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2 septembre 2025 09:40
Quand tout semblait perdu, Kevin Munisami et Jollina Marlah ont trouvé une seconde chance grâce à l’École Culinaire Aline Leal d’ANFEN. Leur parcours, marqué par les difficultés scolaires et les doutes, est aujourd’hui symbole de résilience, de persévérance et de réussite pour tous les jeunes en quête de leur voie.
Lorsque la vie semble être une impasse, quand on ne sait plus où aller ni quoi espérer, quand on n’a plus foi en rien et que tout ce qu’on voudrait, c’est baisser les bras, il reste pourtant une force silencieuse en nous. Celle qui, même au cœur du désespoir, nous rappelle que se relever est encore possible. Trouver le courage et faire preuve de résilience pour avancer, même d’un pas fragile, mais avancer quand même. Cette belle leçon de courage, ce sont Kevin Munisami et Jollina Marlah, tous deux âgés de 20 ans, qui nous la donnent. À travers leur parcours, qui n’a pas débuté sous les meilleurs auspices, ils nous démontrent que la résilience et la persévérance peuvent briser les barrières et nous porter vers de nouveaux horizons.
Sur leur chemin, ils ont croisé la route d’ANFEN, une fédération qui œuvre pour la réinsertion sociale et éducative des jeunes ayant été exclus ou ayant décroché du système scolaire traditionnel, et cela a tout changé. À travers les 21 centres de formation qu’elle possède dans l’île, ANFEN propose une éducation adaptée aux besoins de ces adolescents vulnérables afin de leur offrir une seconde chance. Parmi eux, l’École Culinaire Aline Leal (ECAL), créée par ANFEN, offre un tremplin aux jeunes en difficulté scolaire à travers un cursus de Food Production (NC3). Grâce à l’apprentissage de la cuisine, les jeunes développent des compétences techniques, bénéficient d’un accompagnement psychosocial et se préparent à l’emploi. Au-delà du métier, l’ECAL inculque des valeurs de respect, de persévérance, de solidarité et de confiance en soi, aidant les jeunes à se reconstruire et à envisager un avenir plus radieux. En deux ans, 16 élèves ont été formés et certifiés : neuf en 2024 et sept en 2025, avec un taux de réussite de 100 %. Parmi eux, Kevin Munisami, aujourd’hui employé au Beachcomber Paradis, et Jollina Marlah, distinguée dans la dernière promotion, sont l’exemple vivant de la réussite de ce projet.
Pour Jollina Marlah, habitante de Bonne-Mère, les études académiques n’ont pas toujours été une partie de plaisir. «J’ai fait deux fois la Form 5 et les deux fois, ça ne s’est pas très bien passé. À ma deuxième tentative, j’ai décroché uniquement deux unités. Je ne savais pas quoi faire avec ça. Je me posais des questions sur mon avenir.» Issue d’un milieu modeste, avec un père maçon, une mère femme au foyer et deux sœurs, Jollina a grandi dans un environnement où les moyens étaient limités, mais où la solidarité familiale ne manquait pas. Malgré les échecs et le découragement, elle savait qu’il lui fallait trouver une voie.
Lorsqu'il y a deux ans, sa tante lui parle d’un cours de pâtisserie dispensé à Port-Louis, la jeune femme n’est pas très emballée, mais se décide néanmoins à tenter sa chance. «À la base, je voulais devenir enseignante ou policière, mais j’étais consciente que mes résultats ne le permettaient pas. Alors, je me suis dit : "pourquoi ne pas essayer la pâtisserie comme me l’a conseillé ma tante ?"», confie-t-elle.
Comme Jollina et beaucoup d’autres jeunes, Kevin Munisami, originaire de Bambous, avait des difficultés académiques dans l’éducation dite mainstream. L’éducation traditionnelle, dit-il, n’était pas faite pour lui. Il a d’abord découvert ANFEN à travers l’École familiale de l’Ouest. «Comme son nom l’indique, c’était vraiment une école qui opérait comme une famille, chose que je n’avais jamais ressentie pendant toute ma scolarité dans l’école formelle, où ceux qui sont bons restent devant et ceux qui ne le sont pas vont derrière sans que le professeur ne s’occupe d’eux. On vous met de côté et on vous fait sentir que vous êtes vraiment différent, alors que vous avez juste besoin d’un peu plus d’attention et de soutien que les autres. C’était totalement le contraire à ANFEN, où ce sont ceux qui ont des difficultés qui sont pris en charge. Personne ne vous abandonne, ne vous délaisse. L’enseignant vous accorde une attention spéciale et personne n’a honte parce qu’on est tous dans le même bateau», confie le jeune homme.
C’est cet accompagnement, poursuit Kevin, qui lui a redonné confiance et l’envie d’apprendre.* «J’ai appris à ne pas me décourager. Ils nous ont montré notre vrai potentiel. Ça peut ne pas être l’éducation formelle, mais il y a beaucoup d’autres métiers que nous pouvons faire. L’école ANFEN nous aide à découvrir notre talent.»* Ainsi, lorsqu’il a découvert plus tard l’École Culinaire Aline Leal (ECAL), un projet conçu par ANFEN pour rendre employables les jeunes en difficulté scolaire, Kevin a tout de suite été intéressé.
«Pour moi, ANFEN a été une chance. Je viens d’un milieu où la drogue est chose courante et en plus, je n’étais pas très doué à l’école. J’ai eu la chance d’avoir des parents qui ont toujours été là pour moi et qui m’ont montré le bon chemin. Après beaucoup de difficultés à l’école, je suis resté un an à la maison. Je ne voulais plus y aller, ni voir mes camarades. Mais un jour, un ami de mon frère m’a parlé d’ANFEN et pour moi ça a été un nouveau départ.»
À la découverte de ce nouvel univers, Jollina et Kevin se sont d’abord sentis perdus et intimidés. Tout leur paraissait étranger, mais petit à petit, ils ont appris à s’y faire, à trouver leur place, à relever les défis un à un. Ce nouvel environnement leur a offert non seulement des compétences pratiques, mais aussi une confiance en eux qu’ils croyaient avoir perdue. «Pour moi, la première année a été difficile car tout était nouveau. Comme je n’avais jamais pensé à faire de la cuisine, je ne m’y étais jamais vraiment intéressée avant. Il a fallu apprendre, m’adapter. Il y a beaucoup de techniques et de méthodes à acquérir. Il faut de la rapidité et de la rigueur. Il faut de la volonté et du courage pour ne pas baisser les bras et persévérer. Au fil des mois, j’ai appris à apprécier ce métier que je trouve aujourd’hui passionnant. Il faut de l’amour pour faire un tel métier et je sens que j’ai trouvé ma voie», confie Jollina.
Ne jamais abandonner
Aujourd’hui, leur persévérance les a conduits à l’excellence car Jollina et Kevin font désormais partie des jeunes distingués de leur promotion à l’ECAL, preuve que la volonté et le travail peuvent transformer les obstacles en réussite. «Recevoir une distinction est pour moi une belle réussite. Il y a derrière beaucoup de travail et d’efforts, mais je suis fière de moi. Ce cours m’a tellement aidée. On a souvent tendance à croire que lorsqu’une porte se ferme devant nous, c’est la fin, mais non. Une autre s’ouvrira et vous finirez par trouver votre voie. Tout ce qu’il faut, c’est de la patience, du travail et de la persévérance.»
Pour Kevin, c’est une belle revanche sur ses années d’école. «Je suis tellement content. Il y a derrière cette distinction beaucoup de travail, d’accompagnement et de sacrifices parce que c’est un milieu difficile. C’est un travail où il y a de la pression et il faut se donner à 100 %, mais mes amis et moi ne nous sommes jamais découragés. Je suis très fier de nous. Je pensais que je n’allais jamais faire la fierté de mes parents, je me posais beaucoup de questions sur mon avenir, en me demandant si j’allais pouvoir avoir un métier et devenir quelqu’un d’indépendant. Je suis fier d’avoir pu prouver que c’est possible.»
Après avoir débuté comme Assistant Cook au Beachcomber Paradis, où il a fait ses preuves à force de travail et de persévérance, Kevin Munisami est récemment passé Cook. Aujourd’hui, son prochain objectif est de devenir demi-chef de partie d’ici la fin de l’année. «À terme, je voudrais un jour être chef exécutif dans un hôtel. Cela va prendre beaucoup de temps et demander énormément de travail, mais je suis prêt à tout donner pour réussir.»
Aux jeunes qui, comme eux, cherchent à se reconstruire et à tracer leur chemin, Jollina et Kevin adressent un message d’espoir et d’encouragement. «Les gens disent toujours que si on ne va pas à l’école, on ne réussira pas, mais ne pas réussir à l’école n’est pas une fatalité. Il y a plusieurs autres chemins. Ne dites pas non lorsqu’on vous propose quelque chose. Allez voir, essayez, tout comme moi je l’ai fait. C’est peut-être là que se trouve votre destinée et votre bonheur», lance la jeune femme. Pour Kevin, croire en soi est primordial. «Ne vous découragez pas, n’abandonnez pas, entourez-vous des bonnes personnes et travaillez dur. Un jour, vous y arriverez. Ne laissez personne dire le contraire.»
Un beau message d’espoir qui rappelle que chaque difficulté peut devenir une opportunité et que la persévérance est la clé pour transformer ses rêves en réalité.
Stephanie Ha Yeung, Manager d’ANFEN : «La formation va bien au-delà de l’apprentissage technique»
À l’École Culinaire Aline Leal (ECAL), la formation ne se limite pas à la cuisine. Grâce à une pédagogie inclusive et un accompagnement psychosocial, ANFEN aide les jeunes en difficulté scolaire à retrouver confiance en eux, développer des compétences professionnelles et envisager un avenir prometteur. Stephanie Ha Yeung, la Manager, nous en parle.
Pourquoi avoir choisi la cuisine comme vecteur principal pour l’employabilité ?
La cuisine est un domaine accessible à tous : chacun a déjà une expérience de la cuisine à la maison, ce qui permet aux jeunes de se sentir rapidement impliqués et valorisés. Elle est également porteuse de valeurs essentielles pour nous telles que la rigueur, la discipline, le travail d’équipe et la créativité – des qualités transférables dans de nombreux métiers, ce qui en fait, à notre sens, un excellent point d’entrée vers le monde employable.
Comment se déroulent les cours et quelle est la durée moyenne de la formation ?
La formation NC3 en Food Production s’étale sur 2 ans et 3 mois. Les jeunes suivent des cours à l’École Culinaire Aline Leal (ECAL) à Port-Louis tous les jours, alternant théorie et pratique, et effectuent deux stages par an dans des hôtels ou restaurants, afin de consolider leurs compétences professionnelles et s’immerger dans le milieu de travail. En parallèle, ils bénéficient d’un renforcement académique (français, mathématiques, anglais principalement l’oral), d’activités sportives, ainsi que d’un travail sur les valeurs humaines et l’employabilité. Cet équilibre favorise leur développement global, tant sur le plan professionnel que personnel.
Les élèves sont également placés en situation réelle de production culinaire et de service en restaurant, ce qui leur permet de développer à la fois la maîtrise technique, la gestion de la pression et le sens du client – des expériences formatrices qui complètent leur apprentissage.Comment la formation à l’ECAL contribue-t-elle à la reconstruction personnelle des jeunes ?
La formation va bien au-delà de l’apprentissage technique. Elle agit comme un véritable levier de transformation personnelle : les jeunes gagnent en assurance à travers la pratique culinaire, découvrent leurs capacités et reprennent confiance en leur avenir. Cette évolution est soutenue par un accompagnement psychosocial constant et une pédagogie inclusive, adaptée à leurs difficultés et à leurs besoins.
Les jeunes diplômés continuent-ils de recevoir un accompagnement après leur certification ?
Oui, ECAL ne s’arrête pas au diplôme. Les jeunes bénéficient d’un accompagnement à l’insertion professionnelle : aide à la rédaction de CV, préparation aux entretiens, mise en relation avec des employeurs et suivi dans leurs premières expériences professionnelles. Nous travaillons également à renforcer le suivi psychosocial post-formation et prévoyons d’organiser des Alumni Days, où les diplômés reviennent à l’école pour partager leur expérience et guider les nouveaux élèves en cuisinant ensemble – une forme de sensibilisation par les pairs qui crée une communauté solidaire et inspirante.
Quels changements observez-vous dans la confiance en soi et la motivation des jeunes au fil de la formation ?
On constate une évolution remarquable. Au fil des mois, les jeunes développent leur confiance en soi, renforcent leur motivation et acquièrent des compétences professionnelles solides. Ils intègrent également des valeurs de persévérance, de discipline et d'esprit d’équipe, qui les aident à mieux se projeter dans la vie active et à envisager leur avenir avec optimisme.
Quels sont les projets futurs pour l’ECAL ?
Nous réfléchissons à l’éventualité de lancer, à terme, une formation NC3 en Pâtisserie, afin de diversifier les débouchés professionnels et d’élargir les choix de carrière pour nos jeunes. Par ailleurs, ANFEN souhaite soutenir les autres écoles du réseau pour développer des initiatives similaires et ainsi amplifier l’impact de la formation technique et vocationnelle auprès des adolescents en rupture scolaire.
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