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3 novembre 2025 12:27
Pendant plusieurs jours, elle a affiché une petite mine, était peu bavarde, mais a toujours assuré ses parents que «tou korek». C’est sur la pointe des pieds qu’elle a fini par quitter ce monde le samedi 25 octobre, soit le jour de l’anniversaire de sa mère, en se donnant la mort par pendaison. Agée de 17 ans, Khushi Baotoo, plus connue sous le nom d’Hansini, n’aurait pas supporté que des photos intimes d’elle soient publiées sur Telegram. Soupçonnant son ex petit-ami, ses parents, affligés, réclament justice. Ils se confient…
Le 19 octobre, elle célébrait son 17e anniversaire ; un événement que les parents de Khushi Baotoo, plus connue sous le nom d’Hansini, ou Sini pour les intimes, n’auraient raté pour rien au monde. Bien qu’en période de jeûne, Poonam et Sanjay l’ont emmené déjeuner et offert un cateau vert qu’elle a baptisé Bingo, conscients de son amour pour les bêtes. Leur petite princesse était aux anges, se remémorent-ils ; si heureuse de profiter de ce moment en famille, loin du stress lié à ses examens de la School Certificate (SC) – sa seule préoccupation durant cette période. Le couple n’avait qu’un seul enfant, et à leurs yeux, c’était plus que suffisant puisque la jeune femme était dotée de toutes les qualités dont puisse rêver un parent. «Elle était douce, amicale, joviale, débrouillarde. Elle était très intelligente et voulait être avocate. Elle avait le cœur sur la main, faisait du social et respectait ses ainés. Elle répondait toujours présent lorsqu’elle devait s’occuper de sa grand-mère. Dan landrwa, tou dimounn ti konn li, ti kontan li», relatent-ils fièrement. Le samedi 25 octobre, Hansini s’est éclipsée comme elle avait vécu, discrètement. Quelques minutes après avoir souhaité un bon anniversaire à sa mère, lui promettant qu’elles se retrouveraient un peu plus tard pour déjeuner, elle a mis fin à ses jours par pendaison.
Les jours précédant cette tragédie, Hansini n’aurait laissé transparaitre aucun signe de détresse à ses parents, si ce n’est que «so figir ti inpe ramasse, ti vinn tipti». A chaque fois que ses parents la questionnaient, elle répondait simplement que «tou korek», les laissant supposer que ses examens la stressaient. Cette peine intérieure qui la rongeait, elle s’efforçait de le masquer derrière son sourire, ne souhaitant pas préoccuper davantage ses proches. D’autant qu’il y a quelques mois, elle leur avait déjà fait une peur bleue après une première tentative de suicide. «Au mois de février, j’avais appris qu’elle voyait un jeune homme en consultant son cellulaire. Kan monn kestionn li, linn dir mwa li kontan li. Mo ti dir li ki pa so ler la, ki li bizin konsantre dan so letid. Kan monn kit li, linn bwar desinfektan», raconte sa mère ; un geste qui lui avait conduit à son hospitalisation. «Kan linn korek, monn assize, koz ar li. Monn dir li ki se pa seki mo swete pou li. Linn konpran mwa ek li finn koup kontak avek li.»
Lorsqu’elle a à nouveau consulté son téléphone portable, poursuit Poonam, «se la ki mo finn trouv bann foto intim mo tifi lor la». Lorsque le jeune homme a pris contact avec elle, en espérant qu’elle donne une chance à leur relation, «monn refize ek monn demann si li ena foto mo tifi. Linn dir mwa wi. Monn dir li efas bann foto-la, sinon mo pou al get la polis. Mo finn koz avek so mama pou dir li ki mo tifi ankor miner, ki plitar li ava gete ki li le. Li finn dakor ek finn assir mwa ki li pou fer so garson efas tou». Toutefois, le jeune homme, âgé d’une vingtaine d’années, n’avait pas encore dit son dernier mot. «Il m’avait à nouveau contacté au mois d’avril pour m’informer que ma fille discutait avec d’autres hommes alors que je lui avais interdit toute communication avec lui. Je lui avais fait comprendre qu’il n’avait pas à s’en mêler, que je n’interdisais pas à ma fille d’avoir des amis du sexe opposé. J’ai fini par bloquer son numéro et demandé à ma fille de changer le sien», sans s’imaginer qu’il continuerait de traquer tous les faits et gestes de sa fille sur les réseaux sociaux.

Après son décès, Poonam et Sanjay disent avoir appris ce qui avait poussé Hansini à commettre l’irréparable. «Elle venait d’apprendre que des photos intimes d’elle avaient été partagées sur Telegram ; les mêmes que j’avais demandé à son ex petit-ami d’effacer». Avant d’accrocher le morceau de tissu lui ayant servi à se donner la mort, poursuivent-ils, elle aurait discuté avec un ami vivant en Australie en appel vidéo, lui faisant part de ce qu’elle traversait. «Linn persiste, dir li pa fer sa. Kan linn trouv li mont lor stool, linn koup telefonn-la, linn sonn mo nies pou dir li fer kikenn vinn get Hansini deswit». Hélas, lorsque la belle-sœur de Poonam est arrivée dans sa chambre à coucher, il était déjà trop tard. Elle a été conduite à l’hôpital mais les médecins n’ont pu que constater son décès. Poonam poursuit, dévastée : «Fode mo tifi pann kone kouma pou fer fas avek tousala pou linn swisid li zour mo laniverser. Sak fwa li ti pe gagn enn ti dimal, li ti pe plore, ti pe bisin amenn li lopital. Sa gro douler-la, li pann kapav sipporte. Li pann ale lespri trankil. Nou pe kontign fer lapriyer toulezour pou li gagn so trankilite.»
Par ailleurs, après qu’il s’est présenté aux funérailles d’Hansini, son ancien petit-ami aurait été agressé par des amis et proches de l’adolescente. Il a porté plainte pour agression. Dans une déclaration faite à un groupe de presse, il s’est défendu et continue de nier avoir contribué à mort. «Mo pena nanye a vwar avek seki finn passe. Mo demann lapolis fouy mo laptop, mo portab, zot pou trouve ki mo pann piblie so foto», insiste-t-il. De leur côté, les parents de l’adolescente ne comptent pas rester les bras croisés. Ils ont déjà retenu les services de Me Tisha Shamloll et disent pouvoir compter sur l’aide d’une ex petite-amie de l’homme qu’ils accusent, ayant été victime de tels chantages dans le passé. «Se enn moman douloure. Nou pe reklam lazistiss. Seki koupab bisin al dan prison. Li finn harsel nou tifi ziska linn pouss li swisid li, se enn krim. Sa case-la bisin pa fini koumsa mem.» L’enquête suit son cours.
Le ministre des TIC : «Des consultations sont en cours pour trouver des stratégies afin d’éviter de tels drames»
Il s’est adressé à la presse lors du lancement d’un livre sur l’Intelligence Artificielle ce jeudi 30 octobre. S’exprimant sur le suicide de l’adolescente Khushi Baotoo, le ministre des Technologies de l’Information et de la Communication (TIC), Avinash Romtohul, explique que «nous avons besoin de mieux conscientiser nos jeunes. Nous pouvons apporter plusieurs lois, mais les jeunes doivent être conscients de ce qu’ils font. Les parents doivent également toujours avoir un œil sur ce qu’ils font sur les réseaux». Il ajoute que «des consultations sont en cours avec l’ICTA et le ministère de l’Egalité des Genres pour trouver des stratégies afin d’éviter de tels drames (…) Il y a différents types de risques. Nou bizin kapav protez nou bann zenfan». Il a également tenu à adresser ses plus vives sympathies à la famille endeuillée.
Doris Dardanne, présidente de Befrienders : «De nombreux jeunes vivent aujourd’hui une grande détresse émotionnelle»

Depuis le début de l’année, plusieurs jeunes à Maurice ont mis fin à leurs jours. Selon l’association Befrienders, 55 suicides et 111 tentatives ont déjà été enregistrés entre janvier et août 2025. En 2024, 112 suicides avaient été recensés, dont 38 chez les 16-25 ans et 56 chez les 26-45 ans. Chaque semaine, Befrienders reçoit environ 50 appels de personnes en détresse, dont la moitié provient d’adolescents ou de jeunes adultes. Doris Dardanne, la présidente, nous parle de l’ampleur du phénomène et des actions mises en place par l’association pour soutenir les jeunes en détresse.
Le suicide touche de plus en plus de jeunes à Maurice. Pourriez-vous nous donner un aperçu de l’évolution de la situation ?
Befrienders est là pour tous, que ce soit les jeunes ou les moins jeunes. Nous avons tous besoin d’une oreille attentive qui ne nous jugera pas et cela peut nous faire énormément de bien de pouvoir parler librement, en toute confidentialité. Nous recevons beaucoup plus d’appels de jeunes depuis quelques années. Parfois, ces jeunes ont fait des recherches sur le suicide et ont trouvé notre numéro. Ils nous contactent pour parler de leurs problèmes qui sont divers et variés. L’âge de nos jeunes appelants varie entre 10 ans et 23 ans. Nous recevons aussi des appels ou des messages de parents qui sont inquiets du comportement de leur enfant.
Selon vous, quelles sont les principales causes du suicide chez les adolescents, et quel rôle jouent les réseaux sociaux, le harcèlement scolaire et les problèmes familiaux ?
Les jeunes étudiants sont souvent confrontés au harcèlement et se sentent parfois seuls ou incompris à la maison. Ceux qui sont témoins de violences domestiques souffrent et rencontrent de grandes difficultés. L’automutilation est également fréquente, parfois comme un défi, parfois comme une réaction à un mal-être profond. Certains jeunes souffrent d’anxiété ou de stress liés aux études, mais n’osent pas en parler. Parfois, les parents ne les écoutent pas ou ne jugent pas nécessaire de consulter un psychologue. La pression pour les résultats académiques, l’influence des réseaux sociaux et des pairs les fragilisent. Les jeunes d’aujourd’hui ont accès à beaucoup d’informations, avec des effets positifs comme négatifs. Très tôt, ils sont exposés à des réalités qu’ils ne comprennent pas toujours. La communication et le sentiment d’appartenance sont essentiels. Les parents doivent informer leurs enfants sur les dangers et aborder ouvertement la santé mentale. Les situations de harcèlement doivent être prises au sérieux.
Au niveau de Befrienders, qu’est-ce qui est mis concrètement en place pour répondre à cette montée des suicides chez les jeunes ?
Lorsqu’un jeune souhaite être reçu à notre centre, nous le recevons sur rendez-vous et les mineurs doivent être accompagnés d’un adulte. Nous leur garantissons la confidentialité et le non-jugement. Ainsi, ils se sentent à l’aise pour nous parler. Nous explorons la situation ensemble et les accompagnons dans leur réflexion, afin qu’ils puissent aller de l’avant et prendre les bonnes décisions.
Que peuvent faire les parents, les enseignants et les amis pour repérer et soutenir un adolescent en détresse ?
De nombreux jeunes vivent aujourd’hui une grande détresse émotionnelle. Certains subissent du harcèlement, se sentent seuls ou incompris à la maison, ou sont témoins de violences domestiques. Les cas d’automutilation, d’anxiété et de stress liés aux études sont en hausse, souvent exacerbés par la pression scolaire ou le manque de dialogue familial. Les réseaux sociaux, bien qu’utiles pour l’information et l’échange, peuvent aussi exposer à des contenus dangereux. Les adolescents ont accès à beaucoup d’informations, parfois sans maturité émotionnelle pour les gérer, ce qui rend la communication et le sentiment d’appartenance essentiels. Parents, enseignants et institutions sont encouragés à aborder ouvertement la santé mentale, le harcèlement et le stress, afin de briser les tabous et développer la résilience. Befrienders agit chaque jour pour offrir une écoute bienveillante et rappeler que personne n’est jamais seul.
Befrienders Mauritius – Écoute et soutien
Téléphone : 800 9393
WhatsApp : +230 5 483 7233 – 5831 5551 – 5810 4317
Email : adminofficer.befrienders@gmail.com
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