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30 janvier 2020 15:40
Comment avez-vous découvert cette histoire ?
J’ai dû entendre parler de Niama à travers un article dans une publication spécialisée. Elle m’avait intriguée. Puis, alors que j’étais en résidence à l’université de Harvard en 2018, je suis tombée par hasard sur un témoignage d’un voyageur du XVIIIe siècle qui parlait de Niama. J’ai voulu en savoir plus. En 2019, j’ai vu un appel à projets du Conseil départemental de La Réunion, dans le cadre du 170e anniversaire de l’abolition de l’esclavage à l’île sœur, avec une résidence aux Archives départementales de La Réunion. C’était l’occasion rêvée d’avoir accès à ces archives très riches. Et grâce au personnel de cette institution, j’y ai découvert des trésors. Un matin, ils m’ont remis l’acte original d’affranchissement de Niama ! C’était une émotion extraordinaire de tenir ce document en se disant qu'un jour, en 1755, une femme esclave a tenu ce papier entre ses mains et s’est dit : je suis libre…
Qu’est-ce qui vous a touchée dans cette histoire, au point d’en faire une pièce ?
Niama m’est apparue comme une femme d’une grande force intérieure. Il me semble qu’elle a, au quotidien, mené et fait aboutir des combats essentiels. Elle a 9 ans quand elle est emmenée en esclavage. En 1755, elle deviendra une des toutes premières femmes affranchies à La Réunion, presque un siècle avant l’abolition de l’esclavage. Et elle accompagnera le destin extraordinaire de son fils, Lislet Geoffroy. Je voulais, à travers elle, raconter ce que l’esclavage peut détruire mais aussi ce que les esclaves peuvent construire, envers et contre tout. Et j’insiste sur le mot «esclavée» que j’ai créé pour l’occasion, comme une façon de dire qu’être esclave n’est pas une identité mais un état qui est imposé à certaines personnes. Je voulais aussi mettre en lumière à quel point cette histoire peut être inspirante pour nous aujourd’hui, lorsqu’il s’agit de vouloir aller plus loin quand on est confrontés à des circonstances adverses. J’ai d’ailleurs créé un hashtag : #FaisTaNiama !
Alors pourquoi une pièce et pas un roman ?
Niama fait justement partie d’un roman que je suis en train d’écrire et qui s’appellera Marronnes. Il sera basé sur l’histoire de cinq femmes qui, à leur façon, ont «marronné», c’est-à-dire mené un combat pour la liberté. Cette pièce de théâtre est une étape dans ce processus de création.
Parlez-nous de la mise en place de la pièce…
Je voulais une approche contemporaine de notre histoire. Dans cet esprit, j’ai voulu la collaboration créative d’un certain nombre d’artistes réunionnais et mauriciens. J’ai donc choisi deux comédiens réunionnais : Léone Louis de la Compagnie Baba Sifon, qui a présenté l’an dernier la pièce Kala au Festival d’Avignon, et le talentueux jeune comédien Laurent Atchama. La création vidéo est signée le vidéaste réunionnais Lionel Lauret. Je voulais aussi qu’il y ait une «chanson de Niama». J’ai demandé à Michel Ducasse de m’écrire un texte en trois langues (français, créole réunionnais, créole mauricien) et le compositeur et musicien Daniel Riesser (qui a fait notamment partie de Ziskakan) a composé la musique. Il restait la voix. Un soir, par hasard, en passant devant la télé, j’ai entendu la voix de Virginie Gaspard qui participait à The Voice. Elle m’a saisie au cœur. Je l’ai contactée. Elle a tout de suite accepté. Virginie porte la chanson de Niama avec une sensibilité et une intensité qui me bouleversent à chaque fois que je l’entends.
Un devoir pédagogique et une logique de découverte. Le grand public pourra découvrir la pièce au Caudan Arts Centre les 30 et 31 janvier à 19h30. Mais il y a aura deux matinées pour les écoles à 11 heures, histoire de faire découvrir à un public jeune et ciblé cette histoire d’esclavage et de liberté. Les billets, à Rs 300, sont à retirer sur le site du Caudan Arts Centre (www.caudanartscentre.com).
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