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21 mars 2025 18:20
Depuis le début de l’année, et c’est une tendance ces dernières années, les inondations ont fait des ravages et fait se déplacer des milliers de personnes dans des pays du monde entier. Des études montrent que les grosses averses sont de plus en plus fréquentes et violentes à cause du changement climatique, et les scientifiques ont prévenu que cette tendance n’est pas près de diminuer. L’océanographe et ingénieur en environnement, Vassen Kauppaymuthoo, nous donne son avis sur le triste sujet...
Elles balaient tout sur leur passage. Elles détruisent tout, jettent la désolation et souvent aussi, hélas, elles tuent... Les inondations sont considérées comme «le plus grave fléau qui menace l’humanité». Et ces derniers temps, les soudaines montées des eaux sont de plus en plus violentes, imprévisibles et très meurtrières. Rien que ces dernières semaines, plusieurs pays ont été victimes de déluges, laissant des populations entières dans la tourmente et des images de dévastation qui glacent le sang.
Car ces crues impressionnantes font aussi de plus en plus de victimes et de dégâts. À titre d'exemple, les fortes pluies dans le sillage du passage de la tempête Laurence a durement touché l’Espagne ce lundi 17 mars, causant des débordements de rivières, des accidents, des routes bloquées, des évacuations dans plusieurs régions et des disparus. On se souvient avec tristesse que le sud-est du pays avait été gravement touché par des inondations historiques en octobre dernier qui avaient fait au moins 95 morts. Il y a à peine une semaine, il est tombé l’équivalent d’un mois de pluie en six heures dans des communes autour de Florence, en Italie. Ce vendredi 14 mars donc, les grosses averses ont inondé les rues et fait gonfler les cours d’eau en Toscane, provoquant l’évacuation de nombreuses personnes dans neuf communes différentes, qui ont tous été surprises par ces conditions météorologiques extrêmes qui en quelques heures ont complètement transformé le paysage.
Il y a quelques jours encore, plus d’une dizaine de personnes ont perdu la vie dans la ville portuaire de Bahia Blanca, en Argentine, suite aux inondations soudaines et violentes provoquées par une tempête, le vendredi 7 mars. Il est ainsi tombé l’équivalent d’une année de pluie en seulement quelques heures, causant d’importants dégâts et de destruction. En 2023, par exemple, il y a eu, selon la NASA, 164 inondations catastrophiques sur l’ensemble de la planète. Une étude publiée en 2021 par des scientifiques américains dans la revue Nature affirme que des populations à travers le monde sont de plus en plus nombreuses à vivre dans des zones à risque d’inondation. Associées au changement climatique, selon les scientifiques, les inondations constituent le type de catastrophe naturelle le plus fréquent et touchent des millions de personnes dans le monde. Et l’océan Indien – dont La Réunion qui a été violemment frappée par d’importantes crues il y a quelques semaines et notre île qui, au cours de la semaine écoulée, a vécu au rythme de quelques épisodes de fortes pluies – n’est pas à l’abri.
Selon l’océanographe et ingénieur en environnement Vassen Kauppaymuthoo, qui étudie de près les phénomènes de ces derniers temps, la situation est préoccupante. «En tant qu’ingénieur en environnement, ça fait on va dire 15 ans que les scientifiques sont en train de dire que le changement climatique est une réalité, et qu’on parle de l’impact du changement climatique et comment ça va venir changer la vie des gens. On avait déjà averti sur le fait qu’on allait devoir faire face à des événements extrêmes, que les cyclones allaient devenir plus puissants ou encore sur le fait que le niveau de la mer allait monter de façon très rapide. Mais au départ, tout cela a été reçu avec beaucoup de scepticisme. Beaucoup de gens disaient que les environnementalistes sont des catastrophistes, que c’étaient des gens qui faisaient paniquer tout le monde, et ils se disaient qu’ils allaient continuer avec leur business as usual et que le développement allait continuer à se faire», nous confie le professionnel en revenant sur les craintes des experts ces dernières années. «Ce qui s’est passé, c’est que ce qui avait été prédit est arrivé. Et c’est même pire de ce qu’on avait pensé parce qu’avec l’Accords de Paris, la COP, on avait des éléments pour dire qu’on devait limiter le réchauffement climatique à 1,5 °C et que si on dépassait cela, ce serait encore plus catastrophique. La deuxième chose, c'est que les chiffres du niveau de la mer qui montait était de 3,3 mm par année et là, la NASA, il y a quelques jours, vient de publier un chiffre. En fait, ils avaient sous-estimé le relèvement du niveau de la mer à cause du changement climatique, notamment à cause de la dilatation des masses océaniques et du coup, le chiffre a été revu à la hausse à 5,9 mm par année comme moyenne globale.»
«Impressionnant»
Le réchauffement climatique, explique Vassen Kauppaymuthoo, est bien évidemment à la source du problème : «On a vu ce qui s’est passé à La Réunion, on voit ce qui se passe à travers le monde au niveau des pluies et on se rend même compte qu’en fait, le réchauffement climatique vient amener une accumulation d’énergie et une accumulation de vapeurs d’eau dans l’atmosphère. Plus il fait chaud, plus la quantité d’humidité que l’atmosphère peut contenir est importante. Et plus on a de canicules, plus on a de pluies torrentielles. Plus d’humidité fait que les gouttes de pluies sont plus grosses et quand il pleut, c’est très impressionnant. Il ne pleut pas alors de façon égale. On a alors des pluies très localisées, très intenses, comme ce qu’on a vu en Argentine où il y a eu un an de pluie en 24 heures et qui a causé 20 milliards d’euros de dégâts. C’est quand même impressionnant.»
Pour l’ingénieur en environnement, ce qui se passe actuellement dans plusieurs parties du monde est dû à un emballement climatique : «Ce qui fait que l’atmosphère non seulement a beaucoup plus d’énergie, mais qu’elle n’est pas uniforme. Elle devient turbulente. L’atmosphère devient très instable de façon locale avec ce qu’on appelle des zones de convection, des cellules de convection, très petites, et où la pluie est extrêmement intense. Température plus élevée veut dire plus d’humidité dans l’atmosphère, qui veut dire aussi plus d’instabilité, de turbulences dans l’atmosphère, et aussi une pluviométrie extrêmement localisée et extrêmement intense. Ensuite, on a aussi un phénomène qu’on appelle les atmospheric rivers... C’est ce qui s’est passé en Argentine. C’est comme une boule d’humidité qui se casse et qui se met à tomber tout d’un coup. Ce sont des zones beaucoup plus grandes qui circulent et qui, ensuite, se mettent à tomber pour créer des inondations. Ce qu’on est en train de voir actuellement, c’est un emballement climatique.»
L’heure, selon l’expert, est inquiétante : «La situation a commencé à dégénérer il y a quelques années et aujourd’hui, elle s’emballe, ce qui veut dire qu’elle devient de plus en plus critique et de plus en plus importante, avec des records battus en termes de températures. On voit avec les années les anomalies de température qui sont vraiment en train de s’accentuer. On voit les changements. Bientôt, on va se retrouver avec des canicules. On a vu cela en France et ça risque aussi d’arriver dans notre région.»
Pour Vassen Kauppaymuthoo, le futur s’annonce difficile. «Il faut réorganiser la société. C’est un changement qui fait qu’on ne peut plus faire du business as usual. Certaines zones habitables, par exemple, vont devenir inhabitables. On ne peut plus nier que tout est devenu turbulent et qu’en fait, on se rend compte qu’il n’y a pas d’endroit aujourd’hui sur terre qui est protégé par rapport aux catastrophes climatiques, que ce soient les inondations, les chutes de neige importantes ou encore les tornades... On se trouve, à travers le monde, dans une situation extrêmement difficile. On a des cyclones qui ont battu des records en termes de vitesse de vent, ou encore en termes de durée de vie... On se trouve dans une zone d’incertitude. On a des modèles numériques, on a des ordinateurs très puissants, mais avec tout ça, on ne peut pas dire aujourd’hui dans quelle direction on est en train de bouger. C’est ça le danger. Quand on peut prévoir, on se prépare, mais quand on avance vers l’inconnu, ça devient difficile de se préparer, de se protéger, et c’est cette vulnérabilité climatique qui est là aujourd’hui et qui est très angoissante pour les jeunes, pour tout le monde. C’est très inquiétant. Les données scientifiques sont en train de prouver que le chaos est en train d’augmenter de façon exponentielle. De pire en pis, comme on dit», conclut Vassen Kauppaymuthoo en nous parlant de la triste réalité qui menace le monde...
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