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Par Qadeer Hoybun
1 mai 2017 15:03
Se dirige-t-on vers des Jeux des îles de l’océan Indien (JIOI) sans La Réunion en 2019. La question mérite d’être posée après l’annonce du Comité Régional Olympique Sportif (CROS) Réunion, d’un retrait de l’île Sœur. Une décision qui, si elle est appliquée, coïncidera avec les 40 ans des JIOI en 2019, et, par la même occasion, sonnera le glas de cette grand-messe sportive de la région étant donné que ce sont les Réunionnais qui sont à l’origine de cet événement.
La nouvelle relayée par nos confrères de La Réunion en milieu de semaine a eu l’effet d’une bombe. Beaucoup se demandent comment on en est arrivé là. Eh bien, il ne faut pas aller loin puisque cette décision vient d’un désaccord entre les représentants réunionnais et les membres du Conseil International des Jeux (CIJ) au sujet de l’article 7 de la Charte des Jeux.
Selon cette charte, les représentants de ce département français et de Mayotte doivent répondre à un de ces trois critères. Le premier - être natif de l’île, le second – les non-natifs doivent être licenciés dans l’île durant trois années consécutives précédent les Jeux, et la troisième – avoir été licenciés au moins cinq ans dans l’île.
Cette présence des athlètes réunionnais détenteurs d’une licence en France a souvent fait débat dans le passé. D’ailleurs, lors des Jeux des 2015 à La Réunion, la volleyeuse Myriam Kloster avait été exclue au beau milieu de la compétition étant donné que sa licence réunionnaise n’avait pas les 5 ans requis.
Or pour Thierry Grimaud, vice-président du CROS Réunion, la position réunionnaise n’est pas contre le fait que cette loi soit imposée aux Réunionnais et Mahorais mais qu’elle ne le soit pas également appliquée aux autres pays. «À la dernière rencontre du CIJ en mars dernier à Maurice, nous avons demandé que l’article 7 qui est proposé à La Réunion et à Mayotte soit appliqué à tout le monde. Nous ne sommes pas contre ce règlement mais nous voulons que ce soit étendu également aux autres pays membres afin que tout le monde soit sur le même pied d’égalité. Mais on a voté contre cette demande», clame Thierry Grimaud.
Il avance aussi que la Réunion a formulé une requête pour que le CIJ soit secondé par une structure qui est capable de régler les problèmes. Une instance indépendante qui ne sera pas composée des membres du CIJ, mais des experts des îles et qui pourra trouver une solution en cas de désaccord. Selon lui ceux qui sont censés régler les conflits ne doivent pas avoir des intérêts dans les décisions prises comme c’est le cas actuellement avec le CIJ. Autre raison derrière cet ultimatum, l’île Sœur souhaite que le CIJ prenne en compte les dettes impayées de Madagascar et des Comores depuis les Jeux de 2015 et que celui-ci intervienne auprès de ses membres.
La position réunionnaise pourrait être mise en pratique si aucune solution n’est trouvée à ses problèmes. Le dirigeant du CROS affirme que cette décision a été prise à l’unanimité après consultation avec les membres du CROS et des instances et disciplines concernées par les Jeux. Toutefois, Thierry Grimaud avance que les délégués réunionnais restent toujours ouverts aux dialogues et que leur présence à Maurice en 2019 dépendra beaucoup des discussions qu’il espère auront lieu prochainement.
«C’est notre position par rapport à la situation. Nous allons écrire au CIJ pour l’informer officiellement de notre décision. Il est bon de savoir que nous n’avons rien contre Maurice ni les autres pays membres, mais, dans le contexte actuel nous ne pouvons continuer si nous n’arrivons pas à trouver des solutions. D’ailleurs nous sommes ouverts à toutes formes d’échanges et de dialogues», précise le dirigeant réunionnais.
Il affirme cependant que même si La Réunion se retire des JIOI cela ne va pas pour autant diminuer sa présence au sein du CIJ. Étant à l’origine des JIOI, les Réunionnais souhaitent conserver leur place au sein de cet organisme et continuer à travailler en accord avec les autres îles même s’ils ne participeront pas aux prochains Jeux.
Il est bon de savoir que l’absence d’un pays aux Jeux des îles n’est pas une première dans l’Histoire. Maurice a déjà revendiqué ce droit en 1993 après les Jeux des Seychelles. Les Comores ont quitté les Jeux de 2015 à La Réunion après que la délégation mahoraise a défilé sous le drapeau français. Madagascar aussi avait manqué la première édition des Jeux en 1979.
Ce genre de situation n’est pas une première et cela n’a pas pour autant empêché le bon déroulement de la compétition même si le niveau ne sera sans doute pas le même. Thierry Grimaud en est conscient, et pense même que cela ne va point affecter l’avenir de ce rendez-vous régional. Cependant, il espère que tout sera réglé avant février 2018 car passer ce cap, on ne pourra revenir en arrière avec la Charte des Jeux.
Après l’annonce du retrait de La Réunion des Jeux des îles de l’océan Indien, le Conseil International des Jeux (CIJ) attend de prendre officiellement connaissance de la position réunionnaise avant de décider de la marche à suivre. Selon Philippe Hao Thyn Voon, président du Comité Olympique Mauricien (COM) et membre du CIJ, la décision des Réunionnais de se retirer des Jeux n’est pas encore définitive.
«Il n’y a eu aucune correspondance officielle. Ils ont parlé à la presse et c’est de cette manière que nous avons appris la nouvelle. Quand même, nous prenons en considération que nous pouvons encore discuter et trouver une solution à ce problème», commente l’ex-président du CIJ.
Ce denier pense que la position réunionnaise est plus une revendication. Selon lui, c’est l’article 7 qui pose le plus gros souci actuellement, étant donné que la participation des sportifs qui évoluent en métropole est mise en cause. Néanmoins, le dirigeant mauricien pense que le Conseil International va certainement prendre les choses en main au plus vite et que des rencontres vont se suivre afin de mettre tout le monde d’accord.
«Nous n’allons pas laisser les choses ainsi. Il y a du temps pour réagir et nous allons certainement mener des médiations pour trouver un consensus afin que tout le monde soit présent en 2019. Sans La Réunion, les Jeux des îles ne seront pas les mêmes», souligne PHTV.
Ce dernier a, d’ailleurs, eu une rencontre avec Stephan Toussaint, ministre de la Jeunesse et des Sports en fin de semaine pour discuter de la marche à suivre. Le ministre des Sports se montre, lui aussi, concerné par cette affaire mais joue à l’apaisement en affirmant que tout sera réglé avant 2019.
«Nous allons faire de notre mieux pour que les Réunionnais soient présents en 2019. De toute façon on aura une réunion du CIJ début 2018 et je pense que cette affaire sera réglée d’ici là. Quoi qu’il en soit nous allons également essayer au niveau des bonnes relations que nous entretenons au niveau diplomatique pour arriver à un accord. Personnellement je suis confiant que la Réunion sera présente en 2019», souligne Stephan Toussaint.
La bagarre pour le titre entre sportifs mauriciens et ceux de l’île Sœur a toujours été épique à chaque édition des JIOI. Cette rivalité fratricide a perduré au fil des éditions. Qui mieux que des anciens sportifs pour dire combien la présence des Réunionnais est importante aux Jeux !
Bruno Julie, ex-boxeur : «Il est vrai que les Réunionnais s’entraînent en France et pour la France. Il ne faut pas oublier que La Réunion est un département français. Mais les imposer cela est un peu dur et leur réaction est tout à fait compréhensible. C’est sûr que le fait de partir en métropole a aussi un avantage avec plus de facilités et plus de frottement mais il ne faut pas oublier que nous aussi nous avons des sportifs qui sont à l’étranger et des fois depuis plusieurs années. C’est sûr que cette décision pénalise La Réunion mais il ne faut pas oublier que les Jeux sans eux ce sera un peu triste, c’est une grosse délégation quand même et avec des athlètes de haut niveau ce qui est sans doute très bénéfique pour les autres participants.»
Rajessen Desscan, ancien pongiste: «Le retrait de La Réunion va certainement changer les données au niveau de la compétition. En tant qu’ancien joueur je sais que les Réunionnais ont toujours été là avec une forte opposition. Ce problème a toujours existé et c’est dommage que cette affaire revienne une nouvelle fois sur le devant de la scène. Maintenant ce n’est pas à nous d’en décider, ce sont aux dirigeants des pays de discuter et de trouver un consensus où tout le monde est gagnant et que tous les pays soient présents aux prochains Jeux. Ce n’est pas trop tard et je suis confiant que les Réunionnais seront là en 2019.»
La décision de la Réunion de ne pas participer aux Jeux des îles ne laisse pas indifférents les sportifs mauriciens. Ces derniers qui se préparent déjà pour les Jeux de 2019 nous ont fait part de leurs impressions.
Grégory Lagane, cycliste : «Pour moi sans La Réunion, il n’y a plus de JIOI. C’est triste comme décision. Mais si cela se confirme, il n'y a qu’à arrêter les jeux car cela n’a plus aucun sens. Une équipe réunionnaise c’est toujours très relevé mais quand il s’agit des athlètes qui sont en France, je pense qu’il faut regarder la chose plus en profondeur et ne pas tout mélanger. Si c’est un sportif qui est en France depuis pas trop longtemps je ne vois pas pourquoi il ne peut pas participer mais si l’athlète a toujours vécu en France alors là c’est différent.»
Roilya Ranaivosoa, haltérophile: «Je suis convaincue que les Réunionnais seront présents en 2019. Sans nos voisins de l’île Soeur, ce n’est pas le même niveau. Ce sera gagné d’avance pour Maurice car ce sont eux nos plus grands adversaires et c’est cette envie de faire mieux que votre concurrent qui vous motive. La décision de les interdire de faire appel à des sportifs qui sont en France est un peu injuste car nous aussi nous avons des sportifs qui sont à l’extérieur et qui viennent que pour les Jeux.»
Allan Arnachellum, tennis de table: «Personnellement je suis déçu d’apprendre que La Réunion se retire des Jeux des îles. En tant qu’athlète je souhaite que les dirigeants arrivent à trouver une solution à ce problème. Il ne faut pas oublier que les JIOI sont avant tout un événement où on prône l’amitié et la fraternité entre les îles. Avec la présence de l’île Sœur on sait d’avance que ce sera du très haut niveau.»
Yeldy Louison, badminton: «Les JIOI ne seront plus les mêmes sans La Réunion. Ce sont toujours eux les favoris dans plusieurs disciplines et cela nous motive et nous permet de nous surpasser. Je pense qu'avec leur absence, les Jeux vont perdre un peu de cet aspect de compétition.»
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