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Pravind Jugnauth : Sa performance aux finances sous la loupe des observateurs

12 juillet 2016

Deux mois qu’il est aux commandes des Finances. S’il a pris jusqu’ici position sur plusieurs sujets en montrant une certaine fermeté, Pravind Jugnauth est attendu au tournant avec le prochain budget. Pour lui, dit-on du côté des observateurs, ce sera un véritable test…

Il avance discrètement, sans faire trop de bruit. Certains le jugent un peu effacé, d’autres trouvent au contraire qu’il est un ministre ouvert au dialogue. Depuis deux mois qu’il officie comme ministre des Finances au sein du gouvernement, Pravind Jugnauth est sur plusieurs fronts. Il n’a pas hésité à prendre les devants sur certains dossiers et à prendre position sur d’autres sujets. Alors qu’il enchaîne les consultations prébudgétaires en vue du Budget 2016-2017, il a notamment mis son veto au projet de la Banque de Maurice d’émettre de nouveaux billets sans effigie et refusé un voyage à Paris pour rencontrer des investisseurs potentiels préférant une visioconférence afin de limiter les dépenses publiques.

 

Revenant sur la question du ciblage, il a invité la population à une réflexion sur les pensionnaires qui touchent un salaire et la pension de vieillesse. Le leader du MSM semble vouloir trouver un meilleur moyen pour gérer l’argent public et il semble avoir trouvé sa vitesse de croisière. Toutefois, beaucoup l’attendent au tournant avec la présentation du prochain budget, dont la date est toujours inconnue. S’ils trouvent qu’il est trop tôt pour juger sa performance en tant que ministre des Finances, le comportement de Pravind Jugnauth ne laisse pas les observateurs politiques et les différents acteurs de la société civile indifférent.

 

Si le mouvement syndical avait dans un premier temps noté un manque d’écoute de la part du ministre, il paraît aujourd’hui qu’un lien ait été établi entre les deux parties. «Nous lui avons envoyé une lettre en lui faisant part de notre désir de le rencontrer et il nous a immédiatement reçus. C’est un bon signe. Ça montre qu’il est ouvert au dialogue»,souligne Jane Ragoo, syndicaliste et membre de la Confédération des travailleurs du secteur privé (CTSP). Toutefois, pour Jocelyn Chan Low, l’épisode de conflits d’intérêts dans le cadre de l’affaire MedPoint a quelque peu fragilisé Pravind Jugnauth qui avait dû démissionner : «Nous ne l’avons pas vu réellement à l’œuvre car la démission l’avait isolé du gouvernement.»

 

Des défis

 

Si l’observateur politique estime que le Grand Argentier a pris une «très bonne décision»concernant les nouveaux billets de banque, il note surtout qu’il faut lui laisser du temps pour accomplir son plan économique. «Il a devant lui de nombreux défis, notamment celui de relancer l’économie et l’emploi. Le chômage est le problème numéro 1 aujourd’hui. C’est un énorme défi. Il y a eu beaucoup de promesses, d’annonces de projets avec l’Alliance Lepep, mais c’est là que nous verrons s’il est à la hauteur»,ajoute-t-il.

 

S’il estime qu’il est encore trop tôt pour faire un premier bilan de Pravind Jugnauth aux Finances, il n’empêche que Shafick Osman, géopoliticien, trouve que le ministre a été plutôt discret depuis qu’il est revenu au gouvernement, bien qu’il se soit prononcé contre le projet d’émission de nouveaux billets et qu’il ait annoncé plusieurs projets à Rodrigues lors de son dernier voyage sur l’île. Pour lui, le budget 2016-2017 sera sans conteste le véritable test du ministre. «Je crois savoir qu’un travail de fond est en train d’être fait aux Finances ces jours-ci en vue du Budget, mais il y a des indications que le budget ne sera pas très généreux au vu de la situation économique tant au niveau national qu’international. Mais attendons voir plutôt», avance-t-il.

 

Avec le budget, tous les regards sont braqués sur le ministre des Finances. Lors de leur rencontre avec Pravind Jugnauth, le mouvement syndical a eu l’occasion de lui soumettre un document contenant plusieurs propositions. Pendant leur discussion, explique Jane Ragoo, la question des salaires dans le secteur privé a été abordée. Les attentes des syndicalistes sont donc nombreuses. «Est-ce que vous vous rendez compte qu’à Maurice, plus de 100 000 employés touchent moins de Rs 5 000 par mois ? Il y a eu plusieurs promesses avec l’Alliance Lepep, mais là nous sommes vraiment dans l’attente d’actions concrètes et de décisions positives»,souligne notre interlocutrice.

 

Donner une nouvelle orientation à l’économie et redresser la barre de la croissance, c’est sur ce point qu’Amar Deerpalsing, président de la Fédération des Petites et Moyennes Entreprises (FPME) attend Pravind Jugnauth. «Une croissance de moins de 4 % est une croissance anémique. Plusieurs pays d’Afrique font mieux que nous. Nous sommes dans cette trappe depuis dix ans. Il faut donner un nouveau souffle à notre économie, un nouveau dynamisme, trouver de nouveaux piliers et c’est à lui de jeter ces bases-là»,dit-il.

 

Si le dernier budget, poursuit-il, était principalement orienté vers les smart cities, aujourd’hui, il faut que Pravind Jugnauth puisse ramener la confiance parmi la communauté des entrepreneurs et amener plus d’investisseurs étrangers pour donner un nouveau souffle à l’économie. «Le transfert du savoir-faire et des technologies ne peut être fait qu’avec l’apport des étrangers. Nous avons besoin d’eux pour trouver de nouveaux pôles de développement. Nous devons nous montrer réalistes. Aujourd’hui, il y a une réticence des Mauriciens pour aller travailler dans le secteur manufacturier. Il faut donc favoriser l’éclosion des nouvelles entreprises et des nouveaux entrepreneurs», explique-t-il. Si plusieurs facilités ont été offertes aux entrepreneurs mauriciens, il n’empêche, précise Amar Deerpalsing, qu’il reste beaucoup à faire, notamment au niveau de l’accès aux finances qui est toujours un gros problème pour les entrepreneurs : «Il y a aussi un manque d’infrastructures pour faire et pour développer son business. Le ease of doing doit être amélioré.»

 

Même son de cloche du côté de Shafick Osman qui estime qu’il est plus que jamais nécessaire de booster la confiance des opérateurs économiques et de redonner l’espoir aux PME qui passent par des moments difficiles : «Cela fait dix ans que les gouvernements successifs mettent l’accent sur les PME et l’entrepreneuriat, mais en vérité, beaucoup de  ceux qui se sont mis à leur compte ont éprouvé des difficultés tant au niveau de leur business, avec le manque decash-flowet de capitalisation, qu’au niveau des diverses réglementations de la MRA.»

 

Selon lui, Pravind Jugnauth ne devrait pas oublier le social, l’emploi durable et la corruption, entre autres, qui gangrènent différents secteurs du pays. Mais avant de s’y atteler, précise-t-il, Pravind Jugnauth doit, avec ce budget, redonner aux Mauriciens l’espoir et la foi en leur pays. Et ce sera cela certainement la tâche la plus difficile à accomplir.

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