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Réforme de la pension universelle

Les syndicats ne reculent pas

19 juillet 2025

Les syndicalistes continuent de se mobiliser contre ce qu'ils estiment être une décision injuste et unilatérale.

Face à la réforme controversée du relèvement progressif de l’âge de la pension universelle à 65 ans, les syndicats restent plus déterminés que jamais. Après une série d’actions et de rassemblements pour défendre la Basic Retirement Pension à 60 ans, les différentes plateformes syndicales rameutent les troupes et préparent d’autres actions pour faire reculer le gouvernement.

On dit d’eux qu’ils sont essoufflés, que la mobilisation est retombée, que l’effervescence populaire pour lutter contre la pension universelle à 65 ans s’est effritée et qu’ils se seraient résignés devant un gouvernement qui ne compte pas capituler. Cela fait plusieurs semaines maintenant – soit depuis l’annonce du report progressif de l’âge de la Basic Retirement Pension de 60 à 65 ans dans le dernier Budget – que les syndicats, galvanisés par la colère populaire qui règne au sein de la population, se sont regroupés et ont formé une plateforme de contestation pour défendre la pension à 60 ans.

Pour dénoncer cette réforme controversée, plusieurs initiatives de protestation ont été organisées au cours de ces dernières semaines. Il y a d’abord eu les deux marches, la circulation d’une pétition par la plateforme syndicale, la grève de la faim de Dave Kissoondoyal, qui a tenu 11 jours avant d’y mettre un terme pour des raisons de santé, l’organisation d’un grand rassemblement au Plaza sous forme d’un «parlement populaire» pour faire résonner la voix des citoyens, et, finalement, la tenue d’un «lundi cordonnier» organisé par le collectif Regroupman Artisan Morisien. Si certains estiment, aujourd’hui, que la mobilisation est retombée, les syndicats, eux, assurent qu’ils ne baissent pas les bras. Ils travaillent d’ailleurs en ce moment sur une stratégie de résistance à long terme, avec d’autres actions prévues dans les semaines à venir. Car au-delà de la question de l’âge d’éligibilité, c’est le principe d’égalité et de justice sociale – particulièrement envers les plus vulnérables – qui est, selon eux, remis en question. La réforme gouvernementale, présentée comme une nécessité budgétaire face au vieillissement de la population, est perçue comme un recul social, une trahison des promesses faites aux Mauriciens.

C’est poussé par la même hargne et les mêmes revendications que Dave Kissoondoyal, qui a créé le mouvement STOP – San Tous Nou Pansyon, s’était lancé dans une grève de la faim. Après 11 jours, il a annoncé, ce mardi 15 juillet lors d’une conférence de presse, qu’il a décidé d’y mettre fin en raison de son état de santé. «En toute transparence, je vous le dis : ma santé ne me permet plus de continuer. J’ai fait cette grève de la faim pour toute la population, pour tous les vulnérables de ce pays. Ce combat, je le continuerai, parce que c’est une cause pour la dignité.» Dave Kissoondoyal a, en effet, annoncé une action en Cour suprême pour contester cette réforme ; action qu’il mènera après sa convalescence.

Aujourd’hui, ceux qui se sont engagés contre la réforme de la pension n’en démordent pas. Hors de question de baisser les bras et de jeter les armes. Deonarain Lokee, de l’association Pran Kont Lepep, qui a initié avec Bruneau Laurette, d’Ansam Sitwayin, la plateforme Pa touss nou pansion 60 an, persiste et signe : «Le combat est loin d’être terminé.» Les citoyens, avance-t-il, doivent davantage prendre conscience du danger de cette réforme. «Est-ce que les Mauriciens se rendent compte qu’à partir du 1er septembre 2025, la pension universelle à 60 ans n’existera plus ? Ce sera l’entrée en vigueur d’une loi dictatoriale. Après ça, toute personne atteignant l’âge de 60 ans devra faire une demande à la MRA, qui décidera si elle peut toucher une allocation jusqu’à ses 65 ans ou pas. Et nous savons bien qu’il y a très peu de personnes aujourd’hui qui touchent Rs 10 000 par mois, car le salaire minimum est bien plus. Pareil pour un couple qui doit toucher moins de Rs 20 000. Ce n’est pas réaliste. Et les gens doivent bien se rendre compte que ce n’est pas la pension universelle, mais une allocation. Il n’y aura donc pas de 13e mois.»

Face à l’inacceptable, la plateforme Pa touss nou pansion 60 an a donc décidé de poursuivre ses actions pour maintenir la pression sur le gouvernement. «Il y aura très probablement une grande marche organisée le 9 août par la classe syndicale. Pour l’heure, rien n’est décidé, mais nous serons évidemment de la partie si c’est confirmé. De notre côté, nous souhaitons organiser une journée de grande mobilisation le 29 août prochain, car cela fera cinq ans jour pour jour depuis la catastrophe du Wakashio. Et ce n’est pas tout. Nous allons contester cette loi devant la Cour suprême dès qu’elle sera publié dans la Gouvernment Gazette. Nous préparons notre action en justice», soutient notre interlocuteur. Pour lui, il est urgent que les Mauriciens réalisent que le gouvernement est en train de bafouer le droit universel des Mauriciens. «Ils viennent vous dire que la caisse est vide. Ils manipulent la population. C’est un gouvernement menteur qui n’a jamais respecté ses promesses. Ils sont en train de nous berner, de nous piéger, et nous ne pouvons pas les laisser faire.»

Rendez-vous le 30 juillet

Selon François Henri, vice-président et porte-parole du Regroupement Artisans Mauriciens, le mécontentement est toujours bien présent et les mouvements de contestation toujours aussi déterminés. Le lundi cordonnier, dit-il, a été un premier pas, une autre forme de protestation citoyenne, une manière d’envoyer un signal. Désormais, ils explorent d’autres avenues pour poursuivre la lutte. «Le lundi cordonnier a été une initiative forte, différente des traditionnelles marches pacifiques. Notre intention n’était pas de nuire au pays, mais il fallait agir. Pour une première action, nous sommes satisfaits du résultat. 35 % d’absentéisme, c’est significatif. Même si Business Mauritius parle de business as usual, l’impact était bien réel, selon nous.»

Pour François Henri, il est important, aujourd’hui, de réfléchir de manière plus large et plus globale, en incluant tous les secteurs d’activité. «Nous avons eu une réunion avec la plateforme citoyenne pour discuter des prochaines étapes. Il faut des actions concrètes pour montrer notre détermination. Il faudra attendre que la loi soit rédigée par le State Law Office et présentée au Parlement. Nous soutiendrons toute contestation, y compris les actions constitutionnelles menées par Nishal Joyram et Sanjeev Teeluckdharry. Nous menons tous un seul et même combat.» Il est essentiel, dans cette lutte, poursuit-il, de consulter la population, d’entendre les citoyens et de choisir ensemble la bonne direction.

Fermement opposée à cette réforme, la Confédération des travailleurs des secteurs public et privé (CTSP) est au front contre le relèvement de l’âge d’éligibilité à la pension de vieillesse à 65 ans, multipliant les actions pour dénoncer ce que Reaz Chuttoo qualifie de «démantèlement de l’État-providence». Loin de capituler, la CTSP envisage désormais de porter l’affaire sur le plan international en déposant une plainte auprès de l’Organisation internationale du travail afin de dénoncer le non-respect par l’État mauricien de plusieurs conventions internationales dont il est signataire. «La CTSP portera plainte officiellement pour non-respect des consultations tripartites. Le gouvernement n’a jamais parlé de cette réforme, ni pendant la campagne électorale, ni durant les consultations prébudgétaires…»

En attendant cette plainte, qui devrait être prête la semaine prochaine, la CTSP mobilise les troupes et planche sur les prochaines actions. «Nous allons organiser un forum-débat le 30 juillet, de 13 à 16 heures, avec plus de 500 délégués de syndicats et un panel d’intervenants. L’objectif est principalement pédagogique, car il y a eu, ces derniers temps, énormément de fausses informations propagées par le gouvernement, comme le fait qu’il y a 2 ½ de personnes qui travaillent, que le fonds de pension n’a plus d’argent. Il faut donc donner les bonnes informations aux délégués pour qu’ils puissent, à leur tour, les transmettre aux salariés. Nous travaillons aussi sur l’organisation d’une prochaine marche début août.» Engagée plus que jamais dans cette lutte, la CTSP, souligne Reaz Chuttoo, mène une mobilisation multilatérale à la fois sur le plan national et international afin de fédérer toutes les forces citoyennes contre la réforme de la pension.

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