• La jalousie amoureuse : quand ça va trop loin…
  • Disparition du vol Malaysia Airlines MH 370 : c’était il y a 10 ans...
  • 13es Jeux d’Afrique : «Moris casse paquet» avec 25 médailles
  • Laura Mooneesamy : quand Gold Models va d’aventure en aventure
  • Accidents fatals : quatre familles pleurent leurs proches partis trop tôt
  • «Ratsitatann» : un pièce mauricienne/malgache pour «enlever le flou»
  • The Two : explosion de blues créole bientôt
  • Un jeune couple crie à la négligence médicale après le décès de son nourrisson - Kimy et Julien : «Deziem tibaba nou perdi par fot lopital»
  • Maurice vs Tchad : le Club M compte sur le soutien de son public
  • Agression mortelle à Cité Mangalkhan - Læticia Laviolette : «Lion Vibe ti deza menas mo konpanion Damien»

Atelier de formation Joie de Vivre : L’école de la deuxième chance

Francess Townsend et Mirella Boquet mènent cette école d’une main de maître.

Située au cœur du village de Chemin-Grenier, l’Atelier de formation Joie de Vivre accueille une soixantaine d’enfants en échec scolaire. Là-bas, ils apprennent à lire et à écrire mais aussi à cuisiner, jardiner et créer, entre autres.

Il émane d’elles comme une sorte de chaleur. Dans leurs yeux, on peut lire plusieurs émotions : de l’amour, de la dévotion, de la conviction, de la tolérance, de la persévérance. Une fois qu’on passe les portes de l’Atelier de formation Joie de Vivre à Chemin-Grenier, on est comme plongés dans un univers où la patience et la volonté sont synonymes de résilience. Une fois dans l’enceinte de cette école pas comme les autres, on ne peut que tomber sous le charme de cette équipe qui est devenue, au cours de ces dernières années, une famille. Ici, et ce depuis 30 ans, les enfants en échec scolaire ou hors du circuit scolaire de la région du Sud sont accueillis, pris par la main et encadrés au sein d’un système éducatif inclusif.

 

Francess Townsend et Mirella Boquet, les codirectrices de l’établissement, et leur équipe, composée uniquement de la gent féminine, veillent au grain sur la soixantaine d’enfants et de jeunes qui fréquentent les lieux. Sous la véranda, autour des grandes tables qui sont placées à l’abri du soleil, ils sont séparés en petits groupes. Face à eux, une éducatrice prend le temps de leur expliquer un exercice de mathématiques ou de leur faire la lecture. Certains, lorsqu’ils en ont besoin, se retrouvent en face à face avec une encadrante qui les aide à travailler et avancer à leur rythme. Dans la cuisine, Solange, qui part bientôt à la retraite à 72 ans, prépare chaque jour le petit déjeuner et le déjeuner, qui sont servis quotidiennement aux enfants.

 

Récemment, c’est ensemble que les bénéficiaires et les «dames de la maison», comme on les appelle, ont eu la joie de marquer une étape importante de l’histoire de l’Atelier de formation Joie de Vivre. Celui-ci a célébré sa 30e année d’existence, un moment charnière pour l’école dont la raison d’être est de permettre aux jeunes en échec scolaire d’apprendre à lire et à écrire. Et il faut dire que les encadrantes de l’établissement se sont totalement investies de cette mission. «Nous faisons partie du réseau ANFEN, ce qui fait que nous proposons un système éducatif adapté à travers une pédagogie non-formelle. Chaque enfant a son propre rythme et nous nous y adaptons. Souvent, il nous faut recommencer à la base car, même après le primaire, ils arrivent parfois sans savoir tenir un crayon», souligne Francess Townsend.

 

Si certains parcours sont plus ardus que d’autres, l’atelier a aussi connu de belles réussites. Plusieurs élèves ont pu, grâce à l’encadrement de l’école, rejoindre le mainstream et réussir à leurs examens du School Certificate ou du Higher School Certificate. Mais ce développement ne se trouve pas uniquement dans les livres, poursuit Mirella Boquet. Ici, on mise aussi beaucoup sur les activités qui favorisent le développement de l’enfant. Parmi, on compte la musique, l’artisanat, la pâtisserie, le sport, le jardinage. «Nous avons un jardin où nous plantons des légumes bio grâce à un partenariat avec Le vélo vert. D’ailleurs, récemment, nos élèves ont fait une visite à la ferme, histoire de se plonger dans cet univers. C’était une vraie mise en situation. Certains sont vraiment doués pour ça et ils y trouveront peut-être la possibilité d’une carrière.»

 

Former les adultes de demain

 

L’idée, ajoute Francess Townsend, est de favoriser leur autonomie au maximum. «En leur donnant des formations techniques, ce sont autant de possibilités d’emploi. Notre objectif ultime est de faire d’eux des adultes autonomes et indépendants. Nous avons pour cela plusieurs types de formation. Par exemple, nous leur apprenons aussi à aller à la banque et à prendre le bus pour qu’ils puissent se débrouiller seuls.»

 

Pour Mirella Boquet, la mission de l’Atelier de formation Joie de Vivre dépasse le cadre de l’enseignement. Ici, on n’apprend pas uniquement à lire et à écrire mais on forme surtout des adultes de demain. «Notre but est de leur permettre de se développer et de s’épanouir pour que, demain, ils puissent se sentir bien dans leur peau et devenir des parents responsables. C’est très important.» D’ailleurs, l’école a été fondée sur plusieurs valeurs – l’accueil, la tolérance, le partage, le soutien, l’épanouissement – qui sont encore aujourd’hui au cœur de leur cheminement.

 

Jocelyne Sungaren, Manuela Philippe et Alexandra Lamoureux font partie des éducatrices du centre. Malgré les défis à relever, c’est avec beaucoup de joie qu’elles mènent à bien leur mission. Manuela Philippe est la maman d’Emmanuel, 15 ans, un des bénéficiaires de l’Atelier de formation Joie de Vivre. Son fils, raconte-t-elle, a longtemps eu des difficultés à l’école, ce qui impactait grandement sur sa vie. «Il passait son temps à dormir en classe. Il était renfermé sur lui-même et ne s’ouvrait pas au monde qui l’entourait. Il a suivi plusieurs thérapies et à l’hôpital, on m’a dit de le placer dans une école spécialisée. Sauf que mon fils n’était pas handicapé. Quand il a commencé à fréquenter Joie de Vivre, le changement a tout de suite opéré. Aujourd’hui, c’est un ado épanoui, qui s’intéresse à la lecture et qui a confiance en lui.»

 

Si au fil des années, elles ont vu défiler devant leurs yeux des dizaines d’enfants à qui elles ont accordé du temps, de l’amour et de la confiance, Mirella, Francess et les autres en ressortent tout aussi grandies de cette aventure. «C’est un engagement cher à notre cœur. On apprend beaucoup d’eux de par leur vécu. Avant d’arriver ici, j’ai souvent pensé que j’avais acquis une certaine maturité dans la vie mais je me suis rendu compte que c’est ici que je l’ai acquise», confie Francess Townsend.

 

Mirella Boquet, elle ne peut pas contenir sa fierté devant la réussite de «ses» enfants. «Aujourd’hui, quand je croise ces pères et mères de famille qui travaillent, qui sont responsables et qui me disent que c’est grâce à nous qu’ils en sont là, je ne peux pas m’empêcher d’être émue.» Leur réussite, c’est leur plus belle récompense.

 


 

30 ans d’un bel engagement

 

Leur histoire a commencé en 1989. À l’époque, sœur Maria Louisa Guiterez, une Espagnole, débarque en mission à Maurice et s’installe à la Congrégation franciscaine missionnaire de Marie à Chemin-Grenier. Très vite, elle se rend compte que, dans les rues, traînent de nombreux enfants qui ne se rendent pas à l’école. Elle commence alors à prendre quelques enfants au couvent et à leur donner des cours sous un arbre. Mirella Boquet n’est alors qu’une jeune fille qui vient de terminer l’école. «J’utilisais souvent leur bibliothèque et un jour, sœur Maria m’a approchée en me demandant si je ne voulais pas venir l’aider comme elle avait des difficultés à comprendre le créole. J’y allais tous les jours pour apprendre aux enfants à lire et à écrire. Les gens d’ici appelaient ça lekol maser.»

 

La nouvelle de cette école menée par une sœur se répand dans le village et les régions avoisinantes, et très vite, le nombre d’élèves ne cesse d’augmenter. Dix ans plus tard, à la fin de sa mission, sœur Maria repart en Espagne, laissant à Mirella le soin de poursuivre leur mission. «J’ai ensuite fait la rencontre de Bernard d’Argent qui était en vacances à Maurice. Il est venu à l’école et il est tombé sous le charme. Il a pris la décision de tout quitter pour venir nous aider. On a trouvé un nom et l’école a été officiellement créée.» Lorsqu’ils se rendent compte que de nombreux enfants viennent à l’école sans avoir mangé, ils prennent la décision de leur offrir un petit déjeuner et un déjeuner. «Nous avons de la chance de pouvoir compter sur plusieurs sponsors qui, aujourd’hui encore, nous suivent et nous soutiennent.»

 

En 2009, ils trouvent un terrain à bail et y construisent l’école qui accueille désormais une soixantaine d’étudiants. Aujourd’hui, ils nourrissent plusieurs projets pour l’Atelier de formation Joie de Vivre dont celui d’agrandir et d’améliorer les infrastructures pour accueillir encore plus de bénéficiaires.