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Elle a lancé «Nou Tou Mantal»

Najah Ahmed : «Le tabou et les stigmates autour de la santé mentale sont profonds»

13 octobre 2025

«Mon but c’est que ce podcast contribue à démarrer une vraie conversation autour de la santé mentale. Qu’il aide, notamment les jeunes, à ne plus vivre dans la peur ou la honte, que le tabou brise en éclats...»

Une main posée sur l’épaule. Chaleureuse, rassurante. Il y a des initiatives qui vous font cet effet-là. Elles vous parlent, elles parlent de vous. Et celle de Najah Ahmed, 31 ans, s’inscrit dans cette mouvance. La jeune femme a lancé un podcast sur YouTube, «Nou Tou Mantal», où il est question de santé mentale, d’empathie et de partage. Un espace de dialogue pour briser les tabous et emmener plus loin les discussions sur les aspérités qui peuplent nos parcours : «Outre mon engagement en faveur des droits humains au sens large, j’ai à cœur de contribuer à l’évolution des esprits autour de la santé mentale», confie la jeune femme qui est avocate et Deputy Chairperson à la National Human Rights Commission. L’objectif de ce nécessaire dialogue c’est de faire bouger les lignes : «Mon but c’est que ce podcast contribue à démarrer une vraie conversation autour de la santé mentale. Qu’il aide, notamment les jeunes, à ne plus vivre dans la peur ou la honte, que le tabou brise en éclats. La page Instagram Nou Tou Mantal est une rampe de lancement pour mes vidéos, mais elle a aussi la vocation d’accueillir une communauté de partage.» Dans les lignes qui suivent, Najah Ahmed parle de ce qui a motivé son engagement et de son podcast…

«Herstory». «J’ai connu la dépression ; dans mon entourage, d’abord, et ensuite moi-même directement. Alors, j’ai appris depuis quelques années à en parler librement autour de moi. En me disant qu’il n’y avait pas plus de raison d’avoir honte d’une dépression que d’un diabète, j’étais déterminée à ne pas me laisser enfermée dans les préjugés qui trop souvent empêchent les gens de se faire soigner. Pourtant, quand j’ai connu un épisode de breakdown complet l’an dernier, je me suis surprise à cacher la vérité autour de moi. Il était impensable de dire à des collègues ou à des clients ce qui m’arrivait vraiment, de peur de perdre ma crédibilité professionnelle. C’est là que j’ai réalisé à quel point le tabou et les stigmates autour de la santé mentale sont profonds. Quand j’ai commencé à aller mieux, j’ai eu l’occasion de discuter avec des personnes qui ont à leur tour partagé leurs expériences de santé mentale : troubles obsessionnels, bipolarité, entre autres. Et ça m’a fait un bien fou de ne plus me sentir seule avec ma maladie ! Il y a même un lien chaleureux qui peut découler de ce type de partage. C’est là que j’ai imaginé un espace sécurisant et décontracté, un peu comme les podcasts féministes et drôles de Jameela Jamil, où on pourrait partager nos expériences et lutter contre le tabou.»

Autour de conversations. «C’est une série d’épisodes d’une quarantaine de minutes, diffusés sur YouTube. Chaque mois, je reçois un.e invité.e dans mon salon pour une conversation sur son vécu autour de la santé mentale. C’est bien une «conversation», pas une interview : je ne suis pas journaliste, c’est juste un échange décontracté autour d’un thé ou un café. Et c’est surtout autour du «vécu» : pas de thème à explorer en abstrait mais une expérience personnelle. Avec deux limites claires : pas d’intrusion voyeuriste et pas de posture thérapeutique. Je le dis clairement à chaque épisode, liens à l’appui : l’aide professionnelle existe et elle est irremplaçable. D’un point de vue pratique, je bricole comme je peux ce projet dans mon temps libre. Mais rien n’aurait été possible sans l’aide de quelques anges gardiens : mon cousin Azim Moollan et ses amis de Papaya pour les équipements et les conseils techniques, Sandrine Julien pour le montage, Swarna Gujadhur pour le branding et la diffusion… Pour l’instant j’ai quatre épisodes de tournés, dont deux sont déjà disponibles en ligne.»

Un sujet essentiel. «Parler de la santé mentale, c’est important, d’abord, parce que c’est la santé tout court ! Qu’il n’y a donc aucune raison de pouvoir parler de prévention du diabète, de dépistage du cancer ou de précautions cardiaques mais de ne pas pouvoir parler de postpartum depression, de schizophrénie ou de burnout. Ensuite, c’est parce que ce sont justement le silence, le tabou, les stigmates autour de la santé mentale qui font que trop de gens ne se font pas soigner alors que les traitements existent. Ils craignent qu’on les catégorise comme fous. Ou qu’on minimise leurs souffrances. «C’est dans ta tête» ; comme si ça voulait dire que c’était imaginaire ! Et finalement, parce que la santé mentale nous concerne tous. C’est d’ailleurs le pourquoi de l’utilisation du mot «mantal» dans le titre. On l’utilise comme une moquerie, eh bien, il nous concerne tous.tes.»

En 2025. «La situation s’est quelque peu améliorée par rapport à un passé récent, mais elle laisse encore beaucoup à désirer. Il y a certes beaucoup plus de professionnels de la santé mentale qu’auparavant, mais la détection, la conscientisation et l’accès font encore défaut. Il y a aussi une dimension économique : les traitements sont beaucoup plus présents chez la classe moyenne supérieure que chez les couches les plus défavorisées. Et certaines pratiques, scolaires, hospitalières ou carcérales, sont encore aux antipodes des besoins de santé mentale publique.»

Pratique. Sur YouTube : https://www.youtube.com/@noutoumantal. Sur Instagram : @noutoumantal.

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