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27 septembre 2025 18:30
Tout a commencé à Antananarivo qui est secouée par de violentes manifestations contre les coupures répétées d’eau et d’électricité depuis le 25 septembre. Ce mouvement, initialement pacifique, a vite dégénéré en violences et pillages touchant commerces et résidences dans la capitale malgache, y compris les résidences de proches du président Andry Rajoelina. Six morts sont confirmés et de nombreux blessés sont signalés. Les forces de l’ordre ont utilisé du gaz lacrymogène, des balles en caoutchouc et des balles réelles, mais ont été absentes dans certains quartiers, laissant un vide sécuritaire. Les émeutes qui ont gagné d’autres villes importantes reflètent des fragilités économiques et sociales structurelles, provoquant colère populaire et perte de confiance envers les autorités.
Antananarivo est le théâtre de manifestations d’une ampleur inédite depuis le 25 septembre. Des centaines de jeunes sont initialement descendus dans les rues pour dénoncer les coupures répétées d’électricité et les pénuries d’eau, symboles d’une incapacité à fournir les services essentiels malgré le paiement des factures. Les slogans brandis traduisent un ras-le-bol général : «On veut vivre, pas survivre» ou encore «Rendez-nous l’eau et l’électricité». C’est ce que les médias locaux ont rapporté.
Ce qui devait être une simple marche pacifique a toutefois vite dégénéré en une journée de tension et de répression. Dès l’aube, la capitale malgache était quadrillée par les forces de l’ordre, notamment autour de la place d’Ambohijatovo. Les manifestants pacifiques ont très vite été dispersés à coups de grenades lacrymogènes, balles en caoutchouc et même tirs à balles réelles, provoquant blessures et arrestations. Des enfants sortant de l’école ont été touchés, poussant plusieurs établissements à suspendre les cours. La Croix-Rouge a pris en charge de nombreux blessés, tandis que des étudiants, influenceurs et même un député ont été interpellés.
Alors que les cortèges pacifiques s’étaient dissipés, Antananarivo a vite basculé dans une spirale de violences et de pillages inédite. Des commerces emblématiques ont été pris pour cible : Super U et Tana Water Front à Ambodivona, Pizza Pietra à Analakely, Cosmos Andranomena, Aigle d’Or 67 hectares, Sanifer Kibo, Eureka Androndra, ABC Ivandry et plusieurs succursales du *Super Maki. *
Les locaux d’Air Mauritius dans la capitale malgache n’ont pas été épargnés. Les bureaux du Paille-en-queue ont été vandalisés et du matériel volé. Un incendie, vite maîtrisé, a suivi sans faire de victimes. Tous les employés avaient déjà évacué les lieux. L’agence reste fermée jusqu’à la fin des réparations, une équipe technique ayant été dépêchée.
De nombreux petits commerces ainsi que des résidences privées ont également été saccagés ou incendiés, dont les résidences de la sénatrice Lalatiana Rakotondrazafy et du député Naivo Raholdina. Les villes des provinces comme Tamatave, Tuléar, Diego Suarez et Majunga ont également été touchées. Selon les autorités, le bilan humain fait état de six morts confirmés : deux au domicile des parents du président de la République, un à Tanjombato, un devant le Mada Hôtel, les autres restant à confirmer. Les blessés ne sont pas encore comptabilisés. À première vue, les enseignes françaises et indiennes, ainsi que les commerces malgaches spécialisés dans l’électroménager et le matériel téléphonique, ont été les cibles privilégiées des pilleurs.
«C’est triste»
Sollicitée pour une déclaration, Harilala Ramanantsoa, mairesse d’Antananarivo, regrette que les «manifestants prévoient de remettre ça encore». «Les pillages sont partout. C’est triste», confie celle qui a pris le pouvoir à la mairie de la capitale malgache il y a neuf mois. Alphonse Maka, président du Conseil du Fampihavanana Malagasy, décrit, lui, Antananarivo comme «totalement dans l’anarchie». Il avance qu’il y a également des pillages à Antsirabe. «Les forces de l’ordre ont déserté les lieux. Il n’y a aucune autorité», précise l’ancien directeur de publication du journal La Vérité et ancien journaliste du Madagascar Tribune. Face à l’ampleur des destructions, les autorités malgaches ont instauré un couvre-feu de 19 heures à 5 heures. De nombreux habitants restent traumatisés.
Ces manifestations reflètent des fragilités structurelles : infrastructures défaillantes, économie fragile, inflation élevée, pauvreté persistante et crises humanitaires liées aux chocs climatiques et aux problèmes de sécurité alimentaire. La colère de la jeunesse s’ajoute au sentiment de méfiance envers les autorités et traduit un besoin urgent de réforme et d’accès aux services de base.
Pour les Mauriciens qui résident dans la Grande île, la situation reste préoccupante. Jean-Marie, qui vit à Antananarivo avec sa famille, témoigne : «Mo ti bloke dan travay me monn resi rant lakaz ek nou tou korek.» Jos, également résident de longue date dans la Grande île dans le cadre de ses engagements professionnels, indique qu’il est sain et sauf grâce à sa résidence hautement sécurisée. Le gouvernement mauricien continue de suivre la situation à Madagascar. Les autorités locales invitent les Mauriciens qui se trouvent dans la Grande île à se tenir à l’abri et à éviter les zones dangereuses. Le ministère des Affaires étrangères mauricien a mis en place quatre numéros de téléphone en cas de besoin. Il s’agit de : +230 40 52 576, +261 32 03 87 127, +261 32 11 32 157 et + 261 33 37 32 157. Deux adresses emails sont également disponibles en cas de besoin d’assistance, soit *mfaconsular@govmu.org et memad@moov.mg. *
Les journalistes malgaches parlent tous d’une situation complètement catastrophique chez eux. Le directeur de TVM, la télévision nationale, a dû démissionner de son poste suite à de graves menaces. Plusieurs pays étrangers suivent également la situation très tendue dans la Grande île. La France a, par exemple, demandé aux touristes de l’Hexagone d’éviter de s’y rendre pour le moment.
Pour sa part, la Commission de l’océan Indien (COI) dit, dans un communiqué, suivre de près la situation à Madagascar, et appelle toutes les parties au dialogue et à l’apaisement pour préserver la cohésion nationale. Elle condamne fermement les violences et exprime sa solidarité envers les victimes et leurs familles. Le président malgache a, lui, essayé de calmer les esprits en limogeant son ministre de l’Énergie. Andry Rajoelina s’est exprimé dans une vidéo enregistrée, après son retour de l’Organisation des Nations unies, à New York.
Au-delà des pillages et des scènes de violences terribles, cette crise soulève des questions cruciales et essentielles dans la population malgache. Qui sont les acteurs des pillages ? Pourquoi l’État a-t-il semblé absent au moment critique ? Et surtout, comment rétablir la confiance entre la population et ses dirigeants ? Antananarivo sort meurtrie de ces journées de tension, avec des pertes économiques considérables et un tissu social fragilisé. La capitale et ses habitants restent dans l’attente d’une réponse gouvernementale à la hauteur des enjeux.
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