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Budget 2025-2026 : enjeux, espoirs et réalités

21 avril 2025

Les syndicalistes ont fait plusieurs propositions au gouvernement.

En attendant que le gouvernement dévoile son premier Budget, les syndicalistes, qui ont commencé les consultations pré-budgétaires, dévoilent leurs attentes, mais aussi leurs craintes.

Le Mauricien attend une bouffée d’air frais. Ce qu’il veut, c’est ne plus s’empêtrer dans une montagne de dettes pour pouvoir survivre. Il veut pouvoir travailler dans des conditions correctes, toucher un salaire décent à la hauteur de ses efforts et avoir de vraies perspectives d’avenir. Ce qu’il souhaite vraiment, c’est de retrouver son pouvoir d’achat et ne plus être à la merci des prix exorbitants qui l’étouffent un peu plus chaque jour. Ce que le Mauricien attend, c’est un vrai soulagement, un réel changement immédiat et tangible dans son quotidien. Ce qu’il veut, c’est pouvoir respirer à nouveau et que le Budget ait un impact direct sur sa vie de tous les jours. Cependant, l’espoir est-il encore permis ?

En face, le discours laisse peu de place aux espoirs et les citoyens redoutent un nouvel épisode de «ser sintir». Depuis son retour au pouvoir, Navin Ramgoolam et son équipe n’ont cessé de dénoncer l’état désastreux dans lequel ils affirment avoir retrouvé les finances publiques, qu’ils accusent leurs prédécesseurs d’avoir complètement dilapidées. Face à une situation «bien plus pire» que celle qu’ils imaginaient et des dettes colossales laissées par l’ancien régime, leur premier Budget se fera donc dans des conditions difficiles et restreintes. Lors du lancement des consultations pré-budgétaires 2025-2026 au Sir Harilal Vaghjee Hall au début du mois d’avril, le Premier ministre et ministre des Finances a insisté sur le contexte dans lequel se fera cet exercice.

Face à des dettes énormes, un déficit budgétaire insoutenable, des dépenses excessives, il a appelé à la coopération de tous, insistant sur le fait qu’il est important que nous vivions selon nos moyens. C’est ainsi qu’il a fait sourciller plus d’un en annonçant que le modèle économique basé sur les allowances va devoir disparaître pour pouvoir redresser l’économie. Prônant une «rupture avec le passé» et une volonté farouche de «remettre l’économie sur les rails», l’heure est aujourd’hui aux compromis et à la rigueur. Cependant, difficile pour le citoyen mauricien de faire plus avec moins.

Pour Reeaz Chuttoo de la CTSP, qui réclame que le salaire minimum passe à Rs 25 000, le discours entendu ces dernières semaines n’a rien de rassurant. «Honnêtement, ça fait peur. Les déclarations des hommes du gouvernement et le silence indescriptible d’Ashok Subron n’augurent rien de bon. On vient nous dire de serrer la ceinture encore une fois. Kouma dir bizin manz patat ek maniok. Franchement, à la CTSP on ne s’attend pas à ce que les demandes des travailleurs soient entendues.» Selon le syndicaliste, il y a actuellement une campagne pour faire croire au manque de main d’œuvre. «Il y a un hidden agenda. Ils veulent bâtir la compétitivité de notre économie sur l’exploitation des travailleurs étrangers. Aujourd’hui, il y a 45% des femmes qui ne travaillent pas. Nous n’avons rien entendu dessus. Certains politiciens sont comme des oiseaux de mauvais augure et font une campagne politique malpropre où il y a une montée du racisme et de la xénophobie sur toile de fond de communalisme.»

L’arrêt des allocations serait pour lui une erreur capitale car de nombreux Mauriciens comptent dessus pour pouvoir joindre les deux bouts. «Qu’est-ce qu’ils veulent dire quand ils avancent qu’on ne peut pas rouler le pays avec des allocations ? Ils font comme si ces Rs 3 500 que les travailleurs touchent sont une espèce de bribe électoral, que c’est de l’argent inutile. L’allocation pour les enfants pour de nombreuses familles est essentielle car la vie est trop difficile. Le gouvernement a ses priorités, mais il y a une ligne rouge à ne pas franchir.»

Pour Clency Bibi de la General Workers Federation, le chantier est vaste. L’une des priorités, dit-il, devrait cependant être l’urgence électrique. «Nous devons trouver des solutions à court et à long termes pour adresser le problème de l’électricité. Nous avons frôlé le black-out et dans tout succès économique, la production et la fourniture de l’électricité doivent suivre. Nous avons besoin d’une nouvelle politique économique qui aille vers la création d’emplois productifs, qui prône une sécurité énergétique basée sur les énergies renouvelables avec la participation de toutes les parties prenantes, vers une sécurité alimentaire basée sur l’agroécologie avec une réorientation de la Blue Economy qui deviendra une économie bleue durable.»

Ensemble, la National Trade Union Confederation (NTUC) menée par Narendranath Gopee, la Confédération Syndicale de gauche de Clency Bibi et le Joint Negotiating Panel (JNP) de Devanand Ramjuttun ont produit un mémorandum qu’ils ont soumis au gouvernement et dans lequel ils font plusieurs propositions, dont l’introduction d’un Cost of Living Allowance où le salaire de chaque travailleur est automatiquement ajusté selon l’inflation. Ils proposent aussi de remplacer le salaire minimum par l’introduction d’un National Minimum Living Wage basé sur les besoins d’une famille, et non plus sur un salaire médian, comme c’est le cas actuellement. Un autre élément important qui devrait, selon Clency Bibi, figurer dans le prochain Budget du gouvernement est la refonte du système éducatif. «Nous devons revoir le système et proposer plus de formations techniques. Quelle est la politique gouvernementale en ce qu’il s’agit des industries et du développement économique ?»

Pour Radhakrishna Sadien, président de la State and Other Employees Federation, les attentes sont nombreuses dans le secteur public. «Il a un cruel manque de staff à différent niveau dans le secteur public, que ce soit dans la santé, l’éducation, l’agro-industrie, l’audit, l’environnement, mais aussi dans les paraétatiques. Il faut également plus de pompiers et de gardes-chiourme dans les prisons. De plus, il y a un besoin urgent de réajuster les salaires après les distorsions causées par l’augmentation du salaire minimum. Par ailleurs, le rapport du PRB devait être implémenté depuis janvier 2025.» En ce qu’il s’agit de la protection des consommateurs, le syndicaliste est d’avis qu’il est important de mettre sur pied une Profiteerring Court et d’augmenter les amendes pour les commerçants qui abusent et arnaquent les consommateurs. «Je pense aussi qu’il est temps de mettre un Review Tax Bracket pour soulager les salariés de la classe moyenne tout en faisant en sorte que les gros commerces payent plus de taxe.»

La première préoccupation du gouvernement, affirme Suttyhudeo Tengur, président de l’Association pour la Protection des Consommateurs et de l’Environnement (Apec), devra sans aucun doute être le coût de la vie. «Il a promis qu’il viendra avec une somme de Rs 10 milliards pour que les prix des commodités n’augmentent pas, même s’ils ne baisseront pas. Les gens se demandent si le gouvernement tiendra cette promesse. Car avec le statu-quo sur les prix du carburant, il n’y a pas trop d’espoir de la part des consommateurs.» Si abolition des allocations il y a, poursuit-il, le gouvernement devra venir de l’avant avec un autre plan. «L’introduction de la CSG a été une escroquerie envers les travailleurs car ceux qui partent à la retraite ne reçoivent rien de ce qu’ils ont contribué à la CSG. Si le gouvernement décide d’abolir les allocations, il doit absolument relancer le NPF par un autre plan de pension qui bénéficiera à ceux qui partent à la retraite.» Car c’est, affirme Suttyhudeo Tengur, une injustice qui doit prendre fin.

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