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La dyslexie : un défi méconnu qui mérite notre attention

10 janvier 2025

Le Dr. Sobun est la première Mauricienne à détenir un doctorat clinique en audiologie.

La dyslexie est un trouble d’apprentissage encore trop souvent méconnu ou mal compris. Pourtant, elle affecte des millions de personnes à travers le monde, touchant leur capacité à lire, à écrire et parfois à s’exprimer. Bien plus qu’une simple difficulté à décoder les mots, la dyslexie peut impacter la vie scolaire, professionnelle et personnelle de ceux qui en sont atteints. Pour mieux comprendre ce phénomène complexe, nous avons fait appel à l’expertise de Dr. P. Sobun, orthophoniste et audiologiste.

Pour bien comprendre ce phénomène, il est essentiel de définir ce qu’est réellement la dyslexie. «Il s’agit d’un trouble de l’apprentissage basé sur le langage, souvent classé comme un handicap lié à la lecture. Ce trouble perturbe la manière dont le cerveau traite le langage écrit, entraînant des difficultés pour lire, écrire et parfois même pour épeler», explique le Dr. P. Sobun, possédant son doctorat auprès du Long Island Doctor of Audiology Consortium.

De plus, la dyslexie implique des problèmes dans l’identification des sons de la parole et dans leur association aux lettres et aux mots, une capacité connue sous le nom de «décodage». Elle fait partie d’un groupe plus large appelé «troubles spécifiques de l’apprentissage», qui comprend également la dysgraphie (difficulté à écrire) et la dyscalculie (difficulté en mathématiques). Ces troubles résultent souvent de différences individuelles dans les zones du cerveau impliquées dans le traitement du langage.

«Il est important de souligner que la dyslexie n’est aucunement liée à une intelligence réduite, ni à des problèmes d’audition ou de vision», souligne Dr. Sobun. Elle résulte de particularités neurologiques qui nécessitent des approches pédagogiques spécifiques. Avec une prise en charge adaptée, la plupart des enfants dyslexiques peuvent réussir à l’école. Cela inclut généralement un tutorat spécialisé ou des programmes éducatifs ciblés, souvent en collaboration avec un ergothérapeute et un orthophoniste.

Un soutien émotionnel, assuré par un psychologue pour enfants ou un conseiller, est tout aussi important pour aider l’enfant à développer confiance et estime de soi. «Il est également frappant de constater que la dyslexie pourrait concerner jusqu’à 20 % de la population mondiale. Bien qu’il n’existe pas de remède à ce trouble, une évaluation et une intervention précoces peuvent faire toute la différence, permettant à l’enfant de s’épanouir pleinement et de réussir dans sa vie scolaire et personnelle», ajoute-t-elle.

Toutefois, bien que la dyslexie soit attribuée à des différences au niveau du cerveau, il n’existe ni analyses de sang ni examens de laboratoire permettant de la détecter. À la place, une évaluation minutieuse et des tests des signes courants permettent d’identifier une personne ayant ce problème de lecture. «Les tests pour détecter la dyslexie doivent inclure, le décodage, les compétences en langage oral, la fluence en lecture et compréhension écrite, l’orthographe, le vocabulaire et la reconnaissance des mots», explique l’orthophoniste.

Rester vigilant

Il existe deux types de dyslexie : acquise et développementale ainsi que cinq sous-catégories. «La dyslexie phonologique concerne des difficultés à associer sons et symboles, empêchant le déchiffrage des mots. La dyslexie de dénomination rapide affecte la vitesse de nommer lettres, chiffres et couleurs, ralentissant le traitement. La dyslexie à double déficit, la forme la plus sévère, combine troubles de la vitesse de dénomination et identification des sons. La dyslexie de surface empêche la reconnaissance visuelle des mots familiers, rendant leur mémorisation complexe. Enfin, la dyslexie visuelle impacte le traitement visuel, compliquant l’apprentissage des lettres et de l’orthographe», explique l’orthophoniste Dr. P. Sobun.

Les premiers signes de la dyslexie apparaissent entre 1 et 2 ans, lorsque les enfants commencent à produire des sons. Les enfants qui ne disent pas leurs premiers mots avant 15 mois ou leurs premières phrases avant 2 ans courent un risque plus élevé de développer une dyslexie. Cependant, tous les enfants présentant un retard de langage ne développent pas de dyslexie, et toutes les personnes dyslexiques n’ont pas eu de retard de langage dans l’enfance. Un retard de langage constitue simplement un signal pour les parents d’être attentifs au développement linguistique.

Il est important de savoir détecter les signes pour agir tôt. Dr. P. Sobun conseille de rester vigilant face aux signes précurseurs de la dyslexie, notamment chez les enfants issus de familles ayant des antécédents de difficultés en lecture. Ces enfants présentent un risque accru et doivent faire l’objet d’une attention particulière dès le plus jeune âge. Certains signaux peuvent apparaître avant même que l’enfant ne commence l’apprentissage formel de la lecture par exemple, difficultés à apprendre et à mémoriser les noms des lettres de l’alphabet ou même incapacité à reconnaître les lettres de leur propre prénom.

De plus, lorsque les enfants entrent en maternelle ou en cours préparatoire, les signes deviennent plus évidents. Par exemple, difficultés à comprendre que les mots peuvent être décomposés en sons distincts voire le refus d’aller à l’école ou plainte concernant la difficulté de la lecture. En général, c’est l’enseignant qui remarque les premiers signes et symptômes. La gravité varie, mais la condition devient souvent évidente lorsque l’enfant commence à apprendre à lire.

Selon l’éclairage du Dr. Sobun, les signes de dyslexie peuvent se manifester dès la petite enfance avec un retard dans l’acquisition du langage, un apprentissage lent de nouveaux mots, des difficultés à former correctement les mots, notamment en inversant les sons ou en confondant des mots similaires, des problèmes à mémoriser ou nommer lettres, chiffres et couleurs, une difficulté à apprendre des comptines ou à jouer à des jeux de rimes. A l’âge scolaire, ils incluent une lecture en dessous du niveau attendu, des difficultés de compréhension orale, des problèmes pour trouver les mots justes, mémoriser des séquences, différencier lettres et mots, épeler ou lire rapidement; chez les adolescents et adultes, ils persistent avec des problèmes similaires, notamment une lecture laborieuse, des fautes d’orthographe fréquentes, des difficultés à prononcer ou résumer, et un apprentissage difficile des langues étrangères.

Néanmoins, la dyslexie ne se limite pas à la lecture ou aux performances scolaires, elle peut causer des problèmes importants. Les enfants dyslexiques peuvent avoir des difficultés d’apprentissage car la lecture est essentielle dans toutes les matières, les laissant en retard par rapport à leurs pairs. Ils peuvent également souffrir de problèmes sociaux, comme une faible estime de soi, des troubles du comportement, de l’anxiété, ou un retrait social. À l’âge adulte, l’incapacité à lire et comprendre peut limiter leur potentiel, entraînant des conséquences éducatives, sociales et économiques négatives. De plus, le trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH), souvent associé à la dyslexie, complique encore leur traitement.

Pour soutenir un enfant dyslexique, la chose la plus importante que vous puissiez faire est de passer du temps à lire à haute voix avec votre enfant. «Ce moment passé ensemble peut les aider dans le développement de leurs compétences en lecture. Il est également important de se rappeler que la dyslexie n’est pas quelque chose que votre enfant peut contrôler. Soyez patient et soutenant», explique Dr. Sobun. L’encouragement et le soutien que vous apportez peuvent être un réel tremplin pour votre enfant dans la gestion de sa dyslexie. Cela peut aussi l’aider à se sentir moins anxieux ou craintif par rapport aux activités liées à la lecture. Vous pouvez également être un défenseur pour votre enfant. Vous et l’école de votre enfant pouvez élaborer un Plan d’Éducation Individualisé (PEI).  

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