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Résultats du School Certificate : ces cinq «credits» qui font débat

Stéfy Utile, Yaadav Damree, Nabeel Khodabux, Nadine Ramsamy et Vasant Bunwaree donnent leur avis sur l’obligation de cinq credits pour accéder en Lower VI.

C’est le jeudi 16 janvier que quelque 18 000 élèves de Maurice et de Rodrigues ont pris connaissance de leurs résultats du School Certificate sur fond de débat concernant l’obligation des cinq credits pour accéder en Lower VI. Réactions…

«J’avais eu trois credits et avec l’ancienne formule, j’ai eu la chance de pouvoir faire mon HSC. Et je suis aujourd’hui détentrice d’un degré en Business Management avec une spécialisation en ressources humaines…» Ces mots sont ceux de Stéfy Utile, 24 ans, qui aspire un jour à avoir son propre commerce.

 

Ayant complété ses études universitaires, c’est avec beaucoup de lucidité que la jeune femme observe et écoute tout ce qui se dit autour de la proclamation des résultats du School Certificate cette semaine, avec le retour de l’obligation d’avoir cinq credits pour pourvoir faire le Higher School Certificate (HSC). Et forcément, cette actualité ne peut l’empêcher de repenser à sa propre histoire. «C’était un soulagement quand j’ai su que je pouvais continuer au collège. Certes,  je n’avais pas eu des credits dans toutes mes matières mais je savais aussi que je n’étais pas faite pour la filière polytechnique. C’est un domaine porteur et très intéressant mais si je n’avais pas eu l’occasion de monter en Lower VI grâce à la formule des trois credits, je ne me voyais pas évoluer dans la filière polytechnique», explique la jeune femme.

 

Après son School Certificate (SC), elle a tout fait pour réussir son HSC : «Je savais que je devais travailler dur. Je me suis accrochée et comme la Lower VI s’apparente souvent à un nouveau départ, j’ai bossé dur, j’ai eu la chance de pouvoir miser sur des leçons particulières que je prenais quasiment tous les jours et pendant deux ans, j’ai tout fait pour avoir le fameux sésame qui allait me permettre d’aller à l’université.»

 

Pour celle dont les études universitaires était importantes, parce qu’elle avait des rêves et des aspirations, la formule des trois credits pour accéder en Lower VI et passer son HSC a été salutaire : «Il y a comme ça beaucoup d’autres jeunes qui ont pu se distinguer par la suite grâce à l’opportunité qui leur a été offerte. Je suis l’exemple même que tout est possible.» La jeune femme dit toutefois comprendre la position du ministère de l’Éducation : «Le critère de cinq credits peut garantir la qualité mais je suis aussi pour qu’il y ait une certaine flexibilité. Il faut s’attarder sur les résultats de ces étudiants qui n’ont pu avoir que trois ou quatre credits pour voir les possibilités qui s’offrent à eux.»

 

La ministre de l’Éducation, Leela Devi Dookun-Luchoomun, est catégorique sur la question : le critère des cinq credits pour accéder à la Lower VI sera maintenu. Des quelque 18 000 élèves candidats ayant pris part aux examens du SC l’année dernière, seuls 5 518 ont obtenu un minimum de cinq credits. Ce qui fait que 13 141 élèves ne pourront pas passer en Lower VI. Les avis divergent sur cette actualité.

 

Yaadav Damree, 22 ans, étudiant à l’University of Law, trouve la situation alarmante. «Ne pas pouvoir obtenir un minimum de 50 % sur un minimum de cinq sujets est problématique et alarmant. Les résultats de SC de cette année soulèvent de nombreuses questions quant à l’avenir des élèves et du système éducatif. En faisant des commentaires négatifs dans cette situation alarmante particulière, nous ignorons l’élément fondamental de la raison d’un tel résultat. Je suis d’avis que le blâme est partagé à la fois par le système éducatif et par le mode de vie de l’élève. Le SC est une étape essentielle pour aller au niveau supérieur. Mais il est important pour l’un d’avoir les bons résultats auxquels je fais référence à un minimum de cinq credits.» Pour lui, il faut s’attarder sur les cas de ceux qui n’ont pu atteindre les critères demandés : «La question est de savoir ce qui arrive à ceux qui n’ ont pas obtenu cinq credits. Tout d’abord, la perception que les écoles techniques ne sont pas un bon endroit pour construire un avenir sûr doit être surmontée.»

 

«Décision réfléchie»

 

Vasant Bunwaree, ancien ministre de l’Éducation qui avait introduit la formule de trois credits pour accéder en Lower VI en 2011, défend bec et ongles sa formule : «J’avais mis en place cette formule d’accéder en Lower VI avec trois credits parce qu’il y avait des étudiants qui n’avaient pas eu cinq credits mais qui n’avaient pas non plus échoué leur School Certificate puisqu’ils avaient été déclarés reçus par Cambridge. À l’époque, cette décision avait été mûrement réfléchie. On avait pris en considération tous les pour et les contre. C’est à la requête de plusieurs organisations, responsables, stakeholders, que cette formule est venue de l’avant.»

 

Selon lui, Cambridge n’exige pas cinq credits pour établir qu’un étudiant a réussi son SC : «Cambridge ne demande pas cinq credits pour déclarer qu’un étudiant a été reçu. Cambridge dit que, pour qu’un candidat ait un result pass sur son certificat, il faut qu’il ait eu au moins deux credits, qu’il ait un minimum d’aggregate, puis il dit aussi qu’il faut que les candidats aient un pass en anglais.» Pour l’ancien ministre, l’actuelle situation est préoccupante : «On se retrouve dans une situation où des enfants ont passé leur Form 5, certifié par Cambridge, et se retrouvent à ne pas pouvoir poursuivre leurs études secondaires. Je comprends qu’on ne puisse pas admettre un étudiant dans une classe supérieure quand il a échoué mais si l’étudiant en question a passé et, qui plus est, quand Cambridge atteste qu’il a réussi, je ne comprends pas pourquoi cet élève ne pourrait pas pouvoir continuer son secondaire.»

 

Selon lui, il y a quelque chose de «vicieux» dans l’esprit de ceux qui ne comprennent pas sa formule : «Selon moi, ils veulent continuer à ‘‘fuel’’ ce qu’ils appellent l’élitisme dans notre système éducatif avec cette affaire d’avoir des lauréats. Cela n’existe qu’à Maurice. Je suis d’accord avec l’option polytechnique mais il faut que cela soit libre.»

 

Nabeel Khodabux, lauréat Arts Side du Sir Abdool Raman Osman State College, de la cuvée 2012, estime que la situation est préoccupante : «Lorsqu’on parle du concept de Smart Citizen ou même d’une population plus éclairée, un leitmotiv qui fait constamment surface, c’est l’éducation. Parce que, c’est bien l’éducation qui est à l’origine de nos réflexions, de nos actes et de nos paroles. Comme le disait  Joseph Addison : “L’éducation est à l’ esprit humain ce que la sculpture est à un bloc de marbre’’ Il est donc absolument essentiel d’avoir un système éducatif qui puisse répondre adéquatement et efficacement aux besoins de l’écolier, sans le brusquer et en même temps sans être trop indulgent envers lui. Les chiffres sur le taux de réussite aux examens du SC, qui ont récemment été rendus publics, sont invraisemblables. Qui est à blâmer ? Les élèves ou le système de cinq credits ? Ce débat semble être le talk of the town.  Mais, pour moi, au-delà de ce blame game, le plus important, c’est d’essayer de trouver des solutions concrètes pour rehausser d’urgence le niveau d’éducation et le taux de réussite pour tous les élèves. Au cas contraire, je n’oserais même pas imaginer les conséquences.»

 

Pour cet ancien lauréat, la filière polytechnique ouvre bien des perspectives : «En canalisant certains étudiants vers les polytechniques, le système éducatif donne un véritable essor au marché du skilled workforce. À la longue, ce sera énormément bénéfique à notre pays car nous pourrons dépendre davantage du marché mauricien au lieu de faire appel à des étrangers, dans divers vocational jobs.»

 

Néanmoins, pour Nabeel Khodabux, l’avenir des collèges privés paraît assez inquiétant : «Compte tenu du faible taux de réussite, à cause d’une barre aussi élevée pour les élèves, seulement une poignée d’élèves est montée en Grade 12. Ces écoles privées survivront-elles financièrement si les élèves n’arrivent pas à décrocher ces cinq credits ? N’oublions pas qu’à cause de la population mauricienne vieillissante, il y aura de moins en moins d’élèves dans des collèges privés, aussi bien que dans des écoles publiques. Tout cela laisse présager des salles de classe vides, des collèges vides et par, extension, des universités vides.» 

 

Il a une grande pensée, confie-t-il, pour les étudiants qui passent actuellement des moments difficiles et qui sont dans le doute : «Si on se met dans les souliers de ce jeune écolier, de cet adolescent en devenir, qui est en quête de sa propre identité, il doit faire face à une véritable dichotomie, d’une part, il doit découvrir sa propre personne et de l’autre, ce sont ces cinq credits qui définiront sa personne, son avenir. Je ne peux m’empêcher de voir, devant moi, un certain Hamlet tout confus, se demandant : “To be, or not to be, that is the question”.»

 

D’un point de vue à l’autre, les résultats de SC sont diversement commentés. Considérant l’obligation des cinq credits pour accéder en Form V, Nadine Ramsamy, enseignante d’anglais au collège Patten Girls, estime qu’il y a des réalités qui existent dans les petits collèges et qu’il faut prendre en compte. L’enseignante explique : «C’est avec les larmes aux yeux que j’ai regardé les résultats. La plupart de nos élèves vivent des réalités. Pour ma part, je ne suis pas qu’un prof. À l’école, je fais aussi office de maman ou encore de confidente. J’agis aussi comme la police, une psychologue et une pédagogue. Nou pe akonpli boukou plis ki seki zot pe zize par rezilta nou kolez…»