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Des manifestations et des émeutes font plus de 70 morts

Le Népal : entre spiritualité, mal-être et révolution

20 septembre 2025

Le pays a connu sa plus grave crise meurtrière depuis l’abolition de la monarchie en 2008.

Les manifestations au Népal sont parvenues à renverser le gouvernement népalais, au prix de 72 morts et de près de 200 blessés. Un gouvernement intérimaire dirigera le pays jusqu’aux législatives anticipées de mars 2026, alors que la jeunesse, qui a mis à terre un régime corrompu et népotiste, s’attend à des jours meilleurs...

C’est un pays plein de contrastes. Situé dans l’Himalaya, le Népal est bordé de montagnes majestueuses et de vallées verdoyantes. Là-bas, la vie est normalement rythmée par les traditions et la spiritualité, avec des festivals colorés et des cérémonies religieuses. L’environnement y est riche et diversifié, avec des forêts luxuriantes, des espèces animales uniques et des sites emblématiques comme le Mont Everest et la vallée de Katmandou.

Mais voilà, ces derniers temps, des tensions sont venues perturber la vie dans le pays, qui s’est retrouvé plongé dans une crise sans précédent, déclenchée par des manifestations massives contre la corruption et le népotisme des élites politiques, qui ont débouché sur des émeutes meurtrières. Ces troubles, les plus meurtriers dans le pays depuis l’abolition de la monarchie en 2008, ont commencé le 4 septembre, quand le ministère népalais de la Communication et des Technologies de l’information a annoncé le blocage de 26 plateformes, notamment les réseaux sociaux Facebook, X ou encore YouTube.

Quelques jours avant que tout explose, des jeunes Népalais avaient créé sur Instagram une page «Gen Z» – en référence aux personnes nées entre la fin des années 1990 et le début des années 2010 – pour appeler à manifester contre la corruption de leurs dirigeants le 8 septembre. Le luxe étalé et exposé sur les réseaux sociaux par les enfants des élites (les Nepo Kids) avait nourri la frustration de ces jeunes. Or, avant la date de mobilisation, le gouvernement a choisi de bloquer ces plateformes qui servaient de moyen de communication aux jeunes Népalais, suscitant une explosion de colère.

Une révolte qui s'est vivement exprimée lors de la manifestation du 8 septembre, donnant plus que jamais l'occasion aux Népalais d'exprimer leur grief par rapport à la situation dans le pays. Quand la police a ouvert le feu sur la foule, le Népal a sombré dans le chaos. Les symboles du pouvoir, dont le Parlement, ont été incendiés, détruits et pillés. Revenu au pouvoir en 2024, le Premier ministre communiste KP Sharma Oli a dû démissionner. Au total, 72 personnes ont été tuées, d’après le dernier bilan officiel publié le mercredi 17 septembre, et près de 200 blessés – qui ne regrettent pas leur engagement dans le mouvement contestataire – ont été enregistrés. Les conséquences des émeutes sont considérables. De nombreux bâtiments, représentant l’élite, tels que l’hôtel Hilton, ont aussi été ravagés, et les images de la situation dans le pays ont vite fait le tour du monde.

Aujourd’hui, les jeunes redoutent le retour au pouvoir des vieux dirigeants qu’ils ont chassés. Partout autour d’eux, des rappels des jours houleux qui ont secoué le pays. Dans la capitale, à Katmandou, une odeur de brûlé monte vite aux narines. Des carcasses de véhicules carbonisés jonchent les trottoirs, et les rues d’habitude congestionnées par la circulation sont désertes, alors que les commerces et autres bureaux sont fermés. La forte présence militaire dans les rues traduit l’ampleur du conflit qui a bouleversé le pays. Alors que le Parlement népalais, avec ses façades noircies et son intérieur devenu un tas de cendres et de verre cassé, est le témoignage indéniable du renversement du pouvoir en place. À travers les émeutes, les manifestants ont voulu dénoncer une forme de censure, mais ils ont également crié leur dépit face à la corruption et les inégalités sociales qui sévissent dans le pays.

Si l’armée a, depuis, repris le contrôle de la capitale, soumise à un strict couvre-feu, des décisions ont également vite été prises pour calmer et rassurer la population. L’ancienne cheffe de la Cour suprême, Sushila Karki, 73 ans, a été nommée après un vote organisé sur Discord – une plateforme qui est souvent utilisée par les joueurs, les développeurs de jeux, les créateurs de contenu et les communautés en ligne pour discuter, collaborer et partager des informations –, faisant d’elle la première femme ayant pris les rênes du pays.

«La victoire de la rue»

C'est le vendredi 12 septembre qu'elle a pris la tête d’un gouvernement provisoire, en attendant des élections prévues pour le 5 mars. Les nouvelles autorités provisoires ont décrété, le mercredi 17 septembre, une journée de deuil «en hommage à ceux qui ont perdu la vie pendant les manifestations». La crise n’est pas pour autant chose du passé. Plus de 20 % des jeunes Népalais de 15 à 24 ans sont au chômage, selon les estimations de la Banque mondiale, et les autorités ont promis de se pencher sur ce problème. Et l'ONG Transparency International classe le Népal 107e (sur 180) dans son classement mondial des pays les plus touchés par la corruption. La victoire de la rue a toutefois un coût élevé. Ainsi, selon le Katmandu Post, les pertes financières pourraient se chiffrer à 3 000 milliards de roupies népalaises (18 milliards d’euros), soit près de la moitié du PIB du pays. À Maurice comme ailleurs, la situation au Népal interpelle. Paul Bérenger, vice-Premier ministre de Maurice, a commenté ce qui est arrivé dans ce pays, lors d'une conférence de presse. «J’ai suivi de près la situation au Népal, surtout sa politique. Je suis d’ailleurs étonné parce que le Népal était une functionning parliamentary democracy. Peut-être samem ki finn fer so maler.»

Yosh, une Mauricienne qui était en pèlerinage dans le pays au moment des émeutes et qui a vécu le couvre-feu instauré après les incidents, revient sur cette impressionnante expérience. «C’est triste ce qui est arrivé. En tant que Mauriciens venant d’une île où règne la paix, nous ne sommes pas habitués à vivre ce genre d’incidents violents. C’était triste de voir l’hôtel Hilton en proie aux flammes, entre autres infrastructures touchées par les émeutes. C’est choquant de voir ce genre de conflit. Pour notre sécurité, il nous fallait rester à l’intérieur», nous confie notre compatriote qui s’est donc retrouvée au coeur de cette triste actualité. «On a compris que les gens, les jeunes, ont voulu faire montre de leur désaccord par rapport à ce qui s’était passé concernant les réseaux sociaux, puis la situation s’est dégradée et beaucoup de voix se sont élevées contre la corruption qui sévit dans le pays. Les jeunes voulaient au départ une manifestation pacifique, puis ça s’est dégradé. Il y avait beaucoup de ressentiment négatif envers le gouvernement par rapport à la situation dans le pays. Les manifestants ont exprimé un ras-le-bol sur une situation qui perdure. Il m’avait semblé que c’était une frustration que les citoyens cultivaient depuis un certain temps...»

Pour elle, les événements de ces derniers temps viennent entacher l’aura spirituelle qui entoure le pays. «C’est un pays qui est culturellement très riche, surtout concernant tout ce qui touche à l’histoire de l’hindouisme. On y trouve beaucoup de temples et là-bas, c’est très mystique et très naturel. C’est un pays à visiter, certes, sans les actes de violence qui ont secoué le pays ces derniers temps», conclut Yosh, qui n’est pas près d’oublier une telle expérience et qui suivra de près l’évolution de l’actualité dans ce pays où elle était il y a encore quelques jours...

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