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Des réponses ou encore des silences ?

2 mars 2025

Parlera, parlera toujours pas ? L’arrestation de l’ancien ministre Maneesh Gobin apportera-t-elle enfin des réponses aux questions légitimes du public auxquelles il a toujours refusé de répondre ? Était-il, oui ou non, présent à ce qui est désormais connu comme la stag party, dans un campement de chasse, alors même que son ministère gérait une demande de bail pour cette région ? Si la réponse est non, pourquoi ne s’est-il jamais défendu ? Si la réponse est oui, qu’est-ce qui justifiait sa présence troublante à cette soirée ? Et pourquoi l’ancien Attorney General a-t-il toujours éludé les allégations de pots-de-vin, incluant, semble-t-il, des facilités de paiement ?

Désormais devenu simple citoyen, Gobin a dû faire face à une première interpellation, suivie d’une arrestation, n’étant plus protégé par le large filet d’immunité qu’offrait un système verrouillé par le MSM. C’est cette solide armure qui lui avait permis de conserver son fauteuil ministériel, malgré les lourdes accusations pesant sur lui. Tout était orchestré pour qu’il avance protégé, alors qu’il se trouvait au cœur de graves soupçons. L’ancien ministre se sentait intouchable parce qu’il bénéficiait du soutien indéfectible de nul autre que Jugnauth, qui déclarait alors : «Mwa, mo pa interese kone ki sannla ti kot sa (…) : Mo’nn koz ar li, e a se zour, mo satisfe ki pena okenn alegasion kont li.»

Fort de cet appui, l’ancien ministre adoptait alors une stratégie d’esquive, refusant de répondre aux médias, quand il ne les menaçait pas sur les ondes complaisantes de la MBC, en dénonçant des «spéculations». Si Gobin pouvait se permettre de ne pas répondre aux questions légitimes du public via la presse, il pouvait aussi compter sur l’ex-Speaker Phokeer, qui avait mis en place une tactique visant à l’épargner à l’Assemblée nationale en empêchant l’opposition d’alors de l’interroger sous prétexte de débats sur divers projets de loi. Et lorsqu’enfin Xavier Duval – à l’époque où il était encore crédible, avant son surréaliste revirement politique – eut l’opportunité de l’interroger par le biais d’une PNQ, l’ancien ministre adopta la méthode bien rodée du MSM : brandir le bouclier de l’ICAC pour éviter toute question embarrassante.

La question d’aujourd’hui ? La FCC sera-t-elle plus efficace que cette prétendue commission anti-corruption qui, au fil du temps, n’était devenue qu’une simple voie de garage pour ne pas aller au bout des enquêtes visant les proches du pouvoir ? Est-ce que la FCC aura la capacité de rétablir la confiance du public – qui déjà se montre très critique et déçu car ayant l’impression d’une justice à deux vitesses, avec des personnalités arrêtées puis libérées rapidement à coup de centaines de milliers de roupies – dans les institutions qui avaient perdu de leur indépendance sous le précédent gouvernement ? Si la FCC veut se démarquer, combattre réellement la fraude et la corruption, et envoyer un signal fort, elle a le devoir de montrer sa volonté d’aller au bout des affaires, essentiellement quand d’anciens hauts responsables sont montrés du doigt.

S’il faut se remémorer tous ces épisodes ayant conduit à l’arrestation de l'ex-ministre, c’est parce qu’ils doivent servir de leçons à nos nouveaux élus, en fonction depuis seulement trois mois. Lorsqu’on occupe un poste aussi sérieux qu’Attorney General ou que l’on est élu pour représenter la voix des citoyens, la moindre des exigences est d’être, à l’instar de la femme de César, irréprochable et au-dessus de tout soupçon.

Que les nouveaux ministres de l’Alliance du Changement comprennent qu’ils ont l’obligation de rendre des comptes à chaque fois qu’ils sont sollicités. Le précédent gouvernement ne l’a jamais compris : il pensait que tout lui était permis, qu’un ministre avait tous les droits et qu’il pouvait même quitter une conférence de presse – comme l’avait fait Gobin lorsqu’il avait été interrogé par les médias dans l’affaire Franklin – qu’il avait lui-même convoquée. Le MSM et ses alliés ont payé lourdement leur arrogance en novembre dernier ! Que nos parlementaires en tirent les enseignements et n’oublient jamais qu’ils sont rémunérés des fonds publics ! Que Gobin se souvienne, lui aussi, qu’il a été payé de l’argent des contribuables, qu’il aurait dû être accountable au lieu de garder le mutisme et de continuer à jouer au jeu du parlera, parlera toujours pas !

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