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Roshi Bhadain : le revers de la médaille

22 août 2016

Souriant, Roshi Bhadain est arrivé au Sun Trust pour sa réunion de parti en mode «no stress».

Mordre la poussière. Une chute à quelques années de la ligne d’arrivée (ses ambitions ne sont pas inconnues). S’est-il tordu la cheville en essayant de dépasser son adversaire, Gérard Sanspeur (avec une déposition à la police contre le conseiller spécial de Pravind Jugnauth qui n’a pas fait faire la ola à l’état-major du MSM) ? Ses crampons se sont-ils grippés sur le tapis de sa course politique ?

 

Le ministre de la Bonne gouvernance s’est-il pris pour Usain Bolt, l’homme qui carbure à l’excès de confiance, mais qui gagne à tous les coups (même lors d’une samba endiablée avec les danseuses brésiliennes) ? Selon certains de ses collègues, Roshi Bhadain est allé trop loin, a fait le sprint de trop et a dépassé les bornes. Et ils lui ont fait savoir lors d’un Bureau politique animé du MSM, qui a eu lieu hier, samedi 20 août (voir hors-texte),et où la sortie de route du ministre a été commentée en sa présence. D’un état de grâce à celui de la disgrâce, celui qui était sur tous les fronts et qui était de tous les dossiers connaît désormais le revers de la médaille. 

 

Néanmoins, le ministre de la Bonne gouvernance ne devrait pas quitter les rangs de son équipe gouvernementale grâce à l’intervention du Premier ministre, sir Anerood Jugnauth. Un support de taille qui ne serait néanmoins pas infaillible. Un départ qui ne serait que retardé, estime un membre du MSM, très remonté. Le ministre de la Bonne gouvernance serait en sursis. Et les frustrations accumulées contre ses «manières de faire»ont rejailli avec force. Comme un smash : «Il faut qu’il parte. Il provoque le chaos au sein du MSM. Il en avait déjà trop fait avec Vishnu. Là, il recommence. Ce parti et ses membres ne lui appartiennent pas. Il faudrait qu’il s’en rappelle.»

 

Ce qui motive les «manœuvres» du ministre

 

En évoquant l’ancien ministre des Finances reconverti aux Affaires étrangères, Vishnu Lutchmeenaraidoo (qui avait, en période de disgrâce, pointé du doigt les méthodes du ministre de la Bonne gouvernance), notre interlocuteur rappelle que rien ne s’oublie dans les couloirs d’un parti. Nombreux sont ceux qui, comme lui, se demandent ce qui motive les manœuvres du ministre qui a radicalement diminué ses chances de podium cette semaine.

 

Mais qu’est-ce qui fait donc courir le ministre de la Bonne gouvernance ? Une tape dans le dos ? Visiblement pas, explique un ancien du MSM qui suit la situation de très près : «Il veut se venger de l’affront que lui a fait Gérard Sanspeur. Il se sent humilié et il veut laver son honneur. Alors, il va attaquer de front le conseiller spécial de Pravind Jugnauth, quitte à égratigner son leader. Je trouve dommage que SAJ n’ait pas sanctionné cette action que je qualifie d’acte d’insubordination. Quand ton Premier ministre a pris une décision, il faut que tu l’acceptes et que tu rentres dans les rangs. Si tu n’es pas d’accord, tu démissionnes. Point.»

 

En déposant contre Gérard Sanspeur, le directeur de la State Land Development Company et duBoard of Investment, et en l’accusant de manipulation, Roshi Bhadain entraîne, dans sa folle course, le fils Jugnauth qui a affirmé et confirmé que Gérard Sanspeur agissait – pour faire la lumière sur Heritage City– avec son consentement. Une folie, estime notre interlocuteur : «Parce qu’en toute franchise, il croit qu’au final, SAJ vaside de son côté au lieu de celui de son fils ? D’accord, le Premier ministre a peut-être encore besoin de lui pour des raisons qui ne nous échappent pas tant que ça, mais au moment des règlements de comptes, il ne pèsera pas lourd dans la balance.»Même s’il soulève des dossiers au poids impressionnant.

 

Aujourd’hui, estime un député MSM, le regard du parti est tourné vers l’avenir : «C’est Pravind, l’avenir. Nous en sommes conscients. Alors, nous savons de quel côté nous devons nous situer. Même si notre leader n’en parle pas ouvertement.» À la sortie du Bureau politique, le ministre des Finances a même confié qu’entre lui et Roshi Bhadain, les «relations n’étaient pas tendues».Ce qui ne veut pas dire qu’elles sont bonnes, estiment certains. Depuis l’absence politique de Pravind Jugnauth, suite à sa condamnation dans l’affaire MedPoint, et les ambitions affichées du ministre des Services financiers de se positionner comme le successeur de SAJ, les deux hommes ne sont pas les meilleurs amis du monde. Heureusement que Roshi Bhadain peut encore compter sur le chef du gouvernement. «Il sait quand même que sa position est fragile. Il doit réagir», explique un membre du ML qui s’inquiète des turbulences au sein du MSM.

 

Marche arrière

 

Pravind Jugnauth a également précisé qu’il espérait trouver un consensus dans le dossier Bhadain-Sanspeur. Une marche arrière du ministre de la Bonne gouvernance ? C’est bien possible. Mais Roshi Bhadain ne serait pas encore prêt à céder. Néanmoins, selon des proches du principal concerné, il n’a pas encore fait son choix entre deux attitudes à adopter : garder le fighting spiritou privilégier l’esprit d’équipe. D’ailleurs, explique une personne qui le connaît bien, il a rencontré SAJ avant la réunion du Conseil des ministres, le vendredi 19 août, pour défendre sa déposition contre Gérard Sanspeur : «Il a fait comprendre que ce dernier a certainement un hidden agenda. Et qu’il n’agit pas dans l’intérêt du gouvernement.»

 

Le fait que l’express affirme qu’il y a eu une rencontre entre le conseiller et le leader de l’opposition, Paul Bérenger, semble appuyer la thèse de Roshi Bhadain. Également celle des koz kozeentre le MMM et le MSM, drivé par Pravind Jugnauth à l’insu de son père : mais ça, c’est une autre histoire… ou pas (pour certains, tout serait relié) ! Toutefois, malgré cette envie d’en découdre, le ministre des Services financiers aurait, toujours selon notre interlocuteur, pris le temps de la réflexion : «Il tient à sa carrière politique pour œuvrer pour l’avancement des Mauriciens et de l’île Maurice. Pour réaliser cela, il sait qu’il doit calmer le jeu vis-à-vis des membres de son parti, sans pour autant en finir avec Gérard Sanspeur.»

 

Ces derniers jours, le ministre aurait aussi réalisé que tout ce qui brille n’est pas or (et que toutes les amitiés ne sont pas sincères en politique, mais il devait déjà s’en douter). Et cela, même si Heritage Citydevait être un «trésor» pour les Mauriciens, comme il le présentait en point de presse, avec beaucoup de poésie ! Il aurait compris qu’il devrait prendre le parti de ne plus insister pour que ce projet renaisse de ses cendres. La défaite – et l’impression d’être écarté de tout – lui aurait donné à réfléchir : même si on désire ardemment quelque chose, il ne faut pas tirer dans les papattesde ses coéquipiers pour obtenir ce qu’on veut. «This is a lesson learned», estime un ancien du MSM : «Il avait une idée fixe ; qu’Heritage City soit encore on. Mais il n’aurait pas dû s’attaquer à Gérard Sanspeur. Il aurait dû tenter de convaincre SAJ, the right way. Il a creusé son propre trou. Et il continue à fouiller. J’espère qu’il réalise maintenant qu’il faut qu’il apaise les choses.»

 

Another one bites the dust. Se relèvera-t-il de sa chute d’humeur plus conciliante ? Ou deviendra-t-il encore plus hargneux (avec comme générique, le revendicateur Another one bites the dust) ? Il faudra attendre la fin de ce premier tour de piste pour en savoir plus.

 

Bhadain vs Sanspeur : la déposition de trop

 

C’est cette décision du ministre de la Bonne gouvernance qui a fait tiquer l’état-major du MSM. Le jeudi 18 août, Roshi Bhadain a fait une déposition, de son bureau, contre Gérard Sanspeur. Dans cette communication avec les membres du Central Criminal Investigation Department, il accuse le conseiller spécial de Pravind Jugnauth d’avoir préparé et diffusé des documents, fabriqués et manipulés, non officiels, dans la presse dans le but de geler le projet d’Heritage City et de lui porter préjudice. Après une rencontre avec SAJ et Pravind Jugnauth avant le Conseil des ministres du vendredi 19 août et cette réunion, il a affirmé qu’il n’y avait aucun problème au sein du gouvernement.

 

Paul Bérenger : partielle avortée et rapprochement

 

Il sait pourquoi Roshi Bhadain est encore ministre. Eh oui ! On ne la fait pas à Paul Bérenger, celui à qui rien n’échappe. Pour le leader de l’opposition, la raison est claire et il l’a exprimée lors de son point de presse hebdomadaire le samedi 20 août : «Un des ministres de Pravind met un case contre son conseiller ! J’ai honte pour lui. Et Bhadain est toujours là parce que le gouvernement a peur d’une élection partielle.» Le leader du MSM s’est également exprimé contre le Premier ministre qui ne gère plus rien selon lui : «Nous avons pris note de son comportement sur Heritage City et le cas Kailash Trilochun. C’est de la lâcheté. L’affaire Bhadain-Sanspeur montre que sir Anerood Jugnauth n’a pas d’autorité sur ses ministres. Il n’y a aucun leadership.»

 

Il a encore une fois démenti les rumeurs d’un rapprochement entre le MSM et le MMM : «Nous nous préparons à aller seuls aux prochaines élections générales pour les remporter.»

 


 

Un Bureau politique hot, Pravind Jugnauth s’en occupe

 

Non ! Ce n’est pas le titre d’un nouveau film coquin, voyons. Mais le Bureau politique (BP) du MSM, qui s’est tenu hier, samedi 20 août, était quelque peu agité. Au centre des échanges : la décision de Roshi Bhadain de faire une déposition contre Gérard Sanspeur, le conseiller spécial du ministre des Finances, son leader. Cette décision a chamboulé les membres du MSM en fin de semaine, ranimant l’animosité ressentie par beaucoup envers le ministre de la Bonne gouvernance.

 

Ce dernier était bien présent après avoir boudé la réunion qui avait suivi la mise au placard d’Heritage City début août. Une nécessité pour Roshi Bhadain, s’il tenait à sa place au sein du gouvernement, de se trouver sur place. Face aux questions de ses camarades de parti, il se serait exprimé et aurait expliqué sa démarche. Il aurait également assuré qu’il n’avait aucune intention de quitter le gouvernement et/ou de porter préjudice au MSM.

 

Pravind Jugnauth se charge de tout , a-t-il déclaré.

 

Face à ses propos ni agressifs ni conciliants, il aurait fait face à une salve de critiques et de questions. Pravind Jugnauth, lui, aurait décidé de ne pas acculer ouvertement son ministre. D’ailleurs, à la sortie de ce BP, il a fait la déclaration conciliante suivante : «Les relations entre nous ne sont pas tendues. Au MSM, nous donnons l’occasion aux camarades de s’exprimer. Il arrive qu’il y ait des différences d’opinion, mais nous faisons de sorte d’arriver à un consensus. C’est vrai que la situation est peu habituelle et que j’aurais préféré que les événements ne prennent pas cette tournure, mais je gère la situation et il n’y a aucun problème majeur. J’espère que nous arriverons à un consensus.»

 

Il a également affirmé qu’il n’y avait eu aucune réunion de SAJ et de l’état-major du MSM à La Caverne, le jeudi 18 août, pour discuter du sort de Roshi Bhadain.

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