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30 août 2020 15:24
«Il y a comme un phénomène de mécontentement dans le monde. On a pu l’observer au Liban, en Asie, en Thaïlande ou encore plus récemment en Biélorussie où les gens descendent dans les rues pour manifester pour leurs droits. C’est un phénomène global qui se définit. Dans le cas de Maurice, on n’a jamais vraiment eu de manifestation massive comme celle d’hier depuis les années 70. Je pense que cet élan citoyen sans précédent est un tournant important. Les gens sont venus en masse. Ce n’est pas tant la quantité qui compte mais la qualité et le signal envoyé. Dans la foule, on a vu énormément de jeunes, d’enfants, de femmes. C’était une foule multidimensionnelle qui est représentative de l’île Maurice.
Le Mauricien lambda s’est mobilisé pour diverses raisons en envoyant un message fort. C’est une succession d’événements, dont le dernier est l’oil spill, qui font qu’aujourd’hui les Mauriciens sont très en colère. Il y a un manque de communication, des zones d’ombre sans personne pour nous éclairer, des rumeurs, des théories de corruption. Cet écosystème crée une soupape qui fait que les gens se mobilisent et prennent possession de la rue. Ils veulent ainsi exprimer leur colère, leur frustration et leur besoin d’être informés. Il ne faut pas qu’on oublie qu’une démocratie n’est pas linéaire. Une marche, c’est une collectivité citoyenne. Il faut continuer à soutenir cette démarche dans la durée pour qu’on ne revienne pas à un point de business as usual. Aujourd’hui, il faut savoir comment on peut gérer cette mouvance. What’s next ? C’est le challenge. Il faut diriger cette contestation pour qu’elle devienne une action driven approach, que ce soit vraiment le début de quelque chose, un élément déclencheur de changement.»
«J’étais présent sur le pont de Grande-Rivière en 1975 pour le rassemblement des étudiants et en 1982 pour le meeting de remerciements mais je dois dire que ce qui s’est passé hier est différent. C’était une très grosse foule. À un certain moment, les observateurs ont constaté un désengagement des jeunes. On avait l’impression que la société civile était devenue amorphe, que les jeunes s’en fichaient un peu, en recherchant uniquement leur zone de confort. Le rassemblement d’hier, qui a réuni toutes les communautés, vient prouver le contraire. C’est une foule nouvelle, avec énormément de jeunes qui ont clairement démontré leur enthousiasme. C’est une image forte et importante car cela représente l’espoir de ce pays.
On sent que quelque chose a bougé, que la société civile s’est réveillée. Il y a eu un vrai dynamisme autour du drapeau national. C’est un réveil citoyen et le pouvoir va devoir prendre cela en considération. C’est une foule citoyenne qui réclamait ses droits et ça devrait mettre fin à l’arrogance du pouvoir. Les ministres, députés et autres doivent comprendre que la légitimité vient du peuple et qu’il faut l’écouter. Cette démarche citoyenne, c’est une vraie prise de conscience. Je pense que, dorénavant, les Mauriciens, plus particulièrement les jeunes, saisiront davantage l’importance de la politique et que beaucoup vont s’engager à l’avenir.»
«Je pense que cette mobilisation est un signe révélateur de quelque chose de très important pour le pays. On a souvent eu le sentiment que les Mauriciens étaient un peuple mouton qui se laissait faire par n’importe quels politiciens qui venaient au pouvoir. Aujourd’hui, ils prouvent le contraire. Ce sont des acteurs non politiciens qui ont pris en charge des revendications du peuple. Ça a commencé sur une question environnementale, avec tout ce qui s’est passé autour du Wakashio, mais ça a débouché sur un agenda plus large. Pour moi, la première leçon à tirer de cette action citoyenne est le symbole fort que le peuple a envoyé. Il vient dire qu’il n’est plus ce peuple admiratif mais qu’il est bien un peuple admirable qui sait réagir le moment venu.
La composition de la foule est aussi un autre élément important. On a pensé, à un moment donné, voir une surreprésentation d’une partie de la population et une sous-représentation d’une autre mais qu’importe, c’est toute l’île Maurice qui était là. Je note aussi qu’il n’y avait pas des messages assez disparates entre les demandes au gouvernement de partir et ceux qui réclamaient la protection de notre lagon. Le plus important aujourd’hui, c’est qu’il faut lire entre les lignes. Le peuple a ras-le-bol de la situation qui perdure depuis trop longtemps. Je crois qu’il était opportun d’avoir ce signal fort pour le futur du pays. On espère dorénavant que cela va réduire la distance entre le peuple et le gouvernement qui va mettre fin à son arrogance et à sa suffisance. Il faut rectifier le tir.»
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