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14 mai 2015 19:50
Dans la salle de MCiné à Trianon, des jeunes de 17 et 18 ans venant des collèges de la région sont attentifs. Ce matin, ils sont venus découvrir le film Selma dans nos salles à l’initiative de l’ambassade américaine à Maurice. Peu d’entre eux connaissent la longue lutte des Noirs contre le racisme et la ségrégation en Amérique entre 1945 et 1970. Toutefois, beaucoup de ces jeunes savent plus ou moins qui est le Dr Martin Luther King Jr, ce célèbre militant non-violent pour les droits civiques des Noirs aux États-Unis, qui a un jour prononcé le fameux I have a dream sur les marches du Lincoln Memorial à Washington D.C. Un message d’espoir devenu célèbre bien au-delà des frontières américaines. Justement, Selma, un film réalisé par Ava DuVernay et sorti en 2014, retrace cette tranche de vie de Martin Luther King Jr et de tous ces activistes noirs qui se sont battus pour que les Afro-américains puissent obtenir le droit de vote comme les autres citoyens.
Une histoire qui n’a pas manqué de toucher au plus profond d’elle-même Zahraa Johar, 17 ans, de la SSS Sodnac. «C’était vraiment touchant. J’ai énormément appris sur Martin Luther King et le combat pour les droits civiques aux États-Unis. C’est très triste de voir tout ce qu’ils ont subi pour pouvoir être des citoyens égaux», souligne l’adolescente. Comme elle, les étudiants ont été captivés par ce film historique et biographique, qui dure deux heures. Plongés dans les années 60, les collégiens ont vu défiler sous leurs yeux le combat de ce mouvement non-violent qui milite pour obtenir l’égalité des droits civiques pour tous.
Béatrice Arnasalon a trouvé que Martin Luther King est un exemple pour les jeunes.
Tout se passe dans le Sud, à Selma, là où le racisme fait rage et où les Noirs comme Annie Lee Cooper se voient refuser le droit de s’inscrire sur la liste électorale. Là-bas, seuls 2 % des citoyens noirs sont inscrits sur les listes électorales. Martin Luther King et les membres de son mouvement, la Southern Christian Leadership Conference, décident de se rendre dans cette ville de l’Alabama. Ils organisent des marches pacifiques pour protester, mais les tensions montent. Ils sont battus, humiliés, emprisonnés, certains même tués, mais King et ses partenaires ne renoncent pas. Ensemble, ils organisent une marche de Selma à Montgomery, font face à la violence des forces de police, mais arrivent finalement sur les marches du Capitole où Martin Luther King prononce un discours mémorable. Quelques mois plus tard, en août 1965, le président Johnson finira par signer le désormais historique Voting Rights Act.
À la sortie du film, les lèvres se délient. Submergés par tout ce qu’ils viennent de découvrir, les étudiants discutent entre eux de la force et de la détermination dont Martin Luther King et ses compagnons de combat ont fait preuve. Béatrice Arnasalon, 18 ans, de la SSS Sodnac, ne cache pas son émerveillement : «Le film était super. Je connaissais un peu Martin Luther King. Mais là, on a vraiment pu en apprendre plus sur la lutte qu’il a menée pour combattre l’inégalité et l’injustice dont les Noirs étaient victimes.» Pour elle, il est définitivement un modèle dont les jeunes doivent s’inspirer. «Les jeunes Mauriciens doivent se mobiliser et lutter contre la discrimination», souligne celle qui dit admirer désormais le Dr Martin Luther King.
Zahraa Johar a été profondément touchée par le combat des Afro-américains.
Même si la lutte pour le droit de vote n’est pas d’actualité, Aqiil Gopee et Mathieu Moutou du collège Royal de Curepipe sont bien conscients que d’autres discriminations minent encore notre société. «Le film est poignant et nous amène à réfléchir à ce qui se passe aujourd’hui dans notre pays. Je pense qu’on peut s’en inspirer», déclare Mathieu. Jeune écrivain, Aqiil Gopee a vu le film d’un oeil critique, lui qui en connaît un peu sur Martin Luther King et son admiration pour Mahatma Gandhi, d’où son engagement pour la non-violence : «C’est frappant. Le film est très humain. Martin Luther King est porteur d’un message d’espoir qui, à mon sens, devrait nous encourager à lutter comme il l’a fait contre les discriminations.»
Élever les consciences en jetant un coup de projecteur sur cette page de l’Histoire… Voilà une approche pédagogique porteuse d’un message qui peut encore servir aujourd’hui.
Le film «Selma» livre un message puissant concernant la lutte pour garantir le droit de vote à tous les citoyens. Ce message est-il, selon vous, toujours d’actualité dans la société actuelle ?
Définitivement oui ! Le droit de voter est une fondation essentielle de toute démocratie. Un gouvernement est représentatif du peuple quand celui-ci a la possibilité de décider qui le dirigera. Les lois seront respectées uniquement si tous les citoyens ont l’occasion de s’exprimer et de donner leurs opinions. Selma montre que les gens ont été prêts à risquer leur vie pour avoir l’occasion de voter. Le droit de voter est le contrôle le plus puissant du citoyen sur l’abus de pouvoir.
Quels sont vos souvenirs par rapport au mouvement des droits civiques en Amérique ?
J’ai longtemps été une grande consommatrice de nouvelles et de discussions sur ce thème. Je me souviens qu’enfant, je regardais les informations à la télé et je voyais toutes ces manifestations pour les droits civiques et l’égalité des chances. J’étais horrifiée de voir les abus épouvantables de la police contre des manifestants non-violents, y compris des enfants. Les souvenirs d’incendies, de chiens et de matraques utilisés contre ces gens courageux restent vifs dans ma mémoire. C’était inconcevable pour moi de voir des enfants innocents et des adultes paisibles être traités si terriblement. Cette atrocité collective a mené à la promulgation de lois d’anti-discrimination et des lois de droits de vote.
Plus récemment, il y a eu tous ces affrontements à Baltimore. Le racisme et l’inégalité raciale sont-ils toujours bien présents dans la société américaine ?
Nous avons vu d’importants et d’étonnants changements en 50 ans depuis les protestations de Selma, y compris l’élection du premier président afro-américain. Il y a 50 ans, des gens comme lui n’avaient même pas le droit de voter dans de nombreux endroits d’Amérique. Ce n’est plus le cas. John Lewis, qui avait été attaqué par la police comme il traversait le pont dans Selma, est aujourd’hui un membre du Congrès très respecté. Le préambule de la Constitution américaine se réfère à notre désir «de devenir une union encore plus parfaite…»
Cela signifie que nous sommes engagés dans une lutte continue et que nous avons besoin de gens qui peuvent s’élever contre l’injustice et défier le statu quo afin que nous puissions prendre des actions correctives. Les événements récents aux États-Unis ne devraient pas être vus comme la confirmation que les Américains sont tous des racistes. Ce qu’ils démontrent, c’est que nous devons sérieusement penser à comment nous pouvons corriger la relation toxique entre quelques hommes noirs et une certaine police.
Comment les autorités américaines luttent-elles aujourd’hui contre le racisme ?
Il s’agit là d’un problème social qui exige la participation et l’engagement de tout le monde, pas seulement du gouvernement, mais aussi des organisations communautaires, des entreprises, des écoles, des églises et des individus sincères qui veulent faire une différence positive. Les coupables d’abus sont jugés responsables. La police impliquée dans les événements récents à Baltimore et la Caroline du Sud est poursuivie. Le ministère de la Justice américain a publié un rapport détaillé identifiant les pratiques racistes à Ferguson, dans le Missouri, ce qui a mené au renvoi de quelques officiels. Les souvenirs d’attitudes racistes et de haine de mon enfance ont pratiquement disparu grâce aux efforts d’une société entière. Je continuerai à soutenir et à lutter contre n’importe quelle perception de racisme.
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