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Budget 2025-2026

Les grandes attentes

31 mai 2025

Shamima Peer et Yann Jhugroo-Cangy nous disent ce qu'ils souhaitent voir comme mesures dans le Budget 2025-2026.

Plus que quelques jours avant la présentation du premier Budget de l'Alliance du Changement ce jeudi 5 juin. Entre appels à des mesures fortes pour protéger le pouvoir d’achat et la stimulation de notre économie, les attentes sont nombreuses...

Il est au cœur des préoccupations. Il alimente même les conversations. Et les interrogations à son sujet sont nombreuses. De quoi le discours du Budget 2025-2026 sera-t-il fait ? Répondra-t-il aux problèmes de la vie chère et du pouvoir d’achat qui inquiètent de nombreux Mauriciens ? Les différentes allocations instaurées par l’ancien régime seront-elles maintenues ? L’exercice proposera-t-il des mesures fortes pour stimuler notre économie ? Plus que quelques jours avant d’avoir des réponses à toutes ces questions.

Mais en attendant le premier exercice budgétaire de l’Alliance du Changement, ce jeudi 5 juin, les Mauriciens craignent un retour de la politique «ser sintir». Car depuis sa prise de pouvoir et encore plus ces derniers temps, le régime en place n’a cessé de mettre en avant «l’état catastrophique» de notre économie. Lors d’une déclaration au Parlement en décembre dernier, le Premier ministre Navin Ramgoolam avait dépeint un tableau sombre de la situation économique de notre île et mis en avant une économie fragilisée, affectée par «une dette publique record, un déficit budgétaire aggravé et une inflation galopante». Dans une déclaration à la presse récemment, il devait également affirmer que son équipe travaille pour améliorer la situation et «fer lavi vinn mwin ser», tout en précisant que le pays doit faire face à de nombreux défis. «Le gouvernement ne dispose pas d’une baguette magique pour effacer la dette laissée par l’ancien régime», a-t-il souligné.

Mais les attentes par rapport à l’exercice budgétaire à venir sont grandes. Et de nombreuses familles mauriciennes espèrent ainsi que les autorités viendront avec des mesures qui vont les soulager. Les chiffres publiés par Statistics Mauritius décrivent d'ailleurs une tendance à la hausse continue du coût de la vie. L’indice des prix à la consommation, qui s'établissait à 103,5 en décembre 2024, a enregistré une nette augmentation de 3,3 points (soit +3,2 %) pour atteindre 106,8 en mars 2025. «Les principaux facteurs ayant contribué à l’augmentation nette de l’IPC entre décembre 2024 et mars 2025 sont : la hausse des prix des légumes (+1,1 point), du gingembre (+0,3 point), des herbes culinaires (+0,1 point) et du lait en poudre (+0,1 point)», souligne le rapport, entre autres.

Toutes les attentions seront donc tournées jeudi prochain vers le Parlement. Pour Shamima Peer, par exemple, ce grand rendez-vous est bien évidemment très important. «Mes attentes reposent grandement sur l’intérêt des citoyens. Le Budget 2025 devrait apporter des réponses aux préoccupations des citoyens, notamment en matière de pouvoir d’achat, de contrôle des prix et de charges fiscales. On s’attend également à des mesures de soulagement économique et social. Pour reconstruire l’économie de Maurice, on s’attend à un Budget qui devrait se concentrer sur plusieurs points : diversification économique, soutien aux entreprises, amélioration de l’infrastructure et investissements en capital humain. Un plan détaillé incluant ces éléments permettra de créer un environnement économique plus robuste et résilient», nous confie celle qui suivra avec attention les différentes mesures qui seront annoncées. «On s’attend à des mesures concrètes pour soulager les difficultés économiques et sociales, notamment en matière de pouvoir d’achat, tout en incluant une révision de la charge fiscale, notamment pour les travailleurs et les retraités, afin de soulager leurs charges, par exemple pour les médicaments et la nourriture.»

Pour cette femme active, instaurer un contrôle des prix pourrait être une solution à bien des maux. «Des mécanismes de contrôle des prix pourraient être mis en place pour limiter l’augmentation des coûts de la vie. Le Budget pourrait également inclure des mesures spécifiques pour répondre aux besoins des secteurs de l’éducation, de la santé et de l’emploi. L’exercice pourrait prévoir également des mesures pour stabiliser la dette publique qui est déjà élevée», souligne Shamima qui sera, comme de nombreux Mauriciens, scotchée aux lèvres du Premier ministre, qui porte aussi la casquette de ministre des Finances.

Pouvoir d'achat

Tout comme Shamima, Yann Jhugroo-Cangy ne compte pas rater la lecture du Budget 2025-2026. «Je m’attends à une baisse des prix pour les produits alimentaires de base, une réduction du coût des médicaments essentiels, l’accès gratuit à internet pour tous les élèves afin de créer plus d’accès à l’éducation, l’instauration d’une allocation salariale décente permettant de vivre dignement et tenant compte du coût croissant de la vie, la mise en place de programmes d’insertion professionnelle pour les jeunes, incluant des subventions salariales ou des garanties de premier emploi, et l’extension des services de santé mentale gratuits, notamment pour les jeunes», nous confie le jeune professionnel.

Pour Suttyhudeo Tengur, syndicaliste et président de l’Association pour la protection de l’environnement et des consommateurs (Apec), le pouvoir d’achat des Mauriciens est également au cœur de ses préoccupations. «De mon côté, je ne vois pas que les caisses de l’État sont vides. Le pays a assez de liquidité pour pouvoir présenter un Budget acceptable à la population. En tant que défenseur des consommateurs, je souhaite que le Budget 2025-2026 augmente le pouvoir d’achat des consommateurs. Puis, il est aussi important que les dettes ménagères ne deviennent pas un fardeau pour les consommateurs. Il faut également élargir la base des commodités sur lesquelles il y a un mark-up», nous dit Suttyhudeo Tengur en nous parlant de l’exercice budgétaire tant attendu et qui a été annoncé comme «difficile».

Pour l’économiste Manisha Dookhony (voir hors-texte), le gouvernement dispose d’une marge budgétaire limitée. «C’est dû à un héritage économique difficile, marqué par une dette publique élevée (près de 90 % du PIB), un déficit persistant et une croissance atone. Cependant, quelques leviers existent, notamment une optimisation des dépenses publiques via la réduction des subventions inefficaces, la révision des allocations de la Contribution sociale généralisée (CSG) et la rationalisation des investissements. Les recettes fiscales pourraient être augmentées grâce à une meilleure collecte des impôts et un élargissement de l’assiette fiscale, en particulier la taxation sur les ventes en ligne, et la mise en place de nouvelles taxes sur les activités de gaming (online gaming) et une meilleure surveillance des taxes de gambling», nous explique l’économiste en ajoutant que le recours à des financements extérieurs, tels que des prêts concessionnels de la Banque mondiale ou de l’Agence française de développement, ainsi que des partenariats public-privé (PPP) devraient également offrir une bouffée d’oxygène.

«Je préside l’African Legal Support Facility où l’on soutient un grand nombre de pays dans le développement de leurs PPP (comme pour le développement du port) et des Power Purchase Agreements (PPA) à travers l’Afrique. En vue du fait que nous devons aussi élargir notre production d’électricité, les PPA seront importants. Enfin, une utilisation partielle et stratégique des recettes du deal des Chagos pourrait soutenir certains projets clés. Mais cette utilisation pourrait se faire sous forme de garantie, au lieu de décaissement. Toutefois, des contraintes majeures subsistent, notamment la pression inflationniste, le chômage structurel et la dépendance aux importations, particulièrement dans les secteurs de l’énergie et des denrées alimentaires. Il y a aussi les contraintes qui se font sentir : la perte de compétitivité de notre place financière, en particulier vis-à-vis de Dubaï et de Gift City, les tarifs de Trump, le net déclin de nos exportations, la réduction des arrivées touristiques en début d’année, même si le mois d’avril a été bon en particulier grâce au fait que la fête de Pâques a eu lieu en avril cette année», affirme Manisha Dookhony en attendant le grand oral du Grand argentier dans quelques jours…

Manisha Dookhony, économiste : «Il y a lieu de redéfinir les priorités économiques»

Lors du meeting du 1er-Mai dernier, Paul Bérenger, le Deputy Prime Minister avait fait la déclaration suivante : «Enn budget difisil pe vini. Nou pena swa, nou bizin redres lekonomi.» Qu’est-ce que cela annonce sur la présentation du Budget à venir ?

Face à la situation économique difficile, il y a lieu de redéfinir les priorités économiques. Le gouvernement devrait prioriser une relance par l’investissement, notamment dans les secteurs manufacturiers de pointe, l’économie circulaire, les infrastructures (transports, logement) et la transition énergétique (solaire, éolien), les TIC et l’lA, la facilitation des affaires, notamment pour les nouveaux investisseurs, et la redéfinition de l’offre financière. Le soutien aux PME, via un meilleur accès au crédit et une simplification administrative, est également crucial pour stimuler l’emploi. Une réforme fiscale plus équitable, incluant une taxation accrue des hauts revenus et une lutte contre l’évasion fiscale, pourrait renforcer les recettes publiques. Parallèlement, le renforcement des filets sociaux (chômage, santé) est nécessaire pour protéger les ménages vulnérables. Dans ce cadre, il y a une vraie réflexion à faire par rapport à la CSG. Doit-on la maintenir sous la même forme ? Car ce n’est pas soutenable dans le long terme : prendre d’une main et redistribuer immédiatement de l’autre. Enfin, la diversification économique vers des secteurs comme le numérique, l’économie bleue et la fintech permettrait de réduire la dépendance aux secteurs traditionnels. Ces mesures doivent s’accompagner d’une gouvernance transparente pour restaurer la confiance des investisseurs et de la population. Dans cela, les fonds issus du deal des Chagos, estimés à plusieurs milliards de dollars, pourraient jouer un rôle déterminant dans l’économie mauricienne s’ils sont utilisés de manière stratégique. Une partie de ces fonds pourrait être placée dans un fonds souverain afin de générer des revenus durables.

**Qu’en est-il du déficit budgétaire ? **

En ce qui concerne les perspectives budgétaires pour 2025-2026, le Budget national devrait bénéficier substantiellement de l’accord sur les Chagos. Cette augmentation de Rs 10 milliards représente 1,38 % du PIB, apportant un soutien économique bienvenu. Le déficit budgétaire devrait diminuer en conséquence, avec un déficit en pourcentage du PIB estimé à 5,32 % après l’accord sur les Chagos, contre une estimation précédente de 6,41 %. Le besoin d’emprunt devrait également diminuer, reflétant une amélioration de la santé budgétaire et une pression réduite sur les finances publiques. C’est un levier au développement économique qui est très important pour notre pays. En fait, cela peut être placé dans un fonds qui est investi de sorte que cela nous rapporte des intérêts ou des capital gains sur le long terme. Ainsi, ces Rs 10 milliards aujourd’hui, si bien investies, peuvent se convertir en beaucoup plus dans les années à venir. Une autre possibilité serait d’utiliser les Rs 10 milliards comme fonds de garantie. Maurice peut multiplier l’impact de cet apport exceptionnel, catalyser l’investissement privé et international, et soutenir un développement durable et inclusif. L’essentiel est de concevoir ce fonds de manière transparente, de gérer les risques avec prudence et de l’aligner sur les priorités nationales, telles que la diversification économique, la résilience climatique et l’équité sociale.

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