Son histoire est faite de combat, de résilience, de courage et de détermination. Comme pour de nombreuses personnes, la vie de Nathalie André, une Chagossienne installée en Grande-Bretagne depuis 2011, n’a jamais été un fleuve tranquille. Elle a été faite d’une série de hauts et de bas à travers lesquels elle a toujours su naviguer. À 50 ans, elle vient d’être diplômée en Grande-Bretagne alors qu’elle se bat actuellement contre une leucémie. Une réussite empreinte de fierté et de reconnaissance qui peut définitivement inspirer les autres à ne jamais baisser les bras face aux obstacles de la vie.
Et sur la route de Nathalie André, des épreuves, il y en a eu. Il y a d’abord eu le divorce, puis le départ pour une terre inconnue où elle a dû tout recommencer à zéro et le début d’une nouvelle vie. Lorsqu’elle débarque en Angleterre il y a un peu plus de 13 ans, Nathalie André, maman d’un garçon aujourd’hui âgé de 27 ans, se retrouve livrée à elle-même. Pour gagner sa vie, elle prend de l’emploi comme domestique dans une maison de soins, appelée Care Home. Hardworker dans l’âme, elle ne rechigne pas face au travail. Au contraire, elle s’applique et ses efforts sont reconnus par ses employeurs qui lui offrent un poste de Carer avant de la nommer, quelque temps plus tard, Care Leader.
Après quelques années à gravir les échelons, Nathalie André est nommée Shift Leader, une responsabilité qu’elle prend énormément de plaisir à assumer. «J’étais responsable de pas mal de choses, comme donner les médicaments aux patients, gérer leurs rendez-vous et m’occuper de toute la paperasse. J’ai beaucoup appris.» Après sept ans de bons et loyaux services, la Chagossienne dont la mère est née à Diego Garcia, se retrouve subitement sur le pavé lorsque l’entreprise est contrainte de fermer ses portes. Nathalie André se tourne alors vers le National Health Service, le système de santé publique du Royaume-Uni. Elle y prend de l’emploi en tant que Carer et pour aller plus loin encore, elle se lance dans un cours de Nursing en septembre 2021. Quelques mois plus tard, lorsqu’elle apprend que son frère Hérold, qui vit à Maurice, est gravement malade, elle accuse le coup. Le 8 janvier 2022, lorsque celui-ci pousse son dernier soupir, Nathalie André est bouleversée. «Mo latet ti fatige», se souvient-elle.
Alors qu’elle est en compassionnate leave suivant le décès de son frère, le sort va frapper Nathalie André, qui travaille aujourd’hui comme Registered Nursing Associate, de manière encore cruelle. «Je ne me sentais pas bien, ce qui est normal après avoir perdu une personne aussi proche, mais j’étais tellement pas bien que j’ai décidé d’aller voir le médecin. Je me souviendrai toujours. C’était le 10 janvier.» Après des analyses sanguines, la nouvelle tombe le lendemain, brutalement et sans appel. «Le médecin m’appelle et m’annonce qu’ils ont découvert une leucémie.» Dans la tête de Nathalie André, tout se bouscule et son monde menace de s’effondrer. «Quand vous entendez le mot cancer, vous voyez que la mort devant vous. C’était un choc terrible et j’étais sens dessus dessous. Ma famille passait déjà par un moment difficile et maintenant ça. Malgré tout, je n’ai pas pu garder ça pour moi et le soir même, je leur ai annoncé la nouvelle.»
Combat contre le cancer
Lorsque le médecin lui annonce que ce sera un très long traitement et que tout dépendra de comment son corps réagit à celui-ci, Nathalie André s’arme de courage et de force pour se lancer dans cette nouvelle bataille. Ainsi, le 7 février 2022, elle commence son traitement qui doit durer cinq ans. Elle prend un congé maladie au travail et met ses études en pause, pause qui va durer huit mois. «Le traitement a été bien difficile et douloureux. Au début, le corps a du mal à s’adapter tellement c’est lourd. Mon système immunitaire était tombé au plus bas. Je devais tout arrêter pour me concentrer sur ma santé», confie-t-elle. Cependant, c’était sans compter sur sa détermination et sa rage de vaincre et de vivre. «Je voulais reprendre ma vie là où je l’avais laissée. Après cette longue pause, je me suis donc remise au travail et j’ai repris mes études. J’étais tellement déterminée à finir ce que j’avais commencé que j’ai foncé.» Pour elle, il était hors de question qu’elle rate l’opportunité qui lui avait été offerte. «C’était une chance incroyable car le NHS paye tous les frais de l'université. Ces études m’ont été offertes sur un plateau, je devais juste m’appliquer et réussir. C’était impossible pour moi de dire non.»
Évidemment, conjuguer travail, études et traitement contre une leucémie est loin d’être une mince affaire. Mais, Nathalie André s’accroche, déterminée à aller jusqu’au bout de ce qu’elle a entrepris. «Il y a eu des examens où j’ai échoué et que j’ai dû repasser, mais je ne pouvais pas et ne voulais pas baisser les bras.» Au milieu de son combat pour retrouver la santé et de son désir de compléter malgré tout ses études, celle qui est aujourd’hui grand-mère d’une petite fille de 2 ans, se retrouve face à un autre coup dur. «Mon petit frère Rody est tombé malade et je voulais absolument venir le voir à Maurice. J’ai eu le feu vert de mon médecin qui m’a autorisée à voyager, mais mon frère est décédé avant que je puisse arriver.»
Un autre coup du sort difficile à encaisser pour Nathalie André qui s’accroche malgré tout à sa vie et à ceux qui l’entourent. Elle termine ses études de Nursing, faisant d’elle la première de sa famille à décrocher un diplôme universitaire. «J’ai fini en septembre dernier et ma cérémonie de graduation a eu lieu la semaine dernière. J’étais très émue non seulement parce que j’ai pu le faire en combattant un cancer, mais aussi parce que je suis la première de ma famille à réussir à l’université. C’est un grand moment et je suis très fière, car le chemin jusqu’ici n’a pas été facile» confie-t-elle. En effet, en recevant son diplôme, ce sont les souvenirs qui sont remontés à la surface. Elle s’est revue aller à l’école primaire et ensuite au collège BPS avant de devoir subitement arrêter l’école en Form 4. «En primaire, c’est Olivier Bancoult, qui est devenu mon beau-frère par la suite, qui donnait des leçons gratuitement aux enfants de l’endroit qui avaient des difficultés, mais dont les familles n’avaient pas d’argent pour payer des leçons. Puis, ma maman n’avait pas les moyens de m’envoyer à l’école. J’ai donc dû arrêter pour aller travailler.»
Contente de faire la fierté de sa famille, mais aussi de toute une génération de Chagossiens, Nathalie André est aujourd’hui plus que jamais déterminée à gagner son autre combat, celui qu'elle mène contre son cancer. «Je suis au beau milieu de mon traitement. Il me reste deux ans et demi à tenir. Je prends trois comprimés de chimio par jour et je dois faire des injections tous les cinq jours. Il y a des jours où je me sens vraiment pas bien et je me fatigue vite, mais je m’accroche. Mon motto c’est never too old, never too late. Avec le soutien de ma famille, de mon partenaire Mike et de mon garçon, je trouve la force de me battre et d’aller plus loin encore.» Car oui, Nathalie André est déterminée à poursuivre sa route et à toucher de nouveaux horizons. «Je veux retourner à l’université et poursuivre mes études. J’espère que j’ai pu rendre ma famille fière et que je serai une source de motivation pour les autres.» Ne pas abandonner, croire en ses rêves et tout faire pour les réaliser, c’est la belle leçon de vie de Nathalie André.
Chagos : une communauté divisée et tiraillée
Divide and rule. Cette stratégie, si connue en politique, est-elle en train de se jouer devant les yeux de tous en ce moment ?
Ce qui est sûr, c’est que les images des affrontements survenus le 27 novembre au centre Lisette Talate entre le Groupe Refugiés Chagos et BIOT Citizens, représentants tous deux les Chagossiens, ne font pas honneur à la communauté qui, une fois de plus, semble incapable de tomber d’accord et de parler d’une seule voix.
La question de la souveraineté de l’archipel des Chagos a pris une autre tournure lorsque les deux leaders de ces groupes, soit Misley Mandarin, défenseur du maintien de l’archipel sous souveraineté britannique, et Olivier Bancoult, fervent militant pour que Maurice retrouve la souveraineté sur les Chagos et que les natifs puissent retourner sur leurs terres, se sont accusés mutuellement de trahir la cause chagossienne et de ne pas représenter légitimement la voix de la communauté. Cela avait commencé la veille lorsqu’un groupe de personnes de la communauté avait manifesté devant le haut-commissariat britannique pour exprimer son désaccord avec les discussions en cours et se proclamer «British» puisqu’ils détiennent le passeport. «Nou ena passpor British, nou pou res enn British nou.» En plus de vouloir mettre un terme à ces négociations dans lesquelles ils ne sont pas parties prenantes, ils avancent qu’Olivier Bancoult n’a jamais été désigné comme représentant de leur communauté.
Cette manifestation fait suite à la rencontre entre le Dr Navin Ramgoolam et Jonathan Powell, National Security Adviser du Royaume-Uni, désigné représentant du Premier ministre britannique dans les négociations en cours. Dans la même soirée, alors que Misley Mandarin, qui vit en Angleterre, et Olivier Bancoult participaient à l’émission Info Soirée sur Téléplus, ces derniers se sont lancé le défi de réunir le maximum de sympathisants au centre Lisette Talate afin de démontrer qui a le plus de soutien et est, donc, plus apte à défendre la cause chagossienne.
Ce qui devait donc être une démonstration de force a vite tourné à l’affrontement avec cris et insultes. Après avoir porté plusieurs accusations contre Olivier Bancoult, les sympathisants de BIOT Citizens ont crié leur mépris pour Maurice, pays où ils sont pourtant nés et ont toujours vécu, avant de scander leur appartenance au Royaume-Uni : «Je suis British, pas Mauricien !»
Olivier Bancoult, qui dit avoir la majorité des natifs derrière lui, et ses sympathisants se sont défendus en invitant le reste de la communauté à respecter le vœu des natifs qui, après avoir été déracinés de leur terre, souhaitent la retrouver. Pour lui, le BIOT Citizens est formé des descendants qui ne connaissent pas l’histoire des Chagos. «Comme nous, nous respectons leur choix de rester en Angleterre, eux aussi doivent respecter les natifs qui sont les premiers à avoir souffert dans cette histoire.» Olivier Bancoult a, d’ailleurs, porté plainte contre ceux qui ont porté des accusations contre lui, les invitant ainsi à venir avec des preuves de ce qu’ils avancent.