• Sortie de route mortelle à Gros-Bois - Jessen Armon : «Mo ti frer Vinessen inn mor dan loto ki li ti fek aste»
  • Jiu-jitsu Brésilien : Richi Beeharry un passionné en quête d’excellence
  • Dukesbridge : «Ansam», une nouvelle belle aventure musicale
  • Le rêve sucré d’Annabelle Fleury
  • Élection présidentielle américaine : «L’espoir» Kamala Harris...
  • Mort «suspecte» du détenu John Mick Martingale : sa famille et ses hommes de loi réclament une enquête approfondie
  • Premier diplômé du «Chagossian Scholarship» - Noah Labutte : Roche-Bois, les Chagos, la souveraineté et l’avenir…
  • Rezistans ek Alternativ et PTr-MMM-ND : un accord «historique» pour l’Alliance du Changement
  • Nouveaux règlements de la National Land and Transport Authority : les automobilistes soulagés mais…
  • Tour de l’île en planche à voile - Laurent D’Unienville : mon nouveau challenge pour une bonne cause

Premier diplômé du «Chagossian Scholarship» - Noah Labutte : Roche-Bois, les Chagos, la souveraineté et l’avenir…

Lors de sa graduation ceremony et avec sa maman Sharon L’Écluse et son papa Jean Noël Labutte.

Son histoire a le parfum de la persévérance, des challenges et de la résilience. Le jeune homme parle et inspire…

Quelque chose de solaire. Un rien d’attachant, un tout d’inspirant. Noah Labutte, 22 ans, s’exprime avec le calme d’une mer d’huile, le verbe appliqué et réfléchi. L’intonation caressante et rassurante. Mais les grains de sable de réflexion qu’il laisse flotter au gré de ses mots y apportent de la profondeur, de la passion. Il a les pieds dans le sable de l’île qui l’a vu naître, solidement arrimés à l’asphalte de Roche-Bois où il vit depuis toujours, mais l’âme qui tend vers les nuages d’une autre terre, celle qui a été prise à ses aïeux, provoquant une éternelle déferlante de tristesse.

 

Le jeune homme est descendant de natifs de l’archipel des Chagos et il est le tout premier diplômé bénéficiaire de la bourse proposée aux étudiants.es chagossiens.nes de la Middlesex University Mauritius (MUM). Vous pouvez toujours vous inscrire (voir hors-texte). Une opportunité de dévoiler ses ailes vers ses rêves d’ici et, surtout, d’ailleurs. Le temps d’un instant de partage, il évoque son parcours, ses origines, sa chance, son lien avec la communauté et la brûlante question d’actualité concernant des discussions sur la souveraineté de Maurice sur les Chagos.

 

Une opportunité. «La bourse a été introduite à la fin de 2022 pendant ma deuxième année universitaire. J’ai fait mon application à ce moment-là, mais je n’ai pu en bénéficier alors, car on était déjà au milieu de l’année scolaire et la bourse prend en charge les frais universitaires, le logement à Uniciti Student Residences (si besoin) et offre un monthly allowance comme living cost pour une année. J’ai bénéficié de la bourse pendant ma troisième et dernière année. Cette bourse a offert un énorme soulagement à mes parents et à moi-même. Comme je viens d’une famille modeste, je voyais mes parents se plier en quatre pour pouvoir payer les frais. J’anticipe les réflexions de certains qui se posent cette question : «Pourquoi ne pas avoir pas opté pour le degré en psychologie de l’Université de Maurice sachant que celui-là est “gratuit” ? Avant de me décider, j’ai comparé les deux degrés. Le côté counselling skills du BSc de MUM m’a attiré. Mes parents m’ont aussi donné l’assurance qu’ils étaient prêts à se sacrifier pour payer mes études. Alors, j’ai décidé de me lancer. Obtenir la bourse pendant mes études était la preuve qu’ils ne s'étaient pas sacrifiés pour rien.»

 

Un soutien indéfectible. «Après mes classes secondaires au John Kennedy College, j’ai travaillé pendant un an dans un centre d’appels. Ensuite, j’ai commencé mes études à la MUM. Mon parcours ? Je ne dirais pas qu’il a été facile. Mais qui a un parcours facile ? Je ne vais pas le catégoriser. On va dire que j’ai toujours eu des parents pour m’encadrer. Ma maman, surtout, a toujours été là pour me pousser à apprendre. Pour elle, il était essentiel d’apprendre plusieurs langues. Par exemple, on parle kreol à la maison. Mais elle a insisté pour que je maîtrise le français, même si elle n’avait pas une excellente maîtrise de la langue. Elle me faisait répéter les expressions qu’on trouvait dans les dessins animés que je regardais !»

 

De Roche-Bois, avec amour et fierté. «Au collège, j’ai eu les ressources nécessaires pour évoluer en tant qu’élève. J’ai eu quelques setbacks ; je suis un habitant de cité Roche-Bois, alors j’ai eu à faire face à quelques commentaires négatifs. J’ai eu droit à des «kouma to trankil, kouma tonn ariv dan enn kolez koumsa». Des profs venaient me féliciter parce que j’avais pu intégrer le JKC. Ça me choquait, me faisait me sentir bizarre parce que mo landrwa ne m’a jamais empêché d’évoluer. Donc, ça m’a toujours pris au dépourvu ce genre de remarques, de préjugés. Même à l’université, j’ai eu plusieurs commentaires comme «Ah ! Tu habites à Roche-Bois, mari so la ba !». Si à JKC, il n’y avait pas beaucoup d’habitants de Roche-Bois, à MUM, au début, j’étais le seul. Ce sont des commentaires qui, pour moi, n’ont ni queue ni tête, parce que ce n’est pas le lieu d’où l’on vient qui nous définit. Surtout qu’on n’est pas une minorité, nous les diplômés, à Roche-Bois. Il y a beaucoup de personnes qui ont étudié, qui ont un bon poste. Pour moi, Roche-Bois est un endroit où il fait bon vivre.»

 

Sur la route des rêves. «Depuis quelques mois, je suis employé dans le département des Ressources humaines de la MCB. Je souhaite devenir thérapeute, pour cela, il me faut un Master. Et je souhaite le faire en Angleterre. J’ai obtenu mon certificat de nationalité britannique l’année dernière. Mais bouger dans un autre pays, que ce soit pour faire des études ou s’établir, n’est pas une décision qui peut être prise à la légère. Je sais que les gens diront que je ne souhaite pas retourner au pays et y contribuer. Mais en toute franchise, si je me voyais capable de subvenir à mes besoins, vivre une vie adéquate et, disons-le, belle, et fonder une famille ici, avec la situation économique actuelle, rien ne m’aurait poussé à bouger. Je ne dis pas que c’est impossible, mais je trouve cela très difficile – c’est la réalité pour de nombreux Mauriciens. Je viens d’une famille modeste, j’ai grandi avec une maman célibataire, maintenant que j’ai fini mes études, c’est à moi de subvenir à mes besoins. Je ne dis pas que l’herbe est plus verte ailleurs, je dis que les opportunités y sont plus vastes.»

 

Le cœur aux îles. «Ma maman est devenue membre du Chagos Refugees Group en 2001, quand elle était enceinte de moi. Au fil des années, j’ai côtoyé les natifs de la communauté tels qu’Aurélie Talate, Mimose Furcy ou encore Olivier Bancoult qui est président du groupe. J’ai beaucoup entendu les aînés raconter les histoires de la vie aux Chagos. Des histoires assez tristes, car les natifs racontaient qu’ils ne pouvaient pas se permettre de visiter les tombes de leurs proches qui étaient enterrés là-bs. Quand j’étais petit, le CRG organisait souvent des activités. Je connais les recettes traditionnelles des Chagos comme le seraz. J’aime beaucoup le sega tambour chagossien et les chansons qui content des récits. Certaines sont même disponibles sur YouTube.»

 

Middlesex University Mauritius : une opportunité à saisir

 

Vous êtes Chagossiens.nes ? De Maurice ou d’ailleurs ? Cette offre devrait vous parler ! La Middlesex University Mauritius (MUM) vous propose une bourse, sponsorisée par le gouvernement britannique, pour vos études universitaires. Si vous souhaitez obtenir plus d’informations, direction le site de l’université : https://www.middlesex.mu/. Ou appelez le numéro suivant : 403 6400. Pour Jean-François Col, Marketing & Communication Manager, de la MUM, c’est une «fantastique once-in-a-lifetime opportunity pour tous les Chagossiens, de n’importe où dans le monde». Il a une pensée pour Noah Labutte : «Au nom de l’Université de Middlesex, je tiens à féliciter le premier diplômé chagossien du premier campus universitaire britannique à Maurice.»

 


 

Souveraineté des Chagos : un accord  à l’horizon ?

Noah : «Un manque de transparence»

 

Un communiqué pour relancer l’espoir. Début septembre, le gouvernement britannique a communiqué sur son souhait de conclure un accord avec Maurice concernant la souveraineté des Chagos. Un envoyé spécial pour les négociations, Jonathan Powell, a été nommé. Si le gouvernement mauricien semble avoir accueilli la communication positivement, l’opposition, elle, se pose des questions sur sa capacité à conclure un accord avantageux pour l’île Maurice. Noah Labutte a son avis sur la question et partage son regard de jeune.

 

Reconnaissant, mais. «Je suis reconnaissant au gouvernement de mettre les Chagos en avant. Concernant cette possibilité d’accord, je reste mitigé, car je trouve qu’il y a un manque de transparence. Tant que je ne sais pas s’il sera bénéfique pour la communauté chagossienne ou pas, je ne peux pas vraiment me prononcer. On ne nous communique rien. Il y a toujours une base navale américaine ; est-ce qu’elle va être relogée ? Est-ce que les Anglais vont vouloir laisser ce bail ? Comme vont se développer les Chagos ? Est-ce qu’il s’agira d’un développement qui va mettre la communauté chagossienne en avant ?»

 

Justice. «On se demande si tout cela va être bénéfique pour nous ? Est-ce que cela va rendre justice à ce que nos aïeux ont subi ? C’est triste que la majorité des natifs soient restés à Maurice et y sont morts sans pouvoir retrouver leur pays, à l’exception de visites. J’ai leur intérêt en tête, je trouve que les Chagos devraient appartenir aux Chagossiens, pas aux Anglais, pas aux Mauriciens. Je ne dis pas que le gouvernement n’a jamais pensé aux Chagossiens ; il y a bien le Chagossians Welfare Fund Board qui s’occupe de la communauté. En tant qu’élève, j’en ai moi-même bénéficié. Il y avait une bourse scolaire pour les élèves qui avaient de bons résultats.»