Publicité
Par Yvonne Stephen
16 octobre 2025 18:17
Ils peuvent arriver. Il faut s’y préparer. En parler, ce n’est pas grat ledo maler. Le juriste Aurélien Joseph Raoul Oudin, BSc, MBA, LLB, fait le point sur les responsabilités des automobilistes après un accident de la route.
La collision n’est jamais seulement un choc mécanique : c’est un événement juridique. À Maurice, le législateur a façonné un itinéraire clair : constater sans s’emporter, déclarer sans tarder, documenter avec méthode – puis laisser la preuve et le droit trancher. Encore faut-il connaître, avec précision, les règles qui gouvernent l’assurance, la police et les magistratures.
1. Le b.a.-ba procédural immédiatement après l’accident
Le Road Traffic Act encadre strictement la réaction post-accident. Lorsqu’il n’y a pas de blessé, les conducteurs peuvent remplir un Agreed Statement of Facts (ASF) en deux exemplaires et informer leurs assureurs dans un délai de cinq jours. En cas de désaccord, un policier doit intervenir pour dresser le Minor Road Accident Report Form (MRARF). Ce rapport est ensuite transmis aux assureurs dans les 10 jours, lesquels déterminent la responsabilité dans un délai de 21 jours.
2. Délit de fuite : l’ombre qui disqualifie
Quitter les lieux sans s’identifier ni prêter secours expose à des poursuites pénales graves. Le Road Traffic Act impose le devoir d’assistance et de déclaration immédiate à la police. Le bureau Directeur des poursuites publiques (DPP) peut ordonner des poursuites pour infractions routières aggravées, notamment blessures involontaires ou conduite dangereuse. Partir, c’est risquer la prison et la déchéance de couverture d’assurance.
3. Le rôle de la police
La police agit comme enquêteur des faits et gardien de la preuve. Elle dresse le MRARF, interroge les témoins, vérifie les caméras et transmet son rapport aux assureurs sous 10 jours. Ses pouvoirs sont définis par le RTA : ils doivent être exercés avec impartialité et proportionnalité. Toute négligence ou partialité peut être contestée juridiquement.
4. Le DPP et la poursuite judiciaire
Le bureau du DPP exerce son autorité indépendante sur les poursuites pénales. Il évalue les preuves transmises par la police et décide d’engager ou non des poursuites. Dans les cas de délit de fuite, d’homicide involontaire ou d’ivresse au volant, le DPP veille à ce que l’intérêt public et la justice priment sur la pression populaire.
5. Litiges et jurisprudence en matière d’assurance
Lorsque le différend persiste entre assureurs ou conducteurs, l’affaire est renvoyée devant le Motor Vehicle Insurance Arbitration Committee (MVIAC). Ce comité tranche selon le barème de responsabilité. Parmi les décisions marquantes :
Moollan I v Mosaheb & Ors (2023 SCJ 34) : indemnisation record de plus de Rs 200 millions.
Harvey & Anor v Brette & Ors (Privy Council, 2021) : rigueur probatoire et responsabilité délictuelle confirmée.
6. Guide pratique du conducteur prudent
Sécuriser les lieux et porter assistance.
Remplir l’ASF si accord, sinon appeler la police.
Informer l’assureur dans les cinq jours et fournir les documents sous 15 jours.
Conserver toutes les preuves (photos, témoins, certificats médicaux).
Ne jamais quitter les lieux d’un accident : le délit de fuite aggrave toute procédure.
7. Conclusion
Le droit routier mauricien est d’une précision exemplaire. Il récompense la discipline, la bonne foi et le respect des délais. Face au tumulte d’un accident, il faut garder le cap du droit : observer, consigner, déclarer, et laisser la justice faire son œuvre. Le véritable conducteur responsable n’est pas celui qui évite l’accident, mais celui qui sait, après coup, rester dans la loi et dans la raison.
Publicité
Publicité
Publicité