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Être mère en prison : Le courage d’éduquer et d’aimer malgré tout

16 février 2015

Durant leur pause, Antonella François et Anièce Marthe s’accordent un petit moment de tendresse avec leurs petits bouts de chou dans le petit jardin d’enfant de Kids R Kids.

Mardi 10 février à la prison centrale de Beau-Bassin. Quelques prisonniers vêtus de leurs habits orange tondent le gazon. À quelques mètres de là, un officier en uniforme les observe attentivement, alors que nous attendons l’arrivée d’un véhicule, chargé de nous conduire auprès des mères qui élèvent leurs enfants en milieu carcéral. En route, nous croisons encore des hommes en uniformes, certains montant la garde, d’autres qui vaquent à leurs occupations. Impossible d’imaginer qu’en ces lieux, des enfants en bas âge, voire des bébés, sont choyés, éduqués et aimés. Mirella Latchman, Assistant Surintendant à la prison de Beau-Bassin et responsable de la réhabilitation, nous confie qu’actuellement, six détenues vivent avec leurs enfants.

 

Pour ce faire, un local a été spécialement aménagé à l’arrière du bloc principal réservé aux femmes et baptisé la Mother & Child Unit. «Cet espace a été spécialement conçu pour que les mamans puissent s’occuper de leurs bébés dans de bonnes conditions. Il était essentiel qu’on ait cet espace, ce, dans l’intérêt de l’enfant et de la mère afin qu’ils tissent des liens affectifs solides dans un environnement sain», explique Mirella Latchman. Ainsi, chaque maman a sa chambre à coucher, alors que les affaires de son bébé, comme les couches et le lait, sont fournies par la prison. Il en est de même pour les soins médicaux. «Il y a un médecin sur place tous les jours. Et le soir, si quelqu’un est malade, un médecin est appelé à son chevet», souligne l’Assistant Surintendant de la prison.

 

La Mother & Child Unit. C’est ici qu’Antonella François, une Mauricienne de 30 ans, Anièce Marthe, une Malgache de 30 ans également, et quatre autres mères vivent en compagnie de leurs enfants respectifs. Antonella, qui terminera sa peine d’emprisonnement en juin, est maman d’un petit garçon de sept mois. Le fils d’Anièce est, lui, âgé de 2 ans. Sourire aux lèvres et tenant son bout de chou dans les bras, Antonella est heureuse, bien qu’elle ait été condamnée à la prison. Car pour elle, le plus important, c’est d’être avec son enfant. Elle est avant tout une mère à part entière, qui aime son bébé de tout cœur, comme n’importe quelle maman. «Mon enfant me donne du courage chaque jour. C’est lui qui m’aide à traverser cette épreuve. C’est mon petit rayon de soleil. J’ai vécu mes dernières semaines de maternité à la prison. Puis, on m’a emmenée à l’hôpital pour le mettre au monde. Entre-temps, j’avais retrouvé la liberté. Mais lorsque mon bébé a eu trois mois, j’ai été condamné dans une autre affaire et c’est pour cela que je me suis retrouvée avec mon enfant en prison», raconte Antonella qui n’a pourtant pas honte de sa situation de mère en prison.

 

Soutien des officiers de la prison

 

«Au départ, je me disais que cet environnement n’était pas fait pour mon enfant, que je n’allais pas pouvoir prendre soin de lui comme à la maison. Mais je me suis trompée. J’ai ma chambre, mon enfant a son berceau. J’ai des biberons et un thermos pour mon bébé. Je peux me réveiller à n’importe quel moment la nuit pour préparer son biberon, car chaque maman a aussi une bouilloire à sa disposition», raconte Antonella en serrant son fils fort contre elle. Ce n’est pas tout. La tendresse et les attentions dont les officiers de la prison font preuve vis-à-vis de ces petits aident aussi leurs mères à tenir bon.

 

Ce n’est pas Anièce Marthe qui dira le contraire. Si elle n’est pas encore fixée sur la durée de son emprisonnement, la jeune femme, incarcérée depuis environ deux ans, peut compter sur le soutien des officiers de la prison qu’elle considère comme sa famille. «Je suis malgache. Donc, mes parents sont dans mon pays natal. Je suis seule ici avec mon bébé. Mais les employés de la prison m’apportent beaucoup sur le plan affectif. Et mon bébé aussi, évidemment», dit-elle, les larmes aux yeux. «D’ailleurs, deux gardes-chiourme ont accepté d’être le parrain et la marraine de mon enfant lors de son baptême qui s’était déroulé à la prison. Malheureusement, la marraine est décédée.» Elle poursuit son récit rempli de moments de joie, malgré l’incarcération : «Pour Noël, nous avons fait la fête ensemble. Chaque enfant a eu des jouets. C’était formidable. C’est cette chaleur humaine qui m’aide à tenir. On nous montre qu’il n’y a pas de différence entre nous et les autres, et que nous sommes avant tout des êtres humains. Il y a aussi le soutien des autres mères. On s’épaule mutuellement et on se partage nos petites astuces pour pallier les petits maux de bébé», soutient la Malgache qui peine à contenir ses émotions.

 

Mais qui dit prison, dit aussi travaux. Et lorsque les mères doivent accomplir leurs tâches quotidiennes, les bébés, eux, sont entre de très bonnes mains à la crèche de la prison, baptisée Kids R Kids, où la gestion et la prise en charge des enfants sont assurées par la Fondation pour l’Enfance de Terre de Paix. Actuellement, la petite école accueille une quinzaine d’enfants. «Il y a les six enfants des détenues, ainsi que des enfants venant de milieux défavorisés de la région que nous avons accueillis et ceux des employés de la prison également. C’est ce mélange qui nous a amenés à baptiser l’école du nom de Kids R Kids. Pour dire que chaque enfant a les mêmes droits, qu’ils sont tous égaux, que leurs parents soient des condamnés ou des officiers de la prison», affirme Mirella Latchman, très fière de la mise en oeuvre de ce projet devenu réalité en mai 2012.

 

Toutefois, si les mamans sont comblées d’avoir leurs enfants à leurs côtés, il existe aussi une douloureuse réalité. La séparation. Car à l’âge de 5 ans, les enfants sont confiés à un proche parent de la maman en attendant la libération de celle-ci. C’est une situation à laquelle une des détenues de la prison se prépare actuellement, même si c’est très dur. «Elle est démoralisée et ne s’est pas rendue à une formation destinée aux mamans aujourd’hui. C’est une étape difficile», nous confiait Mirella Latchman lors de notre visite.

 

Être mère en prison, c’est une aventure faite de larmes et de sourires, de passion et de patience, de courage et de peur. Mais surtout d’amour.

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