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29 juin 2016 03:46
La scène semble surréaliste. Comme lorsqu’on remonte le temps pour revenir à l’époque où nos anciens vivaient dans des cases en tôle, mal lotis, sans aucun confort, nourrissaient du bétail pour subvenir à leurs besoins et préparaient leur repas sur du feu de bois. Un petit détour dans ce coin perdu de Roches-Noires ramène à cette réalité. À côté des projets de développement gouvernementaux qui valent des millions et des campements luxueux, on doit s’enfoncer un peu dans la végétation pour découvrir, au détour de ce crown land,cet autre visage de Maurice. Le contraste est saisissant.
Sur les fondations d’une maison tombée en ruines, Viraj, 38 ans, a installé une petite bicoque dans laquelle il est seul à vivre. La maison qui s’y trouvait appartenait à sa famille, mais depuis qu’elle a été ravagée par un incendie, il ne reste plus rien. La vie de Viraj a basculé après un passage en prison. Comme la majeure partie des personnes qui ont été condamnées, reprendre une vie normale une fois libre relève pour lui d’un parcours du combattant. Depuis sa sortie, Viraj cherche en permanence du travail, sans succès. «Quand on apprend que vous avez fait de la prison, personne ne veut vous donner du travail»,dit-il.
Alors, il se débrouille comme il peut, s’improvisant vendeur de bâtons d’encens, enchaînant, quand l’occasion le lui permet, quelques petits boulots qui lui permettent de ne pas dormir le ventre vide. Depuis quelques semaines, une trentaine de familles reçoit l’aide de Subeer, un jeune volontaire qui œuvre au sein de l’association Life of Hope. Avec ses amis, il leur offre régulièrement des vivres et cherche des solutions pour améliorer leurs conditions de vie. «Nous nous sommes occupés de Pradip, un vieil homme qui vivait dans une cabane sans eau ni électricité. Aujourd’hui, il a pu trouver une maison»,dit-il.
Cependant, contrairement à Pradip, ils sont une trentaine de familles à vivre dans des conditions difficiles. Un peu plus loin, la situation d’Oumati, 63 ans, et des siens semble encore plus désastreuse. Comme toutes les familles ici, ils se sont installés sur ce terrain de l’État en squatters en attendant de trouver mieux. Sauf que le meilleur n’est jamais arrivé. Dans une maison en tôle qui menace de s’effondrer, ils sont neuf, dont des enfants, à vivre dans des conditions déplorables. L’insalubrité de leur logement saute aux yeux. À l’intérieur, c’est la terre elle-même qui leur sert de sol. Quelques minces poutres de bois tiennent le plafond, qui coule et qui peut s’envoler au prochain coup de vent, et une forte odeur provenant des cabris que nourrit Oumati donne le vertige. C’est grâce à la vente de ses animaux et à sa pension qu’elle arrive à faire tourner la maison. Dix-huit ans qu’ils vivent dans ces conditions. Dix-huit ans sans l’opportunité de connaître mieux, d’avancer. Avec aucun des adultes de la famille qui travaille, le quotidien est difficile. Oumati, marquée par les épreuves de la vie, semble espérer que le changement vienne des autres : «Ce n’est pas facile de vivre dans ces conditions. Tout ce que nous voulons, c’est une maison où nous pourrons vivre. Nous espérons que le gouvernement nous viendra en aide.»
C’est aussi le souhait de Chandar, 65 ans, qui vit depuis 40 ans dans de telles conditions. Quarante ans qu’il attend de recevoir un bout de terrain et une maison pour que sa famille et lui puissent y vivre. L’homme, aujourd’hui à la retraite, ne se fait pas d’illusion. Les moyens, sa famille n’en a pas. Ses enfants ne travaillent pas non plus. Chandar ne compte donc que sur l’aide qu’il peut recevoir du gouvernement pour s’en sortir. «Beaucoup de personnes ont bénéficié de terrain avec le gouvernement. Nous espérons que ce sera aussi notre cas»,dit-il.
De ses enfants, il n’y a qu’un seul qui travaille dans une usine sur contrat. Les autres se débrouillent comme ils peuvent. Dans leur cour, ils ont départagé les petites bicoques pour vivre avec leur famille respective. Ils sont 12 au total. Par ce temps, le froid ne les épargne pas. Cet après-midi, Chandar a récolté un peu de manioc qu’il fait bouillir au feu de bois. Ça réchauffera certainement les enfants lorsqu’ils rentreront de l’école.
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