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Deux motocyclistes tués dans un accident à Beau-Bassin

Leurs proches meurtris racontent l’atroce souffrance

3 février 2025

Ils ont perdu la vie dans de tristes et tragiques circonstances. Mahen Groodoyal, 49 ans, allait déposer une amie chez elle tandis que Keshav Buljore rentrait chez lui après avoir passé du temps avec ses amis à l’occasion de son 25e anniversaire lorsque leurs motos se sont heurtées de plein fouet. L’accident s’est produit aux petites heures du matin du vendredi 31 janvier, sur la route principale de Beau-Bassin. Leur entourage, anéanti, se confie.

Des difficultés, il en a connu beaucoup, particulièrement à un certain moment de sa vie. S’il n’était pas doté d’une volonté de fer, Mahendranath Groodoyal, affectueusement appelé Mahen, ne s’en serait probablement jamais sorti. C’est cette force d’esprit qui avait poussé ce père de famille, il y a quelques années, à rejoindre le groupe Ailes, avant d’intégrer l’ONG Collectif Urgence Toxida (CUT) en tant que pair éducateur. De son côté, Keshav Buljore, est un jeune qui a dû apprendre à endosser de nombreuses responsabilités dès son plus jeune âge, ayant perdu son père à l’âge de 10 ans. Il vivait déjà seul et se donnait un mal de chien au travail pour pouvoir s’en sortir, aider sa mère et se faire plaisir. À première vue, ces deux hommes, qui sont également issus de deux quartiers différents, n’ont rien en commun, mais c’est dans les mêmes circonstances tragiques qu’ils ont été arrachés à la vie. C’est aussi le même gouffre qu’ils laissent au sein de leur famille.

La route principale de Beau-Bassin était pourtant bien éclairée ce soir-là et il n’y avait aucune obstruction, ni des travaux en cours, font ressortir les officiers du poste de police de Beau-Bassin. Cela n’aura malheureusement pas empêché une véritable tragédie de s’y produire. Mahen Groodoyal et Keshav Buljore empruntaient tous les deux cette rue aux alentours de 00h30, ce vendredi 31 janvier, lorsque leurs motos se sont heurtées brutalement en face d’un magasin de meubles. Le premier, qui aurait célébré son 50e anniversaire le 26 février, a succombé à ses graves blessures dans le véhicule du SAMU tandis que le second, qui avait fêté son 25e anniversaire la veille, a poussé son dernier soupir quelque temps après son arrivée à l’hôpital Dr A. G. Jeetoo. D’après les images des caméras de surveillance situées à proximité, Mahen Groodoyal, qui avait une passagère en croupe, circulait en direction de Quatre-Bornes lorsque le deux-roues de Keshav Buljore, qui se dirigeait vers Beau-Bassin, est entré en collision avec le sien en tentant de dépasser une voiture.

L’unique rescapée du drame, soit la passagère de Mahen Groodoyal, est une habitante de Résidence Kennedy âgée de 25 ans. Elle est toujours admise à l’hôpital dans un état sérieux.

Au domicile de Mahen Groodoyal, à Trianon N°2, Sodnac, l’émotion était à son comble ce vendredi 31 décembre. Bouleversée, anéantie, sa sœur Priya, en larmes, n’a pas eu la force et le courage de s’exprimer. C’est leur cousine Roomilah Kanhye qui a accepté de nous adresser quelques mots. Elle relate que la victime «occupait le rez-de-chaussée tandis que sa sœur vit au premier étage. Tous les deux étaient bien proches. La veille, ils ont pris le repas ensemble puis Mahen est sorti pour dépanner son amie». Séparé et papa d’un garçon de 23 ans, le quadragénaire ne travaillait pas parce qu’il avait des complications de santé, notamment le diabète.

Mahen laisse derrière lui des proches anéantis, dont sa cousine et son fils.

La mauvaise nouvelle a été annoncée à Priya, elle-même policière, par ses collègues. Roomilah ne tarit pas d’éloges sur son cousin qui, dit-elle, «était un homme calme, discret, mais qui adorait passer du temps avec sa famille. Il est passé par des moments difficiles dans le passé mais a su remonter la pente ; nous l’avions tous constaté. À un certain moment, il a été très actif dans le social. Il a voulu venir en aide à ceux passant par les mêmes difficultés que lui. Il était tout aussi dévoué envers son entourage. Sak fwa nounn bizin li, linn la pou nou. Li ti kontan ede».

Précieux souvenirs

Même son de cloche du côté de sa tante, Camal Kanhye, avec laquelle il entretenait de très bonnes relations. D’une voix nouée par l’émotion, elle raconte que «Mahen était le fils de ma grande sœur, mais nous avions une différence d’âge de dix ans seulement. Nou finn plito grandi avek enn relasion kamarad». Bien que de son vivant, elle ne voyait pas le quadragénaire aussi souvent qu’elle l’aurait souhaité, elle relate que : «li ti enn bon dimoun ki ti touzour la pou so fami, pou so bann kamarad. Linn toultan respekte mwa. À chaque fois que nous nous voyions, il me serrait dans ses bras, demandait des nouvelles de mes enfants. Cela m’attriste profondément qu’il nous ait quitté dans de telles circonstances. Nou pa ti atann ki pou arriv li enn zafer pare.»

La force de caractère et d’esprit dont était doté Mahen Groodoyal, son fils Mayur semble en avoir hérité. Vêtu symboliquement de blanc, le jeune homme, très ému, partage avec nous tous les précieux souvenirs qu’il garde de son père. *«Mo papa ti enn bon vivan. Il était de nature optimiste et m’apportait son soutien dans chacune de mes décisions. Même lorsque mes projets pouvaient sembler irréalistes, il me poussait à les concrétiser, me disant que “si mo pa essaye mo pa pou kone”. La dernière fois que nous nous sommes parlé, c’était il y a deux jours, lorsqu’il m’a appelé pour savoir comment cela se passait dans mon nouvel emploi». *

«Lutter contre les injustices»

Il retient aussi de son père son côté bricoleur. «Li ti kontan so moto, mem li pa ti nef. Toule wiken, li ti pe okip so transpor, dress li, rod so bann boulon, fer so bann reparasion. Il était un as de l’informatique et apprenait beaucoup de choses grâce à des vidéos sur Internet. D’ailleurs, sa maison est remplie d’objets qu’il a lui-même bricolés», confie Mayur. C’est avec la même admiration dans les yeux qu’il relate que «mo papa avek mwa finn touzour viv bien ansam. Li ti pe vinn get mwa sak fwa ki li kapav. Linn inkilke mwa boukou valer. Nou ti pe badine, koze, riye ; zame li pa finn mett oken presion lor mwa. Il s’est toujours réjoui de toutes mes réussites, même les plus petites. Li pa fasil pou trouv mo papa dan sa leta-la. Li vreman douloure pou mwa, pou mo fami».

Avec ses amis, comme avec sa famille, Mahen Groodoyal se montrait tout aussi attentionné. Ce n’est pas Ben Dimba, qui le côtoie depuis plus d’une vingtaine d’années, qui nous dira le contraire. «Nous étions encore très jeunes lorsque nous nous sommes connus mais nos relations n’ont pas changé. Il y a quelques années, il a travaillé avec moi chez Ailes, puis a rejoint CUT. Je l’ai souvent accompagné sur le terrain, lui ai appris le métier de pair éducateur. Il a toujours voulu lutter contre les injustices au sein de certaines organisations, contre les inégalités. Li ti anvi amenn enn diferans me linn bizin aret travay akoz so bann problem lasante. La nouvelle de son décès a été comme un violent coup de massue, d’autant que nous nous sommes vus il y a à peine quelques jours».

Pilier de sa famille

Le choc et la tristesse se sont également emparés des habitants de Camp Bombaye, Petite-Rivière, où vivait Keshav Buljore. Encore plus du fait que plusieurs des membres de son entourage n’ont pas eu l’occasion de célébrer avec lui son 25e anniversaire. Benjamin d’une fratrie de deux enfants, le jeune homme est devenu le pilier de sa sœur et de sa mère à un très jeune âge, ayant perdu son père alors qu’il n’était âgé que de 10 ans. Ayant hérité du domicile de son géniteur, il occupait, seul, le rez-de-chaussée et avait appris à être indépendant ; une qualité dont sa tante Sunita et son oncle Vinay, qui vivent au premier étage, se disent fiers. «Li pa ti enn garson paress. Li ti enn bon zanfan, bien korek, ki ti ena boukou kamarad. Zame nounn gagn kit problem ek li. Nou ti pe tret li kouma nou prop zanfan».

Plus tôt, la veille du drame, soit le jour de son anniversaire, «il a quitté la maison aux alentours de 19 heures pour aller dîner chez sa mère, à Canal Dayot. Nous avons appris qu’il est parti de chez elle aux alentours de 21 heures, lui disant qu’il avait “enn ti program avek so bann kamarad”. Nou pa kone kot linn ale apre sa. Nou sagrin ki nou pann resi pass enn moman ek li sa zour-la. Nou pa ti pense ki pou ariv li enn zafer parey», lâche Sunita en larmes. La terrible nouvelle leur a été annoncée par le fils de son beau-frère, qui est policier, aux alentours de 5 heures du matin, le vendredi 31 janvier. «Nous avons ensuite eu la lourde tâche d’annoncer la mauvaise nouvelle à sa mère. Elle est effondrée et n’arrête pas de pleurer. Se enn sok terib ki nou finn perdi li koumsa».

Les funérailles de Mahen Groodoyal ont eu lieu à 16 heures, le vendredi 31 janvier, tandis que celles de Keshav Buljore se sont tenues à 15 heures, le même jour.

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