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7 juin 2025 19:10
Un samedi placé sous le signe de la fierté… avec les couleurs de l’arc-en-ciel à perte de vue. Une ambiance festive animait, ce samedi 7 juin, le paysage de Rose-Hill. La communauté LGBTQIA+ – les jeunes, les plus âgés et les alliés – s’était réunis pour vivre ensemble la Pride March 2025.
Avec les pancartes affichant des messages revendicatifs et d’amour, et en musique, ceux qui s’étaient rassemblés, dont certains en famille – comme Kate Vythilingum accompagnée de sa maman Florence, de son neveu Jakel et de sa nièce Jade –, voient cette marche des fiertés comme un acte d’amour et de soutien.
Le rendez-vous, cette année, avait une saveur spéciale, car le Collectif Arc-en-ciel (CAEC), qui milite pour les droits de la communauté, fête ses 20 ans d’existence. Et pour l’occasion, ce parcours, riche en émotions au fil des années, a été célébré dans la joie et la bonne humeur. C’est donc sous le thème #prideforall #20yearsoflove et sous les couleurs du drapeau arc-en-ciel que le collectif avait donné rendez-vous aux Mauriciens «pour célébrer la diversité, l’inclusion et l’égalité», dans un élan festif et militant.
Plusieurs activités ont rythmé cette journée : performances artistiques, stands de sensibilisation, d’éducation et de soutien, tous rassemblés dans un village associatif avec des jeux, des ateliers, des ventes de produits et des services. «Pride March est une marche de visibilité, de solidarité et d’espoir. Marcher pour l’égalité, c’est marcher pour toutes et tous», souligne le CAEC en parlant de ce rendez-vous coloré et rempli d’amour qui a animé la ville de Rose-Hill. Retour sur un samedi sous le signe de la fierté…
Moi, alliée de la communauté LGBTQIA+…
Alliée un jour, alliée pour toujours… Depuis la création du Collectif Arc-en-Ciel, certains visages et certaines voix n’ont pas hésité à se joindre à la cause. Parmi eux, Marie-Michèle Etienne, affectueusement surnommée «Mamie», qui est la marraine de l’organisme qui milite pour les droits des personnes de la communauté LGBTQIA+. Pour elle, cet engagement était une évidence. «C’est un combat qui a commencé pour moi, peut-être au micro, et qui a continué sur le terrain. L’amour est pour tous. Pas seulement pour une catégorie. Il y a celles et ceux qui n’ont pas la liberté de s’aimer. Le combat du droit d’aimer s’inscrit donc au même titre que tous les combats que je mène pour le respect des droits humains, contre la discrimination et la stigmatisation. Quand, à sa création, le Collectif Arc-en-Ciel vient me voir pour me demander d’être leur marraine, j’ai accepté tout de suite, même si, à ce moment-là, j’avais décidé de changer un peu de cap. On venait chercher une motherly figure. Je suis très honorée d’être un des porte-drapeaux de ce collectif et de la lutte en général contre la discrimination liée à l’orientation sexuelle pour la communauté LGBT à Maurice», confie Mamie Michèle en parlant de son rôle d’alliée et de son amour indéfectible pour le collectif qui fête cette année ses 20 ans d’existence.
Marie-Noëlle Elissac-Foy fait aussi partie des alliés qui ont cheminé avec l’association ces dernières années. «C’est une fierté pour moi de soutenir cette communauté qui porte en elle de profondes valeurs humaines. Celles du respect, de la tolérance, de la bienveillance et du courage. Cette communauté nous enseigne des leçons précieuses. Dans un monde où l’intolérance trouve trop souvent sa voix, la communauté LGBTQIA+ nous montre la voie de l’acceptation authentique. Chaque parcours nous rappelle que la différence n’est pas une menace, mais une richesse», nous confie Marie-Noëlle, qui se souvient surtout d’un des moments clés de ces derniers 20 ans : le challenge constitutionnel de la Section 250. «Nous avons énormément à apprendre de cette capacité à embrasser l’autre dans sa singularité, à célébrer ce qui nous distingue plutôt que de le craindre. Je garde précieusement le souvenir des heures passées aux côtés de Ryan Ah Seek et du CAEC à la Cour suprême pour le challenge constitutionnel de la Section 250. Ces moments ont marqué ma conscience citoyenne et professionnelle. Ils m’ont rappelé que derrière une bataille juridique se cachent des rêves d’égalité et de dignité. Mon engagement auprès de cette communauté découle d’une conviction profonde : il m’est impossible de concevoir qu’on puisse haïr ou rejeter quelqu’un pour la seule raison de sa manière d’aimer. Cette réalité me dépasse», conclut-elle avec conviction.
Dimitry Ah-Yu, président du Collectif Arc-en-ciel : «Maurice peut devenir un vrai pays Arc-en-Ciel…»
Comment définiriez-vous ces 20 dernières années qui ont rythmé la vie du Collectif Arc-en-ciel ?
Les 20 dernières années ont été bien plus qu’un simple parcours pour le Collectif Arc-en-Ciel (CAEC). Elles ont marqué un éveil, une prise de parole et une prise de conscience de l’existence de la communauté LGBT mauricienne. Ce que nous avons accompli ensemble est immense, certes, mais ce qui reste à accomplir l’est encore davantage ; un défi de taille, mais indispensable. Quand le CAEC est né en 2005, j’avais 17 ans. À l’époque, le mot «LGBT» était encore chuchoté, moqué, rejeté. Pour des personnes comme moi, il n’y avait ni espace, ni voix. Nous étions invisibles. Réduits au silence. Victimes de moqueries, de discriminations, et parfois de violences – dont j’ai été témoin à de nombreuses reprises à travers mon engagement au sein du CAEC. Les premières campagnes du collectif ont brisé ce silence : elles ont donné un visage, une voix, une humanité à celles et ceux qu’on refusait de voir.
Parlez-nous du chemin parcouru par le collectif…
Le CAEC a commencé par créer une visibilité positive à travers les médias, et en lançant la Pride, qui est aujourd’hui le plus grand événement LGBTQIA+ de l’île. C’était une manière forte de dire : «Nous sommes là, nous existons, et nous avons les mêmes droits que tout le monde.» Je me souviens encore des premières soirées organisées par le CAEC. Des espaces de liberté et de joie, où, pour la première fois, nous pouvions simplement être nous-mêmes, sans peur d’être jugés. Mais le CAEC n’a pas mené qu’un combat culturel. Il a aussi été un acteur de changement législatif. Grâce à des années de plaidoyer, les droits des personnes LGBTQ+ ont commencé à être entendus, puis intégrés dans des lois clés, comme l’Equal Opportunities Act et le Workers’ Rights Act. Et en 2023, le collectif a remporté l’une de ses plus grandes victoires, quand la Cour suprême de Maurice a déclaré l’article 250 du Code pénal – qui criminalisait les relations homosexuelles entre hommes – anticonstitutionnel.Une avancée historique, menée par le CAEC et portée par Ryan Ah Seek. Une libération, à la fois symbolique et juridique, que je n’aurais jamais pu imaginer possible à 17 ans… au fond de mon placard. Nous avions réussi à faire bouger les choses. Mais le combat n’est pas fini.
C’est-à-dire ?
Reconnaître un droit ne suffit pas. Il faut que ce droit soit vécu, appliqué, respecté au quotidien. Il faut que chacun puisse vivre sans peur, aimer librement, travailler sans discrimination, être soi-même sans jugement. Après 20 ans d’engagement, une chose est claire pour moi : l’enjeu dépasse les seuls droits LGBTQ+. Il s’agit de droits humains. Et il est temps que Maurice regarde cette réalité en face. Les droits LGBTQ+ ne sont ni un luxe, ni un sujet secondaire que nos parlementaires peuvent se permettre d’oublier. Je le redis : Maurice excelle à signer des conventions internationales sur les droits humains. Mais signer ne suffit pas. Une signature ne vaut rien si elle reste dans un tiroir. Signer, c’est s’engager. Et s’engager, c’est agir. Je le répète : le gouvernement mauricien a ratifié les conventions des Nations Unies sur les droits humains, y compris celles qui protègent la liberté d’orientation sexuelle et d’identité de genre. La Constitution elle-même garantit ces droits. Alors pourquoi ne sont-ils pas pleinement appliqués dans nos lois, dans nos politiques publiques, dans notre quotidien ? Pourquoi ce décalage entre ce que nous promettons au monde et ce que nous offrons à notre propre peuple ? Maurice a les moyens de faire mieux. Elle peut devenir un exemple de société inclusive, respectueuse de toutes et tous. Un vrai pays Arc-en-Ciel, comme nous aimons le dire.
Que souhaitez-vous à l’organisme ?
Je souhaite au Collectif Arc-en-Ciel de continuer à grandir, à s’affirmer, et à travailler main dans la main avec nos institutions pour faire avancer concrètement les droits. Pour informer, sensibiliser, former. Les défis sont grands, oui, mais jamais insurmontables. Je souhaite aussi que le collectif puisse développer encore plus de projets pour la communauté : sur la santé, l’accès à l’emploi, le soutien juridique, l’éducation dans les écoles. Et mon rêve – celui que je partage avec mes prédécesseurs et tant d’autres au CAEC – c’est qu’un jour, notre travail ne soit plus une lutte, mais juste une présence nécessaire dans une société qui respecte toutes ses diversités et qui aura enfin compris que les droits LGBTQ+ sont des droits humains.
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