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Rapport US sur le trafic humain : Note très salée pour Maurice

18 août 2015

Jane Ragoo estime que ce rapport traduit bien l’injustice faite aux travailleurs étrangers dans l’île.

Le pays passe de la catégorie Tier 2 à la catégorie Tier 2 Watchlist. L’année dernière, Maurice faisait plutôt figure de bon enfant dans le Trafficking in person report émis par le département d’Etat américain. Cependant, cette année, force est de constater que Maurice n’y est pas à l’honneur. Elle se classe dans la catégorie Tier 2 Watchlist et passe ainsi au niveau orange. C’est-à-dire que l’île figure parmi les pays dont le gouvernement a du mal à respecter les normes établies par la Trafficking Victims Protection Act en vue de lutter contre ce problème.

 

Pour expliquer ce recul, plusieurs points sont soulignés par le département d’Etat américain dans le Trafficking in person report rendu public en juillet. A titre d’exemple, il présente Maurice comme étant un lieu de transit et de destination pour des victimes de travaux forcés et de prostitution. Mention y est également faite que des collégiennes et jeunes filles de différentes régions de l’île sont vendues et embarquées dans l’enfer de la prostitution. Le plus souvent par des membres de leur famille ou par des hommes d’affaires. Dans certains cas, des chauffeurs de taxi sont impliqués dans ce trafic illégal.

 

Le rapport indique, en outre, que des jeunes femmes originaires de Rodrigues sont forcées à se prostituer et à travailler comme domestiques dans l’île. Alors que des Malgaches, elles, ont transité par le pays pour aller travailler dans des pays du Golfe où elles sont souvent exploitées.

 

Si le rapport souligne les efforts de la Brigade des Mineurs, qui travaille en étroite collaboration avec la Child Development Unit, pour lutter contre la prostitution infantile, il déplore le fait que le pays ne dispose pas d’un plan d’action efficace pour combattre le travail sexuel forcé des adultes. Mais aussi le fait que les législateurs n’arrivent pas à proposer une loi appropriée par rapport aux victimes adultes.

 

Les choses se corsent quant aux travailleurs étrangers venant de l’Inde, la Chine, du Bangladesh, du Sri Lanka et de Madagascar, entre autres. Ces derniers, au nombre approximatif de 37 000 à Maurice, sont employés dans les secteurs de l’industrie et de la construction. Et certains sont soumis à des travaux forcés. Le Trafficking in person report fait ainsi ressortir que la Special Migrant Unit du ministère du Travail, composée de quatre officiers, échoue en ce qui concerne l’identification de potentielles victimes de travaux forcés. Vingt d’entre elles, après protestation, avaient d’ailleurs été déportées de manière arbitraire en septembre 2013, sans que leurs doléances n’aient été prises en considération.

 

Faire la pluie et le beau temps

 

Pour Jane Ragoo, syndicaliste au sein de la CTSP, ce rapport reflète la réalité du pays en ce qui concerne les travailleurs étrangers. Et les exemples ne manquent pas, soutient-elle. «Des employeurs font la pluie et le beau temps. Certains, par exemple, accordent une ‘‘meal allowance’’ de seulement Rs 20 par jour à leurs employés. Quelques-uns de ces derniers sont battus par leurs superviseurs. Parfois, s’ils sont malades, leurs chefs hiérarchiques viennent les harceler dans leur dortoir, les obligent à se lever pour aller travailler. Et ce sont souvent les femmes qui sont les plus maltraitées. Surtout celles qui sont employées comme domestiques. Nous avons déjà eu un cas où une domestique se faisait battre par son employeur. On a dû intervenir et elle a été placée dans un abri pour des femmes en détresse», explique Jane Ragoo.

 

La syndicaliste est convaincue qu’une Foreign Worker Regulation doit être établie afin que les droits des travailleurs étrangers soient respectés. «Ce rapport est une mauvaise pub pour Maurice. Le nouveau gouvernement doit redresser cette situation au plus vite, venir avec une Foreign Worker Regulation et mettre sur pied un bureau spécialement dédié aux travailleurs étrangers où ils pourront obtenir toutes les informations nécessaires et faire entendre leurs doléances. Il faut les écouter et enquêter par la suite, et non pas les déporter sans avoir situé les responsabilités comme cela a été le cas dans le passé», fait-elle ressortir.

 

En ce qui concerne le travail forcé des enfants, le rapport fait état de 14 cas potentiels référés par la Brigade des Mineurs au ministère du Travail, sans que les officiers de ce ministère n’aient toutefois enquêté. Du côté de ce ministère, l’on avance que l’information sur le nombre de cas potentiels avancés dans ce rapport ne leur est pas parvenue. «Nous allons enquêter pour savoir d’où viennent ces 14 cas. A notre niveau, nous avons mené 691 inspections dont un cas s’est avéré être du child labour. L’affaire est en cour. Il se peut qu’il y ait eu une mauvaise communication», avance une source au ministère du Travail. Cependant, celle-ci reconnaît que le Trafficking in person report est négatif pour le pays. Pour y remédier, fait-elle ressortir, plusieurs actions seront prises. «Actuellement, la Special Migrant Unit fonctionne avec quatre officiers, explique cette source. Trois autres seront bientôt recrutés et des changements positifs seront apportés au sein de cette unité pour lutter contre les travaux forcés, surtout chez les enfants. D’ailleurs, nous travaillons déjà en collaboration avec le ministère de l’Egalité du genre et du développement de l’enfant en ce sens.»

 

Pour lutter contre le trafic humain dans l’île, le département d’Etat américain recommande de se baser sur les propositions de l’anti-trafficking legislation afin de mener des enquêtes en vue de traduire ceux qui sont trempés dans le trafic humain en justice, de travailler en collaboration avec les ONG, les travailleurs sociaux et les organisations internationales. Il préconise également la mise sur pied d’un plan légal bien établi. Cela, pour éviter que Maurice ne bascule dans le rouge l’année prochaine.

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