À l’école de votre fille, on vous assigne une échoppe pour le prochain fancy-fair ; vous n’osez pas dire «non» même si vous ne le sentez pas. Votre boss vous a refilé une tâche supplémentaire même si vous croulez déjà sous des piles de dossier ; mais vous ne refuserez pas de vous en charger. Votre conjoint.e vous demande – encore une fois ! – de lui rendre service et vous vous y soumettez pour éviter le conflit.
Ces situations-exemples évoquent certainement quelque chose en vous. Même si elles ne ressemblent pas à ce que vous vivez, le «oui» que vous percevez sous-tend une colère contenue, une impuissance certaine, une frustration et aussi une impression d’étouffer, de ne pas avoir le choix, de ne pas avoir d’options de sortie. Dire «non» n’est pas toujours évident face à la peur de décevoir, de laisser à croire que nous ne sommes pas au top/à la hauteur, voire parfait, que ce soit dans le milieu professionnel et personnel.
Tout comme Matthieu, 42 ans, qui nous confie son incapacité à lancer un «non» et à vivre avec cette sensation de ne pas être le maître à bord de sa propre vie. Carine Lorang, psychologue, qui se confie au magazine Psychologies, explique qu’il est possible de modifier sa perspective en se recentrant sur soi-même, en écoutant sa propre voix. Johanna Rozenblum, psychologue clinicienne, auteure de Hypersensibilité comment en faire un atout ?, évoque dans les colonnes du magazine Medisite les stratégies à mettre en place. Et vous le comprendrez bien vite, il ne s’agit pas de ne penser qu’à soi, de s’imposer à tout prix, mais surtout de s’écouter, d’ouvrir la voie aux compromis.
Pour l’échoppe de votre fille, vous pouvez refuser mais vous proposer pour faire quelque chose qui vous convient le mieux. Votre boss insiste ? Ne dites pas non, expliquez-lui votre situation et assurez-lui que vous vous en chargerez plus tard ou proposez-lui de déléguer certaines de vos tâches actuelles à d’autres collègues. Votre conjoint.e est constamment en demande ? Vous pouvez ne pas refuser de lui rendre le service, mais à vos conditions : pas totalement et/ou plus tard…
«J’ai l’impression d’être un monstre si je dis non». Matthieu, 42 ans, papa de deux enfants dont une adolescente, a l’impression que le «non» n’a plus de place dans sa vie. Qu’il doit se soumettre continuellement à ceux.celles qui font partie de sa vie. «Post-Covid, le travail est exigeant. On nous en demande toujours plus, sans beaucoup d’encadrement et de soutien, pourtant il faut assumer. C’est éreintant physiquement, intellectuellement et émotionnellement. On est dans la politique de ne jamais dire "non", de toujours rendre le "oui" toujours possible et c’est éreintant.» De retour chez lui, complètement démotivé, il se retrouve à faire la navette pour ses filles et sa femme : «Faut que je conduise ici, que j’attende là-bas, que je ramène à une certaine heure. J’ai l’impression d’être un chauffeur et un portefeuille. J’ai l’impression d’être un monstre si je dis non, d’être la mauvaise personne. Pas assez bon papa, pas assez bon mari. Je sens qu’on m’aimera moins si je ne suis pas toujours dans l’acceptation. Je trouve cela étouffant. Je me sens pris au piège, prisonnier de ma propre vie.»
Choisir n’est pas se sacrifier. Pour la psychologue Carine Lorang, il est essentiel, en famille ou en entreprise, de bien se connaître soi-même et de pouvoir établir les limites qui vous conviennent dans le respect de l’autre, bien sûr : «Mieux se connaître, c’est mieux définir ses limites, pour mieux se positionner. C’est bien là que réside la plus grande des libertés, pour garder toujours le goût du travail bien fait et le cas échéant prendre des dispositions plus adaptées lorsque le vent tourne et nous demande de pivoter. Prendre conscience de ce qui guide nos actions, sans jamais se renier, va bien au-delà de toutes questions hiérarchiques, systémiques et organisationnelles, puisque nous n’avons de pouvoir que sur nous-même.»
Johanna Rozenblum est du même avis. Selon elle, à toujours dire «oui» se met en danger : «Le risque, c’est de s’engager ou s’investir dans une voie qui finira par nous faire souffrir. Accepter certaines choses en amour qui ne correspondent pas à nos valeurs, se laisser dépasser par les exigences d’un enfant, consacrer tout son temps au travail à la demande d’un patron ou encore palier aux besoins d’un parent sans se demander si nous pouvons le supporter… À ne pas tenir compte de ses besoins et accepter les requêtes sans s’interroger de son équilibre émotionnel, vous mettez votre santé psychique à mal.»
Comment s’en sortir dans la pratique ? Johanna Rozenblum donne trois pistes pour mieux appréhender les situations et faire les choix qui s’imposent.
«Recentrez-vous vous. «Travaillez votre légitimité et apprenez à vous interroger sur ce qui est bon pour vous, avant de répondre aux demandes ou besoin de l’entourage.»
Posez-vous les bonnes questions afin d’avancer. «Il faut aussi comprendre ce que l’on cherche en acceptant tout : amour, désirabilité sociale ou reconnaissance ?»
Vous n’êtes pas un.e superhéros.ïne. «Par-dessous tout, il faut accepter qu’il est impossible de passer son temps à accéder aux requêtes des autres et se consacrer davantage d’importance.»
- Quelques conseils pour dire «non», comme explicité par la psychologue Simona Grassi Alexandre sur la plateforme psychologie-psychothérapie : «Se montrer ferme, clair et franc : plus on tourne autour du pot, moins on sera clair pour l’autre - Demander un délai et ne pas se précipiter à répondre si on ne sait pas ou si on hésite - Respectez ses propre envies, désirs et valeurs - Signifier à celui.celle qui insiste que vous n’allez pas changer d’idée - Si les personnes insistent, utiliser la technique du "disque rayé". Cette technique est issue de l’approche cognitivo-comportementale et consiste à répéter le "non" comme un disque rayé encore et encore. Plus nous ajoutons de justifications, plus l’autre va vouloir argumenter ou nous apporter des solutions pour éviter le "non" - Proposer une alternative.»