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Violence chez les jeunes : faut-il blâmer les parents ?

27 juillet 2014

Des bagarres à répétition, des attaques contre des profs, des règlements de comptes au cutter… Les étudiants se sont retrouvés, ces derniers temps, au cœur de nombreux conflits. Comment analysez-vous ces agissements ?

 

Virginie Bissessur-Corsini : Il y a toujours plus ou moins eu de la violence à l’école, mais elle gardait certaines proportions. C’est le mode opératoire qui change. On passe d’une bonne paire de gifles à la sortie des classes à un coup de cutter irréfléchi et lourd de conséquences. Les jeunes s’excitent vite et, sous l’effet du peer pressure et de la colère, ils ont des réactions disproportionnées par rapport à la cause. Ils ne maîtrisent pas leurs frustrations ; ils pensent que l’expression de celles-ci passe forcément par une démonstration de force. 

 

SuttyhudeoTengur : Ce qui arrive actuellement démontre que le ministère de l’Éducation a failli dans sa tâche. Il faudrait que le ministre arrête avec les bla-bla et qu’il vienne de l’avant avec des actions concrètes. La violence dans les écoles primaires et secondaires ne date pas d’hier. Cette violence entre élèves, entre parents et enseignants dans l’enceinte de l’école ou à l’extérieur, est devenue un phénomène courant dans notre société.

 

Qu’est-ce qui peut expliquer ces comportements ?

 

Virginie Bissessur-Corsini : Ils s’expliquent en grande partie par le manque d’espace d’expression pour les jeunes dans la société mauricienne où l’accent est mis sur la réussite académique. Celle-ci éclipse le fait que nos jeunes sont coincés entre l’enfance et l’âge adulte, qu’ils sont mal dans leur corps qui change, etc. On oublie qu’ils ont besoin qu’on les écoute, car ils ont leurs petits soucis de jeunes, qu’on les laisse souffler, qu’on leur permette de se retrouver entre eux dans des activités extrascolaires. Bref, qu’on leur permette de profiter de leur vie de jeunes. 

 

Suttyhudeo Tengur : En septembre 2007, nous avions soumis, suite à une session de réflexion, un mémorandum complet d’une vingtaine de pages, au ministère de l’Education. Dans ce document, nous avions tenu compte de tous les aspects problématiques et des causes menant à la violence. Par exemple, il faut se poser certaines questions. Que se passera-t-il si l’on met 40 élèves dans une classe qui peut en contenir 10 ? Il est aussi bon que les élèves aient un lieu pour se confier  en toute confiance et dire s’ils ont des soucis ou pas. C’est ainsi que des enfants à problèmes pourraient être identifiés. L’absence d’une législation et d’une instance pour la gérer peut aussi expliquer pourquoi il y a ce manque de discipline dans les écoles. 

 

Pour expliquer cette situation, certains blâment les parents alors que d’autres montrent du doigt le système éducatif. Quel est votre avis ?

 

Virginie Bissessur-Corsini : Ils sont tous les deux responsables et, plus largement, la société mauricienne. Les parents se déresponsabilisent en renvoyant la charge sur l’école pensant que celle-ci doit aussi apprendre la politesse et le savoir-vivre, en plus du savoir académique, aux enfants. Or, c’est leur rôle. Éduquer un enfant ne veut pas dire qu’il faut uniquement lui faire plaisir pour qu’il soit épanoui. Cela veut aussi dire qu’il faut imposer des limites et punir quand il le faut. De son côté, l’école et le corps enseignant pêchent par leur manque de proximité avec leurs élèves. Ils ne savent pas ce qui se passe dans la vie de leur établissement, tout simplement parce que la plupart d’entre eux ne s’y intéressent pas. Ce faisant, ils ne peuvent prévenir les conflits et se retrouvent au pied du mur. 

 

Suttyhudeo Tengur : Il ne faut pas tout de suite tirer des conclusions et dire que ce sont les parents qui sont fautifs. Il y a beaucoup de choses qui entrent en jeu avant de porter un tel jugement. Il y a des circonstances, comme la situation familiale, qui peuvent déboucher sur des problèmes de comportements. 

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