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24 février 2025 18:56
C’est un lieu hors du temps. Niché au cœur d’un ancien cratère volcanique, le lac sacré de Grand-Bassin attire chaque année des milliers de pèlerins et de visiteurs émerveillés par sa beauté. Situé dans le district de Savanne, le Ganga Talao (le lac des Ganges) est bien plus qu’un simple lac : c’est un lieu de pèlerinage où se mêlent spiritualité, histoire et nature généreuse. Selon la légende, un prêtre hindou, Shri Jhummon Giri Gosagne, aurait eu une vision révélant que les eaux de Grand-Bassin provenaient du Gange, ce qui en fit un lieu de culte majeur. À notre arrivée, une atmosphère paisible et mystique s’empare de nous. Le parfum envoûtant des bâtonnets d’encens se mélange aux sons des cloches, des prières des pandits et des chants en l’honneur de Shiva. On se sent immédiatement transportés dans un autre monde. Pieds nus, nous parcourons le site, admirant les temples et les statues colorées, qui forment un véritable musée à ciel ouvert dédié aux divinités hindoues : Ganesh, Hanuman et, bien sûr, Shiva, dont la statue géante de 33 mètres, dressée fièrement à l’entrée, accueille les visiteurs. Juste à côté, la déesse Durga veille, majestueuse. Cette année, à l’approche de Maha Shivaratree, célébrée le 26 février, des milliers de dévots convergent déjà vers Grand-Bassin pour y recueillir l’eau sacrée. Mais la sécheresse persistante a marqué les lieux de façon inattendue. L’eau a considérablement baissé, dévoilant des rochers jusqu’alors cachés. Le spectacle est inédit, presque irréel. Les poissons et les anguilles, habitués à nager près des tables où les offrandes sont déposées, se font plus discrets. Mais la ferveur des pèlerins, elle, n’a pas faibli. Leur dévotion reste intacte, et face à cette image insolite, Grand-Bassin n’en est que plus touchant, révélant encore un peu plus de son mystère. Nous avons aussi marché autour du lac, charmés par l’énergie qui se dégage de ce lieu unique. Dans ce décor spirituel et enchanteur, nous avons écouté les fidèles nous raconter leur pèlerinage, leurs espoirs, leurs prières. Plongée au cœur vibrant de Maha Shivaratree.
C’est cette image de Grand-Bassin montrant des rochers sur les berges et partagée sur les réseaux par le passionné de photographie Krishna Dussaram (KD Capture sur Facebook) qui nous a surpris ! Une scène inédite. «Je m’y suis rendu dès la première semaine de février. J’aime y aller trois fois pendant cette période. C’est l’occasion de vivre des émotions différentes, de capter les good vibes, aussi bien seul qu’en famille ou en groupe pendant le kanwar yatra (la procession) vers Grand-Bassin. En descendant les escaliers vers le lac ce jour-là, j’ai vu qu’il n’y avait pas d’eau au bord. Ça a été une grande tristesse, car la tradition veut que nous récupérions de l’eau pour la déverser en faisant nos prières. Néanmoins, depuis, j’ai vu que l’eau avait augmenté un peu et je suis sûr que jusqu’à la grande nuit de Shiva, lapli pou tonbe ankor ek Ganga Talao pou ranpli. J’en profite pour dire aux pèlerins d’être vigilants sur la route car nous n’oublions pas les incidents tragiques passés. Je souhaite à tous une bonne fête de Maha Shivaratree.»
Alors que nous marchons le long du lac en suivant discrètement les rituels des uns et des autres, une petite dame, balai et pelle à la main, nous interpelle. À la fin de chaque prière, alors que les familles quittent cette table près du lac sacré où les offrandes sont laissées et les fleurs flottent dans l’eau, elle vient et nettoie. «Depi 7-er dimatin mo la. Et il y avait déjà du monde. Je veille à ce que chaque personne qui prie ait une place propre. Je ramasse les fleurs, les fruits, les lampes… Tou bizin prop ek nou ena enn lekip ki sir plas ! Surtout qu’en ce moment, alors que le lac est un peu plus sec, on voit encore plus les offrandes sur le bord. Ce qui me fait plaisir, c’est les gens qui nous approchent et qui aiment ce qu’on fait. Mon shift se termine à 18 heures et je pense déjà à l’approche de la fête qui sera mouvementée avec plus de pèlerins. Bizin ena kouraz ek mo ena !» souligne Roshni Keenoo.
En la regardant de loin, dans son sari jaune safran, seule à verser l’eau dans le lac sacré, nous ressentons cet instant de plénitude qui la traverse. Les pieds au sec sur les rochers, elle se tient droite sans bouger. Quelques secondes dans une bulle en communion avec la nature et la prière qui nous tient émerveillés. Alors qu’elle ramasse ses affaires, nous l’accostons et elle nous raconte. «Cette année je suis venue en avance pour ne pas être bloquée dans la circulation et aussi pour profiter de la nuit de Shiva en famille. C’était important pour moi de venir ici, surtout que je pensais ne pas pouvoir car mon papa est malade. Grâce à Dieu, il va mieux et j’ai pu prendre une permission dans mon travail pour sortir tôt. Prendre cette eau est une tradition, ena enn shakti (force) ladan ek ou sorti isi avek enn shanti (paix). J’aime cette ferveur qu’il y aura dans la nuit allant du mardi 25 au mercredi 26 février. C’est un moment important où nous faisons le Char Pahar (quatre fois), il s’agit de quatre cycles de prières, des rituels traditionnels du Shiv Abhishek réalisés pour glorifier le Dieu Shiva. Nu begn Shiv-ji ek dile, dimiel, manteg… ziska soley leve. Marcher sur ces rochers, qui, je l’avoue font un peu mal aux pieds, est un signal fort de la sécheresse qui sévit dans notre pays et fer bien so ! J’invite toute la communauté de notre île à venir vivre cette grande célébration du Maha Shivaratree ici. C’est un moment unique à vivre au moins une fois dans sa vie. Je remercie ces gens qui font des donations pour les pèlerins et nous prions pour que notre joli pays soit copieusement arrosé», nous partage Veena Pokhun.
C’est dans le plus grand Kashi Vishwanath Mandir que nous rencontrons Audit Dharmajay. «Les familles viennent au Sri Kashi Vishwanath Shakti Peeth pour faire le puja en passant d’abord par le Nandi, le taureau sacré et gardien du dieu Shiva. Ensuite, elles prennent les offrandes de fruits, de bâtonnets d’encens, de fleurs et de bel patra (une feuille symbolisant le Trikaal, la trinité hindoue des Devas) et prient avec le prêtre pour déverser le Ganga Jal (l’eau sacrée) sur le Shiva Linga. C’est un moment fort de recueillement avant que les dévots ne ramènent l’eau sacrée chez eux. Avant de partir, ils peuvent aussi récupérer gratuitement le calendrier comprenant les fêtes religieuses et les horoscopes, que l’Hindu Maha Sabha, qui célèbre ses 100 ans cette année-ci, imprime à chaque Shivaratree. Ena dimounn ki kontan fer enn ti donasyon», nous confie le vice-président de l’Hindu Maha Sabha avant de nous parler du lac, moins rempli que d’habitude. «Finn deza arive delo ganga diminye me pa sa kalite-la ! Nous avons d’ailleurs fait une grande prière, le Maha Rudra Yag, le 9 février pour la pluie. Heureusement, les prières se déroulent paisiblement. Il n’y a pas encore cette grosse affluence des derniers jours. Mon message aux dévots, c’est de prendre leurs dispositions pour venir à Grand-Bassin tôt. Koumsa zot kapav fer zot puja san okenn rush !»
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