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27 septembre 2016 02:42
On l’a cru fini, sa carrière politique derrière lui. On l’a vu dans ses pires moments, totalement débrayé et la mine déconfite. Il est le principal acteur du scandale aux Rs 220 millions, qui restera sans doute dans les annales comme l’une des controverses ayant connu le plus gros tapage médiatique. Face à la colère d’un peuple dégoûté, beaucoup avaient pensé qu’il plierait bagages des instances du Parti travailliste (PTr) et que le politicien qu’il était aurait du mal à s’en remettre, mais ça, c’était avant. Depuis quelques semaines, Navin Ramgoolam a enclenché sa reconquête de l’électorat, enchaînant les congrès, les sorties politiques contre ses adversaires et les promesses électorales. À Triolet, le dimanche 18 septembre, lors d’un congrès qui marquait son grand retour dans sa circonscription, il a annoncé que le PTr se rendra seul aux prochaines élections générales et a multiplié les promesses électorales. Celles notamment d’abolir le Nine-Year Schooling, de rembourser les frais d’examens du School Certificate(SC) et du Higher School Certificate(HSC), et de limiter à deux, le mandat d’un Premier ministre.
Toutefois, de nombreuses questions restent encore en suspens. Navin Ramgoolam est-il encore crédible aux yeux des Mauriciens ? Le peuple oubliera-t-il son indignation des jours passés pour l’élire une nouvelle fois à la tête du pays ? Pour le géopoliticien Shafick Osman, avec le manque de sondage politique, il est difficile de juger si son retour est populaire ou pas. Mais pour lui, l’enthousiasme de ses partisans aux meetings apporte un certain éclairage sur sa remontée.
Pour Jocelyn Chan Low, la reconquête du pouvoir de l’ancien Premier ministre est une démarche légitime puisqu’il reste à ce jour le leader des Rouges. Même si la cour correctionnelle de Port-Louis a rayé la charge provisoire de faux contre lui dans l’affaire Bramer House, d’autres accusations pèsent encore sur lui. La suite, souligne l’observateur politique, dépendra grandement de l’issue des procès en cour. Néanmoins, selon ce dernier, Navin Ramgoolam gagne peu à peu du terrain à un moment où les Mauriciens semblent de plus en plus déçus par le gouvernement de l’Alliance Lepep. «D’une part, il y a le fait qu’il n’y a pas de grande contestation au niveau de son leadership au sein du Parti travailliste et puis, il faut dire que la succession de Pravind Jugnauth à la tête du pays ne fait pas l’unanimité. La population a tendance à avoir la mémoire courte. N’oublions pas 1995», dit-il. Ainsi, par manque de choix et d’alternatives, la population pourrait de nouveau se tourner vers le PTr si elle ne trouve pas satisfaction.
«La force du retour de Navin Ramgoolam ? C’est du bullshit !»lance Jack Bizlall dans sa verve habituelle. Selon lui, dans les circonscriptions, le come-back du leader des Rouges n’a pas fait sensation. Pour lui, Navin Ramgoolam retourne uniquement parce qu’il est attaché au pouvoir. «Le Parti travailliste est devenu la propriété de cet homme qui peut y faire la pluie et le beau temps. Tous ceux qui l’accompagnent sont des peureux. Ils n’ont pas osé lui dire de partir après le scandale. Navin Ramgoolam s’en est servi et a voulu s’imposer par tous les moyens. Mais voilà, certaines décisions et actions de l’actuel gouvernement pourraient bien pousser les électeurs dans les bras de Navin Ramgoolam plus vite qu’on l’aurait cru possible.»Les interrogations sont nombreuses et amènent chez la population une remise en question de son vote de décembre 2014. «On en est où avec tous ces scandales qui ont éclaté un à un ? L’affaire des Rs 220 millions de Navin Ramgoolam, celle des Rawat. Où en sont ces dossiers ? L’Alliance Lepep a voulu agir trop vite avec violence et haine. Ils étaient trop pressés et aujourd’hui, on en entend plus parler»,observe Jack Bizlall.
Néanmoins, soulignent les observateurs politiques, certaines choses dans le discours de Navin Ramgoolam ne sont pas cohérentes. S’ils admettent que sa proposition de limiter à deux, le mandat d’un Premier ministre est intéressante et permettrait d’apporter non seulement un renouvellement au niveau des parties politiques, mais aussi plus de démocratie, ils notent surtout que le leader des Rouges essaie d’en leurrer plus d’un. «Navin Ramgoolam se piège car il a lui-même fait trois mandats. Donc, techniquement, il ne pourra pas occuper le poste, ce qui est vraiment contradictoire car il fait campagne pour redevenir Premier ministre, à moins qu’il mijote un quelconque poste de Président exécutif ou semi-exécutif avec quelques pouvoirs additionnels»,explique Shafick Osman.
Quoi qu’il en soit, les Mauriciens sont-ils prêts à jeter aux oubliettes ses erreurs du passé et à le faire confiance une fois de plus ? Pour Shafick Osman, rien n’est sûr : «Retrouver tout son électorat traditionnel n’est pas gagné d’avance car un certain nombre de Rouges demeurent travaillistes, mais ont fait une croix sur l’homme. Il ne gagnera jamais seul. Je ne crois pas que la population ramènera Ramgoolam au pouvoir, mais sait-on jamais.»Affaire à suivre.
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