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Par Yvonne Stephen
16 février 2015 16:16
Des centaines de mots invisibles sur sa feuille blanche. Des informations à retenir, des histoires à découvrir. Sheila Seetaram, malvoyante, lit. Ce ne sont pas ses yeux qui la guident. Elle laisse glisser ses doigts sur les points en relief pour tout comprendre. Dans les locaux du centre Lizie dans la Main, association qui vient en aide aux personnes vivant avec un handicap visuel, elle s’épanouit depuis des années. Mais une autre vie est-elle possible pour elle ? Une existence où elle se rendrait au bureau, tous les jours. Elle n’en sait rien : «Je ne dirai pas que c’est impossible. Mais je pense que ce sera dur.» Car pour l’accueillir dans une structure d’entreprise, son employeur devra prendre des mesures pour qu’elle y trouve sa place…
Encourager l’employabilité de ceux qui vivent un handicap, c’est ce qu’a promis l’Alliance Lepep dans son programme électoral. La création d’un Disability Discrimination Bill assurerait donc un meilleur environnement de travail et une meilleure sécurité d’emploi aux handicapés. Pour l’instant, rien n’a encore été entrepris en ce sens par le nouveau gouvernement (il est encore tôt). Néanmoins, les personnes qui oeuvrent aux côtés de ceux qui n’arrivent pas à trouver un job, à cause de leur différence, savent qu’une loi ne suffit pas toujours. Une réelle volonté d’accueil est nécessaire.
Comme Sheila, beaucoup sont ceux qui estiment que l’univers du travail traditionnel ne leur convient pas : «Je pourrais être secrétaire. Mais pour que ça puisse arriver, il faut que de nombreuses conditions soient réunies. Il faut que je puisse bénéficier de certaines facilités pour me déplacer et pour travailler, entre autres.» Assumer sa différence, c’est faire preuve de courage. Assumer ses limites, aussi. Jean-Ian Permal, enseignant de vannerie et formateur en mobilité, le sait parfaitement : «Il faut valoriser ces personnes. Elles sont capables de faire beaucoup de choses. Même des choses que nous ne serions pas capables de faire !»
Afin qu’elles soient intégrées dans le monde du travail, il faudrait ainsi leur offrir les formations nécessaires. Mais il est primordial que l’entreprise qui les emploie se donne les moyens de les accueillir : «Revoir les infrastructures et les systèmes, mais aussi offrir des facilités de transport.» Certains le font déjà, explique Mariam Sumun, responsable de l’Association des Parents de Déficients auditifs : «Nous animons des ateliers de formation en langue des signes dans certaines entreprises et certains hôtels. Là où des malentendants sont employés. Ça facilite les échanges.»
Mais ces cas de figure sont rares, explique-t-elle : «Beaucoup de malentendants n’ont pas de job. C’est très difficile. Je ne dis pas que c’est impossible, mais c’est compliqué.» Communiquer n’est pas évident : «La formation, c’est important. Il faut un bon background scolaire aussi. Néanmoins, la capacité de communiquer est également essentielle. Comment évoluer dans un univers où on ne se comprend pas ?» Shahida Japul en a conscience. Elle est de la Small and Medium Enterprises Development Authority, responsable de la formation en Fashion, Jewellery and Fibre et donne des cours à Lizie dan la Main, entre autres.
Pour elle, l’implication de l’entreprise et des autres employés est primordiale afin que la personne vivant avec un handicap puisse trouver sa place. Au-delà de l’aspect physique de son intégration, «il faut que les employeurs soient à l’écoute. L’approche doit être très humaine. Et l’employé doit se sentir à sa place». Bien dans sa peau, bien à son boulot. C’est ce qu’espère Sheila Seetaram. Si jamais elle rejoint, un jour, le marché du travail.
L’effort nécessaire des entreprises
Il existe un Training and Employment of Disabled Persons Board. Mais lors d’un dernier point sur la situation en septembre 2014, l’ancienne ministre de la Sécurité sociale, Sheila Bappoo, faisait le résumé suivant : 814 entreprises n’y sont pas enregistrées et seules 34 des 1 171 qui y sont enregistrées se conforment au quota (trois personnes handicapées employées par entreprise). Il semblerait donc que, pour privilégier l’employabilité des personnes vivant avec un handicap, les employeurs doivent faire un effort supplémentaire.
Questions à…
Reynolds Permal, Président fondateur de Lizie dan la Main et président de la Fédération des Handicapés de l’île Maurice.
Un «Disability Discrimination Bill», ça vous parle ?
Oui et je voudrais dire merci au nouveau gouvernement pour cette annonce. C’est déjà très positif. Le temps est au changement. Mais il faudrait également revoir le concept de CSR afin que les fonds soient utilisés pour les associations qui oeuvrent véritablement en faveur des causes qu’elles affichent. Il est temps de mettre un peu d’ordre.
Vous estimez que cette loi améliorera l’accès au travail pour les personnes vivant avec un handicap ?
Attendons voir. Néanmoins, il est nécessaire que ceux qui travailleront dessus viennent voir les principaux concernés. Il faut connaître leurs aspirations et leurs besoins profonds. Pour que cette loi fonctionne, qu’elle ne reste pas juste un cadre théorique, il faut également diviser les handicaps en différentes fédérations. Car qu’on soit aveugle, sourd, handicapé moteur ou mental, nous avons chacun des besoins spécifiques. Il faut aussi être réaliste.
Pourquoi ?
Tout le monde a des aspirations. Mais encore faut-il être capable de les réaliser. La technologie ouvre les portes, mais pas pour tout le monde. Avant, par exemple, c’était plus évident de répondre au téléphone dans une entreprise pour une personne vivant avec un handicap visuel. Maintenant, avec les écrans, les nouvelles fonctionnalités, entre autres, c’est de plus en plus compliqué.
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