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24 mai 2025 20:45
Souvent contesté par une partie de la communauté chagossienne, Olivier Bancoult, leader du Groupe Réfugiés Chagos, n’a jamais abandonné la lutte malgré les nombreux revers et toutes les critiques. Aujourd’hui, c’est donc avec une grande émotion qu’il accueille la finalisation de cet accord entre Maurice et la Grande-Bretagne. «C’est un moment historique après tant d’années de combat. Notre rêve le plus cher est enfin devenu réalité. Combien de combattants ont commencé cette lutte et qui aujourd’hui ne sont plus là avec nous. Nous pensons à eux.»
En effet, dans cette bataille, poursuit-il, plusieurs personnes ont contribué à faire avancer les choses. «Nous devons saluer la contribution de SAJ et tous ceux qui ont soutenu la cause chagossienne. Nous leur disons merci et tenons à leur dire notre reconnaissance.» Lorsqu’il regarde dans le rétroviseur, Olivier Bancoult revoit tout le chemin parcouru, un chemin ardu et semé d’embûches. Pour lui, ce sont les natifs et la souffrance qu’ils ont subie qui ont toujours été au cœur de cette bataille. «Nous ne pouvons pas ignorer la souffrance et l’injustice qu’ils ont subies. Ils ont le droit de revenir sur la terre de laquelle ils ont été déracinés.» Aujourd’hui, plus que jamais, cette victoire, dit-il, leur est dédiée. «Nous nous sommes battus devant toutes les instances judiciaires possibles pour en arriver là. Nous avons toujours respecté la justice et aujourd’hui, elle a fini par triompher.» Malgré les différends qui divisent la communauté chagossienne, Olivier Bancoult persiste et signe : «La majeure partie des Chagossiens attendaient ce moment avec impatience. Nous respectons le choix de tout le monde et nous demandons à ce que l’on respecte le nôtre.»
D’ailleurs, lors d’une conférence de presse au siège du GRC à Pointe-aux-Sables samedi matin, Olivier Bancoult a sévèrement critiqué les opposants au souhait des natifs, plus particulièrement BIOT Citizen et Chagossian Voices. «Les BIOT Citizens sont aujourd’hui plus Britanniques que Britanniques ! Malgré tout ce les Anglais nous ont infligé, ils veulent rester sous l’empire britannique. Qu’il aille contester devant la Cour internationale. Il y a eu beaucoup de d’insultes, de coups bas et d’attaques qui nous ont vraiment blessés. Nous ne disons pas que les troisième et quatrième générations n’ont pas le droit de parler des Chagos. Bien sûr que si, mais il y a une limite à respecter.» Malgré les différends qui les opposent, le leader du GRC a tenu à lancer un appel de paix et d’unification. «Retrouvez la raison. Oubliez votre orgueil. Nous sommes prêts à pardonner. Rejoignez-nous et arrêtez ce tiraillement pour qu’on puisse avancer ensemble.»
En Grande-Bretagne, Marie Sabrina Jean, Chairperson du GRC UK, ne cache pas son émotion. «En tant que descendante des Chagos qui a milité aux côtés du Groupe Réfugiés Chagos durant des années et des années, mon émotion est immense. Cela n’a pas été un combat facile. Nous nous sommes beaucoup battus, mais aujourd’hui, nous sommes heureux que nos revendications aient été reconnues.» Elle appelle désormais à la responsabilité du gouvernement mauricien. «Désormais, la balle est dans le camp du gouvernement mauricien et j’espère que Maurice respectera le droit fondamental des Chagossiens.» Et cela, dit-elle, peu importe où ils se trouvent.
Les opposants au deal : «No retreat no surrender»
Ils ont tout essayé jusqu’à la dernière minute, mais n’ont pas réussi à faire capoter le deal. Toujours divisée sur la question de la souveraineté, la communauté chagossienne n’a jamais pu accorder ses violons sur la question. Entre ceux qui ont juré allégeance à l’État britannique et ceux qui soutiennent Maurice dans sa démarche de rétrocession, le fossé s’est creusé davantage. Alors qu’une partie de la communauté saute de joie, les sympathisants du groupe BIOT Citizens, mené par Misley Mandarin, ont le moral en berne. Cependant, malgré la déception et la tristesse, beaucoup ont décidé de ne pas jeter les armes, à l’instar de Bertrice Pompe et de Bernadette Ducasse, qui sont à l’origine de l’injonction du jeudi 22 mai, alors que dehors des Chagossiens manifestaient devant la Cour royale de justice du Royaume-Uni pour s’opposer à la signature de ce deal. «Nous avons encore de l’espoir. Nous allons poursuivre notre combat et aller jusqu’au bout. Ce n’est pas la fin», a déclaré Bertrice Pompe sur GB News.
S’exprimant sur sa page Facebook, Misley Mandarin a une nouvelle fois exprimé sa motivation quant à poursuivre le combat des BIOT Citizens. «L’accord n’est pas encore une loi et il doit passer au Parlement. Nous allons tout faire pour que les députés de Keir Starmer votent contre ce deal. BIOT Citizen touzour prezan. Nous allons travailler jusqu’à notre dernier souffle. No retreat no surrender. Nou pa pou zet lekor, nou pa pou kile. Chagos va rester un territoire britannique.» Le groupe Chagossian Voices, qui s’est aussi toujours opposé à ce que Maurice retrouve sa souveraineté sur les Chagos, a un discours plus tempéré. Pour son porte-parole, Jean-François Nellan, l’annonce du traité signé entre Maurice et le Royaume-Uni met en lumière la lutte continue et les profondes injustices auxquelles est confrontée la communauté chagossienne. «Les Chagossiens se sont vu refuser le droit de retourner sur leurs terres ancestrales et leur voix est restée étouffée pendant bien trop longtemps. Malgré les décisions internationales et un large soutien à leur cause, les gouvernements britannique et mauricien continuent d’ignorer les droits humains fondamentaux de notre peuple.»
Leur position, poursuit-il, ne changera pas et ils continueront de réclamer que la communauté chagossienne soit placée au cœur de toutes les discussions. «Nous appelons le Royaume-Uni et Maurice à respecter et à protéger les droits du peuple chagossien, en veillant à ce qu’il soit inclus dans toutes les discussions sur son avenir et que ses droits humains soient respectés conformément au droit international. Nous les appelons à engager un dialogue constructif avec la communauté chagossienne et à prendre des mesures concrètes pour réparer les torts du passé. Le peuple chagossien mérite justice et nous continuerons à nous battre jusqu’à ce que sa voix soit entendue et que ses droits soient pleinement reconnus.»
Navin Ramgoolam : «L’exil des Chagossiens est désormais terminé»
Il aura fallu 60 ans de combat pour que le processus de décolonisation entamé en 1968 soit finalement complété avec la rétrocession complète de la souveraineté de Maurice sur l’archipel des Chagos. «L’exil des Chagossiens est désormais terminé.» C’est en ces termes que, lors d’une conférence de presse le vendredi 23 mai, le Premier ministre Navin Ramgoolam a qualifié la signature de l’accord entre la Grande-Bretagne et notre gouvernement qui a obtenu la reconnaissance officielle et complète sur l’ensemble de l’archipel, y compris Diego-Garcia. «Je ne peux pas exprimer à quel point ce jour est historique pour notre pays et notre nation. L’accord est clair. Il n’y a ni ambiguïté, ni compromis», a déclaré le PM, qui a tenu à rendre hommage à tous ceux qui ont contribué à l’aboutissement de ce long combat.
Cette victoire ne serait évidemment pas complète, a-t-il souligné, sans un retour des Chagossiens sur leur terre, ce qui représente, selon Navin Ramgoolam, un des fondements de la souveraineté. «Les Chagossiens vont enfin pouvoir retourner et vivre sur d’autres îles de l’archipel. Le principe de la souveraineté était prioritaire, mais le volet financier s’est également amélioré. Il y aura un trust de £40 millions pour les Chagossiens, ce qui représente plus de 50 millions USD. C’est bien plus que ce que l’ancien régime aurait obtenu.»
En ce qui concerne le paiement, Navin Ramgoolam a expliqué que Maurice recevra 165 millions de livres sterling en termes de Front Loading. «Le gouvernement britannique va nous verser des paiements annuels en contrepartie des droits que nous lui concédons sur Diego Garcia pour 99 ans. Je tiens à dire que nous n’avons pas accepté le système négocié par le gouvernement MSM. Lors de nos négociations, nous avons exigé un paiement anticipé et refusé toute dépendance au taux de change. Et nous avons obtenu gain de cause. Désormais, Maurice recevra £165 millions par an, soit un peu plus de Rs 10 milliards, pendant les 28 prochaines années.
Après avoir rappelé à quel point ce moment est historique et émouvant, le Deputy Prime Minister Paul Bérenger a tenu à mettre les points sur les i en ce qui concerne le paiement que Maurice recevra. «10 milliards par an, c’est pas rien, mais ce n’est pas grand-chose. Ça ne change rien à notre prochain Budget qui sera difficile. Cette somme va nous aider mais ça ne change rien de fondamental. Atansion al krwar ki asterla nounn korek. Banane partou. Napa li sa.» Deux autres annonces ont été faites lors de cette conférence de presse. La première : un voyage de presse officiel sur les Chagos sera organisé prochainement avec une délégation ministérielle, dont le Premier ministre, des députés, ainsi que des membres de la communauté chagossienne. Un déplacement décrit comme symboliquement important pour planter le «drapeau mauricien sur l’île». Deuxièmement, le Cabinet a mis sur pied un comité, présidé par le Premier ministre, pour décider et encadrer les premiers projets qui seront lancés sur l’archipel.
Ils ont dit…
Pravind Jugnauth, leader du MSM : «Une pensée spéciale pour le courage de sir Anerood Jugnauth»
«C’est avec une grande émotion que j’accueille la signature de l’accord entre le Royaume-Uni et Maurice suite à l’accord politique que j’avais signé avec sir Keir Starmer le 3 octobre 2024. J’ai eu une pensée spéciale pour le courage de sir Anerood Jugnauth qui a gagné un jugement historique devant la Cour internationale de justice. C’est un jour historique et mon plus grand souhait, c’est que notre République continue de se développer et que la réparation que nous gagnerons soit mise au service de notre population et de tous nos frères et sœurs chagossiens.»
Mgr Jean Michaël Durhône, évêque de Port-Louis : «Cet accord vient réparer une grande injustice»
«Aujourd’hui, je suis profondément heureux pour la République de Maurice et pour mes frères et sœurs chagossiens qui ont obtenu un droit de retour inconditionnel sur leurs terres natales. Enfin, cet accord vient réparer une grande injustice. Je suis reconnaissant envers les gouvernements successifs qui ont tout mis en œuvre pour que Maurice regagne sa souveraineté sur l’archipel des Chagos. Je pense en particulier à sir Anerood Jugnauth qui, le 3 septembre 2018, avait pris la parole à la Cour internationale de justice de La Haye. Un jugement historique favorable avait été par la suite rendu. (...) À travers l’accord signé par le Premier ministre, Dr Navinchandra Ramgoolam, c’est une nouvelle page de notre histoire qui s’ouvre. Prions pour que cet accord puisse être un chemin de guérison pour nos sœurs et frères chagossiens qui souffrent toujours du traumatisme d’avoir été cruellement déracinés de leurs îles.»
Nando Bodha, leader du Rassemblement Morisien : «De la réhabilitation et de la reconstruction»
«C'est la fin d’un chapitre historique. Après des décennies de revendication et de lutte, Maurice a retrouvé sa souveraineté sur l’archipel des Chagos. Ce n’est plus un combat, mais le début d’une nouvelle ère : celle de la réhabilitation et de la reconstruction. Nous avons désormais les moyens et les ressources nécessaires, grâce à l’accord signé, pour remettre l’archipel sur la voie de la prospérité, de la justice et de la dignité. Les ressources et les moyens dont nous disposerons aujourd’hui, grâce à cet accord, nous permettent de commencer une nouvelle phase de réhabilitation et de reconstruction.»
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