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PTr-MMM-PMSD vs MSM : le rapport de forces décrypté par les observateurs

7 août 2023

Les deux principaux blocs s'affronteront lors des prochaines législatives.

Elle s’est remise à bouillir cette fameuse marmite politique. Sur le terrain en tout cas, l’effervescence se fait de plus en plus sentir avec les partis politiques qui ont décidé de se mobiliser. Depuis la première sortie officielle de l’alliance électorale PTr-MMM-PMSD il y a une semaine à Mare-d’Albert, il y a comme un air de campagne électorale. Décidée à mettre «gouvernman Jugnauth deor» une fois pour toutes, l’opposition parlementaire a lancé sa campagne électorale avec l’annonce d’une série de congrès qui aura lieu à travers le pays redynamisant ainsi la scène politique locale.

 

En effet, au lendemain du meeting de l’opposition qualifié de «franc succès» par les trois leaders, visiblement satisfaits de ce premier test de popularité, le MSM a, lui, réuni son bureau politique au Sun Trust, suivi d’un comité central élargi, afin de rameuter les troupes et dégager une stratégie quant aux prochaines activités du parti. Ne semblant pas ressentir une quelconque pression face à l’alliance de ses trois opposants, Pravind Jugnauth n’a pas manqué, lors de son allocution au Sun Trust, de lancer des piques à ses adversaires politiques qualifiant leur sortie de «flop total». Il s’est dit nullement inquiet par la concrétisation de l’alliance entre le PTr (où il y a d’ailleurs eu une autre démission en la personne de Bisnauthsing Doorshan Kumar le 3 août), le MMM et le PMSD. Il a exhorté les membres de son équipe à ne pas prêter attention aux actions de l’opposition et leur a demandé de labourer le terrain afin de maintenir le contact avec la population.

 

Ainsi, entre l’opposition et le MSM, le ton est donné et ne laisse aucun doute sur la bataille électorale qui se profile à l’horizon. Sur le terrain, les grands partis comme les petits ont décidé de marquer leur présence et de s’activer en vue des prochaines élections générales. Le PTr, le MMM et le PMSD tiendront normalement leur prochaine rencontre à Vacoas le 18 août, même si, pour le moment, ils ont des difficultés à trouver un emplacement. Entre l’opposition parlementaire et le gouvernement, le rapport de forces est définitivement enclenché. D’un côté, on parle d’«espoir pour un vrai changement» et de l’autre, Pravind Jugnauth affirme avoir une «vision différente qui est de soutenir le peuple».

 

Si les Mauriciens peuvent se faire une opinion en se basant sur les événements passés, pour l'observateur Jocelyn Chan Low, rien n’est joué d’avance, surtout qu’il faut désormais compter sur la présence bien plus importante des partis extra-parlementaires : «Aux  dernières élections générales, le MSM et ses alliés n’ont récolté que 37% des suffrages, chiffre inférieur aux votes combinés des partis de l’opposition parlementaire. Mais si l’on se fie aux sondages qui ont été effectués depuis, Pravind Jugnauth récolte de loin davantage de voix en tant que Premier ministre préféré des Mauriciens face à Navin Ramgoolam. Ce qu’il faut savoir aussi, c’est que ces mêmes sondages indiquent que la grosse majorité des Mauriciens se sont éloignés des partis traditionnels mainstream, bien qu’ils ne croient pas non plus aux partis extra-parlementaires.»

 

«Fin de la confusion»

 

Trois éléments peuvent faire pencher la balance du côté du MSM, estime notre interlocuteur. «Le régime actuel, malgré les allégations de scandales, dispose de tous les leviers du pouvoir pour influencer les électeurs. Il y a la MBC et les associations socioculturelles qui peuvent agir en tant qu'influenceurs et courroies de transmission du gouvernement. De plus, le gouvernement dispose, qu’on le veuille ou non, d’un bilan solide en termes de développement des infrastructures, que ce soit au niveau local ou national, et d'une politique sociale qui veut créer un feel good factor pour ceux au bas de l’échelle.» Toutefois, la force de l’opposition parlementaire n’est pas négligeable non plus. «Elle réside dans les critiques contre la mauvaise gouvernance, le dysfonctionnement dans les institutions et les abus de toutes sortes, ajoutés à l'arrogance de certains au pouvoir. La concrétisation de l’alliance PTr-MMM-PMSD est un premier pas vers la fin de la confusion qui existait jusque-là dans l’opposition. Certes, il y a les partis extra-parlementaires, mais au fur et à mesure que se profile l’échéance électorale, ils seront vite marginalisés, car dans un système de first past the post, l’électeur a tendance à voter utile. Ainsi, la nouvelle alliance de l’opposition va récolter le gros du protest vote, qui, en général, est assez conséquent à l’île Maurice.»

 

Kris Valaydon estime aussi que les récents événements viennent marquer la fin d’une période d’incertitude même si celle-ci en ouvre une autre. «Il y a eu une période d'incertitude relativement longue autour de la formation de cette alliance entre les trois partis et cela a affecté les leaders, tout comme les partisans. La conclusion de l'alliance apporte comme un soulagement chez les partisans respectifs et ils se sentent  désormais plus confortables dans leur réflexion et leur engagement politique à venir. Cependant, la situation est encore incertaine, car il ne faut pas écarter la possibilité des nouvelles alliances, ou même arrangements électoraux, qui vont se faire d'ici les prochaines élections générales.»

 

Pour l’observateur politique, dans ce rapport de force entre les partis de l’opposition et le gouvernement, il ne faut pas oublier les partis extra-parlementaires qui constituent, dit-il, la troisième force. «Ils ont la capacité de jouer les trouble-fêtes et d’avoir une certaine influence sur les résultats du scrutin. Et même si ceux qui la composent sont divisés, ils peuvent, chacun, grignoter une part de l'électorat des deux principaux blocs. La question est de savoir lequel des deux blocs sera le plus affecté par cela.» Selon l’observateur politique, il est important de ne pas les sous-estimer : «Le discours de ceux de la troisième force est axé principalement contre le gouvernement du jour, surtout le MSM et son leader. Il découle de ce constat qu'ils puiseront dans le réservoir de votes des électeurs qui auraient pu voter pour la nouvelle alliance. Dans cette situation, les tractations entre ceux de la troisième force et l'alliance vont peut-être avoir lieu. C'est une posture stratégique peut-être nécessaire afin d'empêcher la division des votes. C’est pour cela que je dis qu’encore une période d'incertitude nous attend jusqu'aux prochaines élections.»

 

Pour l’observateur Faizal Jeeroburkhan, ce rapport de forces, loin d’être quelque chose de statique, ne cesse de changer et d’évoluer.  «C’est difficile de préciser véridiquement le rapport de forces en politique, même si on pouvait lire dans une boule de cristal ou faire un sondage statiquement valable. Ce rapport de forces change constamment dépendant des circonstances, car il est tributaire de nombreux facteurs qui fluctuent en permanence. Ceci dit, cette première sortie, plus ou moins réussie, de l'alliance PTr-MMM-PMSD a certainement fait basculer légèrement ce rapport de forces en leur faveur.» Sauront-ils garder la cadence et instaurer la confiance tout en proposant un programme qui parle aux électeurs ? La balle est dans leur camp, estime notre interlocuteur. «Ils devront maintenant mettre les bouchées doubles pour présenter un programme électoral solide, cohérent, crédible et organiser en même temps d’autres congrès à travers l’île pour convaincre les indécis. Ils pourront surtout jouer sur les nombreux scandales qui ont surgi depuis 2014, y compris les problématiques liées à la drogue, la corruption, le népotisme, la dette publique, la mafia, etc., pour s’imposer.»

 

Par ailleurs, selon Faizal Jeeroburkhan, la riposte du MSM ne saurait tarder et cela fera certainement des vagues. «Pour ce faire, ils vont inévitablement diaboliser cette nouvelle alliance PTr-MMM-PMSD par tous les moyens. Ils s’efforceront sans doute de capitaliser sur leurs réalisations : les grands projets infrastructurels, la construction de logements sociaux, le salaire minimum, la pension de vieillesse, les avancées sur le Chagos, la note de Moody’s maintenu à Baa3, etc. Ils auront vraisemblablement recours au money politics, à d’autres promesses électorales alléchantes, au débauchage des transfuges potentiels, à l’utilisation abusive des institutions publiques et des réseaux sociaux. Ils n’hésiteront pas à faire usage de la machinerie d’État pour booster leur force de frappe.»

 

Pour l'observateur, on peut ainsi s’attendre à une réaction en force du MSM et de ses alliés afin de rétablir l’équilibre en leur faveur. D’ailleurs, Pravind Jugnauth a donné rendez-vous aux jeunes le 12 août, à partir de 14 heures, au Sun Trust, une partie de l’électorat sur laquelle le MSM compte définitivement miser.

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