À ses côtés, on en a vu tellement : Dominique Barret, Negro Pou Lavi, Sandra Mayotte, sans oublier les Bhojpuri Boys et Mario Armel, entre autres collaborations.
Beaucoup la connaissent surtout pour sa prestation dans Mon cœur épris du Réunionnais Dominique Barret ou pour son amour des livres (elle gérait la librairie Book World à Port-Louis et auparavant, la librairie Nalanda, à la rue Bourbon) mais la carrière de cette grande dame remonte à beaucoup plus longtemps. Sahil Gobin, vétéran de la musique indienne et membre du groupe musical Aahori, connaissait Meera Mohun depuis qu’elle était toute jeune : «Elle a commencé à l’âge de 5-7 ans, très encouragée par ses parents. À tel point que quand j’avais 15 ans, elle était déjà un nom connu. On a joué ensemble plusieurs fois, avec moi à la guitare, et on a continué, même si on s’était perdus de vue pour mieux se retrouver en tant que membres du jury lors d’un concours de chant en hindoustani diffusé sur la MBC il y a 30 ans. Depuis, on a fait notre route ensemble, sommes devenus très proches. On peut dire que nous avons grandi musicalement ensemble. Et pas d’hypocrisie, on se parlait très franchement», raconte ce vétéran musical. «Meera était une personne qui entrait dans toutes les sauces, elle pouvait chanter le bhojpuri, l’hindoustani, le kreol, tout. Et cela se reflétait aussi dans sa personnalité, elle ne voyait que le Mauricien. Récemment, on devait se rencontrer avec Gérard Louis pour organiser un hommage à Lata Mangeshkar…»
Même beau son de cloche de la part de Kishore Taucoory, l’incontournable membre des Bhojpuri Boys. «C’était une Mauricienne complète. Ce qui comptait pour elle, c’était la musique, l’amitié, les bons moments. Elle a tellement donné pour la musique bhojpuri (NdlR : avec Taucoory, elle a chanté avec les Boys et est même allée en Inde et en Europe avec lui au début des années 70 avec le Tagore Cultural Group), hindoustani, tout en étant de plain-pied avec Gérard Louis et ses projets. Elle a aussi connu le succès avec le Réunionnais Dominique Barret. Elle embrassait toutes ces cultures et était devenue une artiste et une Mauricienne à part entière.»
Cette fusion musicale, elle la fera aussi avec Mario Armel – incontournable pour ses Anita my love et Carry Posson –, avec la chanson Jane Chamane, au début des années 2000, pour le soundtrack du film Goomam. On se rappelle d’ailleurs d’une prestation avec danseuses lors de l’émission musicale locale Vibra Son Morisien à l’époque. «Cela remonte. Mon fils Vicario avait 15 ans et jouait à la clarinette sur cette vidéo. À l’époque, on était chacun dans nos groupes respectifs et il y avait cette envie de fusionner des styles pour cette chanson. J’étais très partant mais j’avais une diction affreuse. C’est Meera qui est venue pour la chanson et qui m’a aidé à m’améliorer. Elle était comme ça, très passionnée mais aussi très empathique, gentille, simple. On a gardé contact et on a même travaillé ensemble lorsqu’elle était présidente de la MASA et moi membre du Board», nous confie Mario Armel.
Et puis, il y a, bien sûr, Dominique Barret qui lui a rendu un vibrant hommage sur les réseaux sociaux après sa mort en évoquant «une voix d’or, des moments et une chanson inoubliable partagée ensemble».
Last but not least, le producteur Gérard Louis, qui considérait Meera Mohun comme sa «sœur» et qui l’a produite durant des années dans ses entreprises musicales. Il nous raconte comment mardi soir, la chanteuse l’a appelé car elle ne se sentait pas bien et cherchait un médecin : «J’ai dit à ses proches de l’emmener rapidement à la clinique mais finalement, la terrible nouvelle est tombée plus tard. Un choc (…) Meera, c’était la Mauricienne dans tout ce qu’il y a de plus simple et de plus beau. Elle arrivait à mélanger les cultures dans sa vie comme dans sa musique, tout en restant humble.»
Nos sympathies aux proches et à la famille de cette immense voix, qui incarnait aussi la Mauricienne dans toute sa beauté… Ses funérailles ont eu lieu le mercredi 16 mars.
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