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Roshi Bhadain : Le désamour en Heritage (City) 

9 août 2016

Roshi Bhadain : Le désamour en Heritage (City)

Toucher à…l’Heritage ? C’est bien compromis ! Et ça, ça ne lui fait pas plaisir au ministre de la Bonne gouvernance, Roshi Bhadain. Après une réunion du Conseil des ministres, le vendredi 5 août, cette instance a décidé que le projet Heritage Citysera gelé malgré le déboursement d’une somme importante aux consultants. Over ! Ça faisait quelques jours que la remise en question de cette immense construction – au coût de USD 800 millions (Rs 29 milliards) sur 335 arpents – était au cœur de l’actualité à cause d’un rapport qui y décelait certaines failles. Qui ne seraient pas réelles, selon Roshi Bhadain.

 

Ce document n’est, néanmoins, ni signé ni daté. Des rumeurs laissent penser qu’il s’agit d’une initiative de Gérard Sanspeur. Il s’agirait d’un rapport de Lux Consult commandé par la State Land Development Companydont le président du conseil d’administration est nul autre que…Gérard Sanspeur, président du Board of Investment(BoI) et conseiller spécial du ministre des Finances Pravind Jugnauth. D’ailleurs, il a, ouvertement, critiqué le partenariat avec Stree Consulting(une société de consultants choisie pour élaborer le Master Planet le Engineering Designd’Heritage City, sans appel d’offres), lors d’une réunion du conseil d’administration d’Heritage Co Ltd, en début de semaine. Gérard Sanspeur a pointé du doigt les demandes de Stree Consulting– qui tenterait de s’ingérer dans la prise de décision du gouvernement – et la boîte de consultants, elle-même (qui n’aurait pas les références nécessaires, selon lui).

 

En quelques jours, les contours d’un conflit entre deux hommes se sont dessinés. Si l’un, le ministre, a décidé de contre-attaquer avec force, l’autre s’accommode du silence. Gérard Sanspeur est sorti de sa réserve uniquement sur sa page Facebook. Il a parlé de Krishna dans le Mahabharat avant de lancer :«It is not a question of right and wrong. It is a question of purpose, and of whether you would be successful within the limitations of the law or not. He did not say what he was doing was right – he knew it was wrong. But what he was trying to achieve was right. That is why he did all this. » Le message est limpide.

 

Ce projet qui faisait tiquer certains observateurs et membres de l’opposition depuis le jour de sa présentation (le 25 novembre 2013, par Roshi Bhadain, après une mission à Dubaï) et son abandon (pour le moment ou pas), laisse entrevoir des enjeux politiques plus profonds. Le ministre de la Bonne gouvernance arrivera-t-il à digérer ce que certains observateurs qualifient de «camouflet» ? Faisons le point…

 

Que dit ce rapport ? Il faudrait que le gouvernement prenne un peu plus de temps avant d’aller de l’avant avec ce projet de Smart City. Plusieurs raisons sont évoquées : la possibilité que le Bagatelle Dam se rompe et inonde la cité, le risque que la construction coûte beaucoup plus cher que prévu à cause de défauts de conception et de développement, entre autres. On y trouve également une suggestion : que le dossier devrait être géré par la State Land Development Company(SLDC). 

 

Pourquoi le ministre de la Bonne gouvernance a pris cette décision ? Celle d’annoncer, lors du Conseil des ministres du 5 août, qu’il ne chapeauterait plus le projet d’Heritage City, suggérant au Premier ministre de ne pas aller de l’avant avec la nouvelle ville administrative. Face aux arguments de ses collègues ministres, rappelant que ce projet était hasardeux et trop coûteux en l’état actuel, il n’a pas souhaité discuter afin de repenser Heritage City. Il a expliqué qu’il ne pouvait se battre contre les lobbys. En conférence de presse, le 5 août, il dira que «la réputation du projet a été entachée par de fausses allégations» et qu’il ne peut assurer que le damde Bagatelle ne connaîtra pas de problème. Il affirme néanmoins que«dans plusieurs pays, des barrages sont construits au-dessus des villes et ils n’ont pas éclaté. Admettons que celui de Bagatelle cède, Ebène, Heritage City, le nouveau campus universitaire, la Smart City Hermès, tout va disparaître. Si celui de La Ferme éclate, le village de Bambous sera noyé… Il faudrait arrêter toutes les constructions en bord de mer à cause des risques de tsunami, si on se base sur cette logique».

 

Pourquoi Roshi Bhadain est-il en rogne ? Parce que c’était son bébé, bien évidemment. Et parce qu’il s’est engagé, au fil de ses voyages, auprès des bailleurs de fonds et des consultants. Au lieu d’accepter la décision collective et de faire bloc avec son gouvernement, le ministre de la Bonne gouvernance a décidé de s’exprimer face à la presse le vendredi 5 août. Et il n’a pas pris des pincettes (voir en hors-texte). Est-ce un signe de rupture avec l’Alliance Lepep ? Difficile à dire. Et son absence lors du bureau politique du MSM, le samedi 6 août, alors ? Le temps le dira.

 

Une immense gifle à Roshi Bhadain ? Nombreux sont ceux qui le disent : le ministre de la Bonne gouvernance a été désavoué par ses copains. Néanmoins, il affirme, lui, que ce n’est pas le cas et martèle depuis le gel de son projet fétiche : «Le Premier ministre me soutient pleinement.»Néanmoins, à la lueur du rapport (et à celle d’autres éléments, certainement), SAJ a décidé de geler ce projet malgré la somme déjà déboursée par le gouvernement mauricien avant même le débuts des travaux : «Je crois que ce gel doit avoir une raison beaucoup plus politique. Plusieurs millions de dollars américains ont été dépensés et cela n’arrête pas le Premier ministre. Je me dis que c’est quelque chose de bien grave»,confie un membre du PMSD qui ne saurait dire ce qu’il entend par «bien grave». Si en fin de semaine, les rumeurs allaient bon train quant à la démission de Roshi Bhadain, il est toujours en poste. «Mais pour combien de temps ?»se demande un ancien du MSM qui a pris sa retraite politique et qui se plait à se qualifier «d’observateur politique» : «Il ne fait pas l’unanimité au sein du MSM de toute façon. Il veut trop en faire et pas toujours de la meilleure des façons. Si les autres ministres font bloc contre lui, il risque de se retrouver en mauvaise posture.»

 

Quel est le rôle de Pravind Jugnauth ? Il ne faudrait pas oublier, rappelle notre interlocuteur que Gérard Sanspeur, c’est l’homme du leader du MSM : «Il aurait fait tout ça sans l’aval de son patron ? Je n’y crois pas une seconde.» Il rappelle que pendant des mois, la possibilité que l’actuel Grand argentier soit écarté momentanément de la politique active – dans le cadre de l’affaire Medpoint –  avait ouvert toutes les portes à ceux qui, au MSM, se rêvaient «premierministrables» : «Roshi Bhadain en tête. Les ressentiments viennent de là. Et aujourd’hui, les comptes se règlent.» Un membre actif du MSM appuie cette «thèse» : «Il ne faudrait pas oublier que Pravind Jugnauth a pris la part de Vishnu Lutchmeenaraidoo…contre Roshi Bhadain. Et là, il le rassure en prévoyant le financement d’Heritage City dans le Budget…et puis ça capote. Étrange.»D’ailleurs, le leader du MSM n’a pas souhaité commenter le gel du projet d’Heritage Cityni les critiques de Roshi Bhadain envers Gérard Sanspeur, qui est, quand même son conseiller spécial, à la sortie du bureau politique du MSM : «Le Conseil des ministres a pris une décision, je m’y tiens. J’ai toujours travaillé dans l’intérêt du pays et de la population. Et c’est ce qui m’a guidé et qui va continuer à me guider», a-t-il seulement déclaré.

 

Heritage City, Roshi Bhadain, le MMM et le MSM ?Tous ces éléments auraient un lien selon certains observateurs de la scène politique locale. Un koz-koze is on(en attendant d’être off) ? Le discours et le ton de Paul Bérenger concernant la performance de Pravind Jugnauth et le Budget a laissé planer le doute cette semaine concernant les relations entre le MMM et le MSM. Rajesh Bhagwan en a remis une couche lors de son intervention au Parlement, cette semaine, estimant que les idées du grand argentier étaient novatrices. Le gel d’Heritage City, est-ce la «disgrâce» du ministre de la Bonne gouvernance ? Des demandes du MMM – pour faire de la place – avant de se rabibocher avec le MSM. Néanmoins, pour un député du MSM, tout ça, c’est du n’importe quoi : «Il n’y a aucune discussion avec Paul Bérenger. Et puis, sérieusement, le MSM est en position de force ! Pourquoi il devrait s’abaisser à faire plaisir au MMM ? Il ne faut pas croire tout ce que des gens racontent pour déstabiliser l’alliance Lepep.»Que ce soit du côté du MSM (Pravind Jugnauth a fait une déclaration en ce sens à la sortie de son bureau poltique) ou du MMM (Paul Bérenger s’est exprimé lors de sa conférence de presse hebdomadaire), on affirme que les rumeurs du rapprochement entre ces deux partis ne seraient que des «palab»sans fondement.

 

Roshi Bhadain s’explique

 

Dans sa voix de la colère contenue. Et beaucoup d’amertume. Après le gel du projet d’Heritage City, le ministre de la Bonne gouvernance a décidé de faire le point lors d’une conférence de presse, le vendredi 5 août. Il a déclaré que son projet de nouvelle ville administrative a été victime d’une «manipulation».Il a affirmé que c’est lui qui a demandé l’arrêt de ce projet. Mais n’a, néanmoins, pas épargné Gérard Sanspeur : «De quel droit Gérard Sanspeur a décrédibilisé un projet qui a été endorsedpar le Premier ministre  et le ministre des Finances ?»

 

Il a tenu à faire le résumé des actions de ces derniers jours : «Gérard Sanspeur a fait parvenir un courriel à mes officiels dans lequel il dit “I am not satisfied at all (...), I suggest that you stop all payments to Stree Consulting”, ce alors qu’aucun paiement n’avait été effectué... C’était une semaine avant le Budget.»Le ministre de la Bonne gouvernance affirme qu’il a demandé au conseiller spécial de venir de l’avant avec des remarques, des suggestions et des doutes. Le Budget est ensuite arrivé dotant le projet d’Heritage City de Rs 2,7 milliards : tout allait bien. Mais la réunion du conseil d’administration de la compagnie mise sur pied pour gérer ce projet immobilier va tout bouleverser. Gérard Sanspeur s’en prend à Stree Consulting et à Saeed Ahmed Saeed, le représentant du gouvernement dubaïote, «personnellement recommandé par l’émir de Dubaï» : «Sanspeur qui n’a aucune expérience dans l’engineering, dans les infrastructures publiques, qui n’a même pas un poste comme ministre ou Financial Secretary, est venu humilierSaeed Ahmed Saeed.»Le lendemain, le rapport apparaît : «Il n’est pas signé mais, pourtant, il vient décrédibiliser notre travail. C’est invraisemblable !»

 

D’autre part, Roshi Bhadain a assuré qu’il ferait des révélations : «Je dénoncerai tous ceux qui ont menti. Et leurs intérêts pour que le projet ne se fasse pas.»Il a aussi indiqué que le rapport qui circulait depuis quelques jours n’avait aucun poids et que, contrairement aux prises de position du conseiller spécial de Pravind Jugnauth, Stree Consulting est une compagnie fiable : «Il y a des faussetés qui circulent. Zot inn kre bann dout dan latet dimoun. Akoz samem monn dir PM ki mo nepli anvi al de lavan ek proze la

 

Paul Bérenger : Heritage City, un projet dangereux

 

Le leader du MMM a repris son activité favorite lors de sa conférence de presse hebdomadaire, le samedi 6 août. Ses cibles ? Roshi Bhadain, of course, mais aussi sir Anerood Jugnauth. Dans le sillage de la mise au placard d’Heritage City, projet qu’il a qualifié «d’inacceptable et dangereux», Paul Bérenger a accusé le ministre de la Bonne gouvernance de faire tout… sauf de la bonne gouvernance. Selon lui, les procédures autour de cette construction ont été faites dans l’opacité. Paul Bérenger estime également que SAJ ne contrôle plus son gouvernement : «Comment a-t-il pu laisser Roshi Bhadain aller aussi loin ?»Il s’est aussi offusqué du fait que le ministre réclame l’abandon du projet alors qu’une forte somme d’argent a été dépensée.

 

Dans un autre registre, et pour démentir les rumeurs de rapprochement entre le MMM et le MSM, il a annoncé que, bientôt, le MMM présentera son leader adjoint, celui qui occupera la deuxième position au sein du gouvernement en cas de victoires aux prochaines élections générales.

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