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Bérenger menace de partir, Ramgoolam joue la prudence

L’Alliance du Changement en pleine tempête

15 novembre 2025

La coalition gouvernementale traverse sa crise la plus grave depuis sa formation. Paul Bérenger annonce vouloir quitter le gouvernement, tandis que Navin Ramgoolam temporise, hésitant entre conciliation et fermeté.

Siklonn klas 5. Bourrasques, rafales et tempêtes électriques. L’Alliance du Changement vacille. Tiendra-t-elle encore debout ou s’effondrera-t-elle comme une case en tôle sous l’assaut de vents violents ? Des questions qui ne devraient pas avoir de réponse avant la réunion spéciale du comité central du MMM qui aura lieu le lundi 17 novembre à 17 heures, comme annoncé par Paul Bérenger, ce samedi : «Je ne démissionnerai pas d’ici lundi. Mais les choses vont dans cette direction.» Sauf si Navin Ramgoolam décide de trancher et de laisser les vents s’engouffrer dans la structure un peu branlante.

Ce week-end était censé constituer une ultime tentative de barricader et de rafistoler l’habitation jusqu’au prochain vent violent. Le leader du MMM l’avait d'ailleurs annoncé ce samedi : une réunion avec le Premier ministre était bien possible. Elle a finalement eu lieu dans la soirée de ce samedi 15 novembre et a duré 45 minutes. Par la suite, Paul Bérenger a déclaré sur la MBC que «politikman li pa sanz nanie, sete enn renion ant ami, nou pas nou dimans, lindi nou gete». Il a précisé : «Li difisil pou mo sanz mo desizion, lindi nou ena renion, MMM va deside ki pou fer.»

Navin Ramgoolam semble lui aussi continuer d'avancer avec prudence. Tiraillé entre l’appel de certains travaillistes de maintenir l’harmonie et le souhait d’autres de se libérer d’une couleur qui se mélange mal au rouge : «Si le MMM s’en va, il y aura plus de postes à pourvoir à ses fidèles et la possibilité de mener la barque, seul. Mais lui qui avait promis stabilité, réforme et changement sait que c’est un mauvais signal qu’il envoie si l’alliance rompt. Les deux choix ont des conséquences. Il devra choisir celles qu’il accepte de gérer», explique un ancien Rouge.

Avant l’alerte cyclonique, le temps était à l’accalmie de façade (voir hors-texte). Et tous les regards étaient braqués sur le Conseil des ministres du vendredi 14 novembre. Une réunion censée colmater les brèches. Malgré l’assurance affichée de Rajesh Bhagwan à la sortie de cet exercice hebdomadaire, un nuage sombre et chargé de pluie s’est amoncelé sur les relations gouvernementales. La réforme électorale et constitutionnelle a, bien, été évoquée au Conseil, comme le souhaitait Paul Bérenger. Mais son absence du communiqué final aurait «bien amerde» le DPM. Un nouvel orage. Et pour couronner le tout : le renouvellement du contrat du commissaire de police Rampersad Sooroojebally. Une décision du Prime Minister’s Office que Bérenger n’arriverait pas à digérer pas.

Qui reste ? Qui part ?

Désormais, le prochain rendez-vous crucial : le Comité central de demain. Il en va de l’avenir de la coalition. Mais aussi de celui du parti du cœur. Il se pourrait que certains députés mauves envisagent de rester dans la majorité même en cas de départ de leur leader. Et que ce dernier remette en jeu son leadership (encore une fois).

Une telle situation pourrait entraîner des divisions internes au sein d’un MMM déjà fragilisé. Des noms circulent déjà sur les réseaux sociaux et dans les koz-koze. Qui restera ? Qui partira ? Les principaux concernés ont choisi la voie du silence. C’est le mot d’ordre : pas de communication avant lundi. «Un mot déplacé, une réflexion mal inspirée peut faire tout capoter», confie un membre du MMM.

Il est d’avis que les élus Mauves ont toujours l’espoir de voir se maintenir l’Alliance du Changement, avec Paul Bérenger à bord. Et qu’ils sont nombreux, les membres du Labour Party qui le souhaitent également. Mais pour combien de temps et dans quelle ambiance ? «Les tensions couvent. La question n’est pas de savoir si l’alliance va tenir, c’est quand elle va exploser. À l’époque, c’est l’opposition qui mettait les bâtons dans les roues du MSM, il y avait une fébrilité perpétuelle. Aujourd’hui, le PTr et le MMM n’ont besoin de personne pour créer la même chose. Zot fer tou zot em !», avance un ancien die-hard Mauve qui aurait souhaité que le 11 novembre 2025 soit entouré de festivités et de sérénité.

Pour les Mauricien.nes, ce premier anniversaire du 60-0 ressemble davantage à un siklonn klas 5 politique qu’à une célébration.

Entre deux bourrasques

Dans l’œil d’un cyclone. L’atmosphère était suspendue, le silence à la fois inquiétant et apaisant. Après les orages des semaines précédentes, la sérénité affichée au sein de l’Alliance du Changement n’avait pas duré : elle n’était qu’une illusion. Pourtant, à l’Assemblée nationale, le mardi 11 novembre, Navin Ramgoolam et Paul Bérenger affichaient un front uni et chaleureux. Et la veille, au Bureau politique du MMM, Rajesh Bhagwan affirmait que «personne au sein du MMM ne souhaitait une quelconque cassure».

Sur les ondes d’une radio privée, Farhad Aumeer parlait de «désaccords de couple», mais pas de divorce. En ce 11 novembre – anniversaire de la prise de pouvoir de l’Alliance du Changement –, les interventions médiatiques des partenaires se multipliaient pour évoquer bilan, réussite et esprit d’équipe. Pourtant, les membres du MMM étaient restés peu visibles (mais pas totalement absents) lors des activités communes, notamment la commémoration de l’Armistice ou encore l’anniversaire du roi Charles III organisé par le haut-commissaire britannique.

Un membre du MMM minimisait alors ces absences : «Il ne faut pas sur-analyser. Le MMM fait partie de l’Alliance et ne s’en ira pas cette année.» Cette précision avait son importance : «Paul Bérenger nous a écoutés. Mais nous l’avons entendu aussi. Nous comprenons son point de vue. Il a compris notre appel à la patience. Après, on verra.» Au parti du cœur, on n’ose plus les prises de position tranchées. Les épisodes on-off de la campagne de 2014 restent une leçon gravée : «Paul Bérenger est notre leader. C’était à lui de communiquer sur des décisions, s’il devait y en avoir.»

Du côté travailliste, la prudence dominait. Un membre du Labour Party estimait : «Avec ses exigences, Paul Bérenger a semé la discorde et l’incertitude juste avant la date symbolique du 11 novembre. Nous avions promis la stabilité. On peut lui pardonner sa réactivité et son impulsivité. Une fois, deux fois. Mais pas plus.» Selon cet interlocuteur, Navin Ramgoolam savait se montrer patient, mais pas conciliant :«Il fera ce qu’il estime juste. S’il peut accommoder les attentes de Paul Bérenger, il le fera.» Mais le leader du MMM ne l’avait visiblement pas compris. Et la stratégie de l’ultimatum a, depuis, montré ses limites ; cinglantes et sans appel.

Ça souffle !

Les remous et dissensions entre Navin Ramgoolam et Paul Bérenger ont mis l’Alliance du Changement sur des sables mouvants. Si les Nouveaux Démocrates font peu entendre leur voix et leur vision, Rezistans ek Alternativ n’entend pas jouer cette partition de figuration. Le parti a demandé une rencontre entre les partis qui forment le gouvernement, histoire de faire le point, histoire de parler des projets annoncés. Une demande que certains qualifient de présomptueuse dans les coulisses du pouvoir mainstream.

Néanmoins, les événements de ces dernières semaines ont donné des ailes à Ashok Subron. «Il a joué aux pompiers quand le feu a pris», confie un activiste proche du gouvernement.

Navin Ramgoolam : «Li pou trist si sa arive»

Il était très attendu en ce samedi 15 novembre. On parle ici du Premier ministre Navin Ramgoolam, qui était à l’inauguration du Sports Complex de Triolet. Il a fait une courte déclaration après son discours (où il a évoqué sa détermination à combattre la drogue, former des jeunes plus disciplinés et combattre le diabète et les maladies cardiaques) à propos de toute l’affaire autour de la démission de Paul Bérenger. Il a alors confirmé qu'ils allaient se rencontrer ce samedi soir et a déclaré, concernant un éventuel départ de Bérenger, que «li pou trist si sa arive». Par contre, au milieu de toutes ces tensions politiques, plusieurs membres du MMM étaient présents aux côtés de Navin Ramgoolam lors de l’inauguration de Triolet, et ne sont pas passés inaperçus : le ministre des Sports Deven Nagalingum, la ministre junior aux Sports Karen Foo Kune, et le ministre junior aux Collectivités locales Fawzi Allymun.

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