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Pliny & Jayraj

Amour, mariage et droits LGBT

4 septembre 2025

«Je n’éprouve pas de colère face aux insultes. Au contraire, j’ai un peu de compassion, car ces personnes sont souvent fragiles dans leur identité et se sentent menacées par deux hommes qui se marient...» Pliny Soocoormanee, qui a choisi de rendre publique l’histoire de son mariage en Angleterre avec l’homme qu’il aime, nous raconte cette étape importante pour son couple...

Ils veulent crier leur amour au monde entier. Car depuis qu’ils se sont unis l’un à l’autre, Pliny Soocoormanee et Jayraj Juggessur ne descendent pas de leur petit nuage de bonheur. Et s’ils sont heureux, c’est parce qu’ils ont pu, disent-ils, donner une nouvelle dimension à leur vie à deux en franchissant cette étape qu’ils jugent normale et symbolique pour toutes les personnes qui s’aiment et qui veulent concrétiser leur relation.

Ils auraient pu s’arrêter là et savourer leur moment de bonheur tranquillement, mais Pliny et Jayraj, tous deux installés en Angleterre et ayant officiellement enregistré leur partenariat civil (Civil Partnership) à Birmingham, au Royaume-Uni, ont tenu à rendre publique leur histoire, comme une célébration de leur amour et une affirmation de visibilité. Mais surtout, disent-ils, pour mettre en lumière ce combat et ce rêve que chérit la communauté LGBTQIA+ à Maurice : pouvoir se marier et jouir des mêmes droits que tous les couples qui veulent avancer dans la même direction et avoir un foyer, Maurice «ne reconnaissant pas les relations entre personnes de même sexe sous quelque forme que ce soit – ni mariages, ni partenariats civils – laissant ainsi les couples sans protection légale, sans droits successoraux et sans reconnaissance en tant que famille dans le droit national».

«Une reconnaissance»

Deux ans après que la Cour suprême de Maurice a annulé l’article 250 du Code pénal, une loi datant de l’époque coloniale et qui criminalisait les relations sexuelles consenties entre personnes de même sexe, ils souhaitent voir les choses évoluer encore dans leur petite île natale, où, soulignent-ils, d’importantes inégalités juridiques subsistent. «Notre partenariat civil est une expression de notre engagement l’un envers l’autre, mais il met aussi en lumière les barrières juridiques auxquelles les couples LGBT+ à l’île Maurice sont encore confrontés. La dépénalisation a été historique. Il est maintenant temps que nos relations soient reconnues», déclare Jayraj Juggessur. Son époux Pliny Soocoormanee, activiste engagé pour la communauté LGBTQIA+ et qui travaille au sein de la Peter Tatchell Foundation, qui milite pour la cause, espère aussi voir les choses évoluer : «La dépénalisation est un progrès bienvenu, mais ce n’est pas l’objectif final. L’égalité devant la loi signifie la reconnaissance de nos relations. Nous ne demandons pas un traitement spécial, simplement les mêmes droits que tout le monde.»

Pour le couple, si l’abrogation de l’article 250 a été un symbole fort de changement, le pays, en tant que démocratie stable dotée d’un solide cadre juridique et d’une société civile active, a le potentiel de devenir un leader en Afrique dans la promotion des droits et de la dignité des personnes LGBT+. Pour Pliny et Jayraj, la reconnaissance juridique des unions entre personnes de même sexe, combinée à des protections robustes contre la discrimination, ferait de l’île Maurice un leader régional et enverrait un message clair : l’égalité ne se résume pas à l’absence de criminalisation, mais à l’inclusion pleine et entière de tous les citoyens dans la loi.

Égalité

Depuis qu’ils ont dévoilé leur histoire, les réactions sont nombreuses, mais le couple ne regrette absolument pas d’avoir pris cette décision. «Je pense que le monde a aujourd’hui besoin de plus d’amour et de paix, pas de haine. Je suis aussi un militant, donc c’était naturel de partager la nouvelle et d’ouvrir une conversation : pourquoi les couples de même sexe n’ont-ils pas le droit de se marier à Maurice ? Cela donne aussi de l’espoir à celles et ceux qui luttent encore avec leur orientation sexuelle, et aux parents qui cherchent à comprendre leurs enfants», nous confie Pliny en revenant sur son histoire d’amour : «J’ai trouvé en Jayraj la personne avec qui je veux partager ma vie. Nous croyons en l’égalité. Tous les couples devraient être traités de la même manière. Notre union est avant tout un acte d’engagement, de respect et de construction commune.»

Bien évidemment, dans les réactions autour de leur histoire, il y a eu des critiques et des commentaires blessants. «Environ deux tiers des réactions étaient positives et encourageantes. Le tiers restant, plus virulent, allait des critiques polies mais franches aux insultes les plus blessantes. Ce qui m’importe, c’est de rappeler que le respect des différences est essentiel. Je n’éprouve pas de colère face aux insultes. Au contraire, j’ai un peu de compassion, car ces personnes sont souvent fragiles dans leur identité et se sentent menacées par deux hommes qui se marient. Avec certaines, je peux dialoguer. Avec d’autres, qui semblent encore vivre à l’époque des hommes des cavernes, c’est plus compliqué… Et comme disait Beaumarchais : “Je me presse de rire de tout, de peur d’être obligé d’en pleurer”», poursuit Pliny.

Il sait, dit-il, que son histoire n’aurait pas connu le même dénouement s’il vivait à Maurice avec Jayraj. «Certains ont cette impression : que nous cherchons à imposer quelque chose. Ce n’est pas le cas ! La vérité, c’est qu’à Maurice, la vie quotidienne aurait été bien plus difficile. Rien que se tenir la main en public reste presque un crime aux yeux de beaucoup. Il faut préciser que les personnes LGBTQIA+ ne demandent pas de droits spéciaux, mais simplement les mêmes droits que les autres. Une union civile reconnue par l’État donnerait aux couples de même sexe les mêmes protections légales : héritage, reconnaissance comme famille et une sécurité juridique. Si Maurice allait dans cette direction, avec en plus des lois solides contre la discrimination, le pays deviendrait un leader régional. Ce serait un message fort.»

«Un grand saut»

Aujourd’hui, Pliny et Jayraj prennent leurs marques dans la nouvelle configuration de couple marié. «Lavi dous (rires). Nous étions déjà ensemble depuis un certain temps, mais le mariage, c’est apprendre à encore mieux se connaître : avec nos petites manies, nos obsessions. Pour mon partenaire, c’est un grand saut : déménager dans un nouveau pays et partager la vie avec quelqu’un qui ne fait pas que militer, mais qui respire l’histoire au quotidien ! D’ailleurs, nous avons choisi une tenue inspirée de l’empereur Justinien de l’Empire romain d’Orient. C’est un vrai bonheur de vivre sous le même toit et de partager notre quotidien», ajoute Pliny, qui peut compter sur le soutien de ses proches et de son entourage : «Nos parents, et nos familles, sont heureux comme n’importe quels parents lors d’une telle occasion. Quand nous avons fait notre coming-out, leur plus grande crainte était que nous finissions seuls. Aujourd’hui, ils sont rassurés et fiers de nous voir épanouis.»

Main dans la main, les nouveaux mariés ont pour objectif de construire leur futur. «Nous voulons simplement être heureux ensemble. C’est important de savoir ce que l’on veut dans la vie, mais aussi de savoir l'apprécier quand on l’a. Sur le plan personnel, Jayraj espère construire une carrière dans l’aviation», précise Pliny avant de partager un message aux Mauriciens : «Je veux dire à celles et ceux qui se sentent incompris, seuls ou perdus que je comprends ce qu’ils traversent. Ce n’est pas toujours facile, mais ça ira mieux. J’ai toujours cru en une chose simple : pour changer le monde, il faut commencer par être gentil avec la personne à côté de soi. C’est une forme de libération. Aujourd’hui, il existe des plateformes comme OutMoris : profitez-en, elles sont là pour vous», conclut Pliny, le tout jeune marié qui milite pour le droit d’aimer pour tous et sans conditions...

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