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Son «retour» en question : Quand Navin Ramgoolam soigne son image

30 septembre 2015

Navin Ramgoolam estime que sa sortie à Kewal Nagar était un «game changer».

Apéro time ! Le verre des rouges est-il à moitié vide ou à moitié rempli ? C’est la question à risquer un alcootest positif politique. Surtout depuis que le leader du Parti travailliste (PTr) a offert une nouvelle tournée. Sur tous les fronts cette semaine, Navin Ramgoolam l’était. Et il a fait ce que certains qualifient de come-back politique (mais qui n’en serait pas un, selon ses partenaires) : «Il n’est jamais parti», lance Kalyanee Juggoo. Célébrations pour le 115e anniversaire de la naissance de sir Seewoogasur Ramgoolam (SSR) à Kewal Nagar, point de presse en début de semaine, commémoration pour rendre hommage à Anjalay Coopen, le leader, contesté mais difficilement contestable, du Labour, s’est montré ailleurs qu’aux Casernes centrales, ces derniers jours. En ce moment, il tente, visiblement, de se refaire une image pour instiller un nouveau souffle au sein de ce parti, qui depuis la défaite aux législatives de 2014, a bien du mal à se relever…

 

Déjà sur le terrain, il va à la reconquête de son électorat «perdu» (en Indiana Jones de la politique). Il est question d’une session Facebook pour répondre aux questions des jeunes. Sa présence affichée – et certainement coordonnée par d’autres – sur Internet n’est pas anodine. En ce moment, les cellules communicantes du PTr ont une mission périlleuse : offrir une autre image de Navin Ramgoolam. Difficile challenge que de faire oublier les coffres, les soupçons de corruption et l’idylle peu idyllique avec Nandanee Soornack : «La présence de Veena à Kewal Nagar n’a rien d’anodine. Le but c’est de dissocier le nom de Navin de celui de Nandanee. Et puis, choisir cet événement pour se relancer c’est de la pure communication politique : s’associer à son père et à son aura», confie un die-hard rouge, qui rêve d’un Labour Party «déramgoolamisé». Il n’est pas le seul. D’ailleurs, Shafick Osman, docteur en géopolitique, confiait, il y a quelques mois : «Au-delà de l’homme, du leader, il y a le parti. Si on a compris cela, on a tout compris.»

 

Mais en attendant que l’ancien Premier ministre se retire du leadership du parti, il faut colmater les brèches de ce parti au sparadrap. Pour l’instant, la relève n’est pas à l’ordre – ni au goût – du jour. Arvind Boolell en sait quelque chose. Néanmoins, l’homme était présent à chaque sortie du PTr, ces derniers jours. Il est rentré dans les rangs : «Mais il attend son tour. Un jour viendra, j’en suis sûr. Et je l’espère», confie un ancien du Square Guy Rozemont qui a trouvé son soleil politique au sein de l’alliance gouvernementale. Les fidèles lieutenants de Navin Ramgoolam, eux, ne s’intéressent pas à la succession, disent-ils. Le plus important c’est d’accompagner leur leader dans sa nouvelle entreprise : donner une nouvelle impulsion au PTr.

 

Du coup, ses dernières sorties ont été des succès fulgurants. Kalyanee Jugoo voit la vie en rouge (mais tient à enregistrer l’entretien) : «À Kewal Nagar, il y avait beaucoup de gens. La route était bloquée et les gens étaient remplis d’enthousiasme. Navin Ramgoolam a toujours fait du bon travail pour le pays et pour le parti.» Pour la secrétaire générale du Labour, l’ancien Premier ministre est et restera «un leader charismatique». Les allégations de conflits d’intérêt, l’affaire des coffres ou encore celle de Nandanee Soornack ? Rien de bien grave : «Il n’a pas été jugé par une Cour. Des rumeurs restent des rumeurs !» Ce n’est, néanmoins, pas le sentiment de nombreux Mauriciens. Sur les réseaux sociaux et sur les radios privées, ils se sont exprimés : le retour de Navin Ramgoolam est loin de faire l’unanimité.

 

Rama Valayden, nouveau rouge converti, n’est pas de cet avis. Pour lui, le leader du PTr a choisi le bon moment pour s’exprimer. L’homme de loi dit constater que la population se pose de plus en plus de questions concernant le leadership de l’alliance Lepep. Néanmoins pour l’instant, difficile de savoir si Navin Ramgoolam flirte de nouveau avec la popularité : pas de baromètre du type élection en vue. Au niveau de l’alliance Lepep, on observe de loin ce retour. Sans trop s’inquiéter, précise-t-on. Mais on surveille quand même : «Nous partageons plus ou moins le même électorat. Du coup, ça nous intéresse. Mais ce n’est pas un motif d’inquiétude.  Avec SAJ aux commandes nous n’avons pas besoin de craindre Navin Ramgoolam. D’ailleurs, sa réunion à Kewal Nagar était loin d’être un succès», explique un membre du Mouvement socialiste militant (MSM).

 

Pour un député du Mouvement militant mauricien (MMM), les mauves sont en mode no stress : «Il est fini. Il peut revenir, faire des discours, mais quand les gens pensent aux coffres, à Nandanee, il aura beau se démener, ça ne changera rien.» Tania Diolle, chargée de cours en Political Science à l’université de Maurice, n’est pas si catégorique. Elle confiait, la semaine dernière, concernant Navin Ramgoolam : «Il semble évident pour moi qu’il s’est ressourcé et qu’il est descendu sur terre. Il a l’air moins rancunier et revanchard (…) Il a réussi à réinstaurer son leadership au sein du parti en matant les voix dissidentes au sein de son exécutif. Elles sont toutes toujours là. J’imagine que le soutien inconditionnel de ses troupes lui donne la confiance qu’il faut pour aller à la reconquête de son électorat.»

 

Le «congrès» de Navin Ramgoolam à Kewal Nagar, un «game changer» comme il l’a, lui-même, déclaré en conférence de presse ? Ses fidèles lieutenants, et ceux qui n’ont pas cessé de lui manifester leur soutien, sont bien d’accord ! Est-ce le cas pour la majorité des Mauriciens ? Rien n’est moins sûr. Mais dans quatre ans, tout est envisageable ! En politique, un mandat c’est un peu une éternité… Et le verre à moitié vide peut, très vite, donner l’impression d’être à moitié rempli.

 

Navin Ramgoolam… en quelques mots

 

Une tournée de promotion ! Cette semaine l’a été pour Navin Ramgoolam. Pour résumer cette semaine intense, voici quelques-unes de ses déclarations :

 

A Kewal Nagar, le dimanche 20 septembre :

 

«Jamais je n’aurais cru que neuf mois après les élections, il y aurait autant de monde…» - «Tant que je suis là vous n’avez pas à avoir peur et tant que vous êtes là, je n’ai pas à avoir peur».

 

En conférence de presse, le lundi 21 septembre :

 

«Ce n’est pas moi qui suis important, c’est le parti, son avenir. Je ne suis pas intéressé pour l’heure à devenir Premier ministre» - «Ce rassemblement a dépassé toutes nos attentes. Il y a une soif du PTr. Il est clair que les gens n’ont plus peur malgré les intimidations. Ils n’acceptent pas la politique de vengeance».

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