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Carte biométrique : Une victoire qui ne fait pas mouche

Le Dr Maharajah Madhewoo et Jeff Lingayah sont à demi satisfaits.

La décision de la Cour suprême dans l’affaire de la carte d’identité nationale biométrique a reçu un accueil mitigé chez les contestataires. Si les empreintes récoltées jusqu’ici seront détruites, plusieurs interrogations restent en suspens…

Ils avaient déclaré la guerre à la carte biométrique et ça faisait un moment qu’ils attendaient ce verdict. Que ce soit le Dr Maharajah Madhewoo, le collectif Nou lanprint nou drwa ou la plateforme No to biometric data on ID card, qui regroupe des citoyens engagés, tous s’étaient ligués contre la collecte d’empreintes digitales dans le cadre de l’introduction de la nouvelle carte d’identité, décidée par l’ancien gouvernement en 2013.

 

Finalement, l’attente a valu la peine, ou du moins en partie puisque les juges ont estimé que le groupe des contestataires et le gouvernement avaient, en quelque sorte, tous les deux raison. En effet, selon les juges Eddy Balancy, Asraf Caunhye et Ah-Foon Chui Yew Cheong, le stockage de données biométriques pour une durée indéterminée est «anticonstitutionnel» mais la collecte d’empreintes, elle, reste légale.

 

Souvenez-vous ! Il y a huit mois, le Dr Maharajah Madhewoo, principal contestataire de la nouvelle carte d’identité nationale biométrique, et Pravind Jugnauth, aujourd’hui ministre des Technologies de l’information et de la communication, avaient intenté un procès à l’État en arguant que cette pratique allait à l’encontre de la Constitution. Pravind Jugnauth jugeait la collecte de données biométriques dangereuse et incompatible avec le concept de société démocratique. 

 

Il redoutait notamment que cette loi permette à la police d’avoir accès aux informations personnelles d’un individu, des informations qui devraient normalement être confidentielles. Selon le Dr Maharajah Madhewoo, la carte biométrique, qui nécessite la collecte d’empreintes, constitue une violation de plusieurs articles de la Constitution, dont celui sur le droit à la vie privée et à la liberté d’expression.

 

Détruire ou pas ?

 

Le jugement de la Cour Suprême est tombé vendredi. Comme cela avait été annoncé par le nouveau gouvernement dans son discours-programme en début d’année, les données de la nouvelle carte d’identité biométrique seront détruites. La cour a ordonné une injonction à l’État lui interdisant de garder les données biométriques obtenues jusqu’ici, en vertu de la NIC Act et de la Data Protection Act.

 

Pour les opposants au projet, c’est là que se trouve tout le problème. Vu qu’on ne peut plus stocker les empreintes digitales, à quoi sert-il, dans ce cas, de les récolter ? «En toute logique, vu le jugement de la Cour, il n’y a aucune raison de prendre les empreintes puisqu’on n’a pas le droit de les stocker. Que va-t-il se passer pour les personnes qui iront faire leur carte d’identité dans les jours qui viennent ?» souligne Jeff Lingaya, porte-parole de No to biometric data on ID card.

 

Selon les citoyens réunis autour de cette plateforme, plusieurs points restent à éclaircir. Ils demandent notamment plus d’explications concernant l’obligation d’avoir la nouvelle carte sur soi avec les empreintes qu’elle contient. «Cette partie de la problématique n’a pas été évoquée. Le ruling reste décevant sur ce point», affirme Jeff Lingaya. Le seul moyen d’avancer, ajoute-t-il, c’est que le Parlement réagisse au plus vite sur cette affaire : «Les députés doivent prendre une décision pour stopper l’hémorragie.»

 

Le Dr Maharajah Madhewoo, représenté par Mes Sanjeev Teeluckdharry et Erickson Mooneeapillay, se dit partiellement satisfait du jugement, qu’il considère «assez favorable». Pour lui, cette décision de justice est encourageant mais reste floue sur certains points : «Les juges disent que stocker ces données est illégale mais si c’est le cas, pourquoi faut-il les prendre ? Ce point reste confus et avec mes hommes de loi, nous allons travailler sur la prochaine étape pour éclaircir tout cela.»

 

Il n’est pas non plus totalement satisfait de la manière dont toute l’affaire a été traitée. Il envisage d’ailleurs un recours devant le Privy Council sur les points où la cour ne lui a pas donné raison. Il dit avoir repéré de nombreux manquements et soutient que les huit mois d’attente démontrent clairement un manque de sérieux. Pour le Dr Maharajah Madhewoo et les autres, une bataille est gagnée mais pas la guerre.