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1 novembre 2025 14:43
Les deux derniers oiseaux endémiques de Rodrigues, la fauvette et le cardinal jaune, ne sont plus menacés d’extinction grâce aux efforts de conservation menés par la Mauritian Wildlife Foundation. Leur population dépasse désormais 20 000 individus chacun, symbolisant la réussite exemplaire de la restauration écologique et communautaire de l’île.
C’est une excellente nouvelle pour la biodiversité unique de Rodrigues. Deux oiseaux endémiques, à savoir la fauvette de Rodrigues et le cardinal jaune de Rodrigues - autrefois au bord de l’extinction - ont été reclassés de la catégorie «Near Threatened» à «Least Concern» sur la dernière mise à jour de la liste rouge de l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN).
Un changement de statut qui symbolise bien plus qu’un simple ajustement scientifique. Il incarne des décennies d’efforts, de patience et d’engagement en faveur de la biodiversité de cette petite île de l’océan Indien. Cette double réussite porte la signature de la Mauritian Wildlife Foundation (MWF) et de ses partenaires, qui œuvrent sans relâche à Rodrigues depuis plus de 40 ans. Autrefois en voie de disparition, les deux oiseaux ont vu leurs populations respectives se reconstituer de manière spectaculaire : entre 20 000 et 25 000 fauvettes et 15 000 à 20 000 cardinals jaunes vivent aujourd’hui sur l’île.
Un chiffre impensable il y a quelques décennies, quand les spécialistes ne comptaient plus que quelques paires survivantes. Dans les années 1970, la situation était désespérée. La fauvette de Rodrigues, petit oiseau brun-olive au chant mélodieux et au long bec fin, n’était plus représentée que par huit couples recensés en 1979. Vers la fin des années 1960, on avait même cru à sa disparition. Quant au cardinal jaune, son effectif était tombé à 5 ou 6 paires à la fin des années 1960.
La disparition semblait inévitable, comme pour 10 des 12 espèces d’oiseaux autrefois endémiques de Rodrigues (telles que le solitaire), ces deux survivants semblaient promis au même destin.
C’est alors que la MWF, en collaboration avec plusieurs organisations internationales, telles que le Jersey Zoo, World Wildlife Fund, IUCN, British Ornithological Union, BirdLife International (anciennement International Conservation for Bird Preservation), l’Union Européenne et les autorités locales (Forestry Service et autres administrations rodriguaises), a lancé un ambitieux programme de restauration des habitats naturels et de sensibilisation communautaire. Reboisements, création de zones protégées, lutte contre les espèces invasives, campagnes d’éducation, clôture des bassins versants : une approche intégrée, parfois artisanale, mais d’une efficacité redoutable. À force de persévérance, les collines dénudées ont retrouvé un couvert végétal, et les forêts secondaires sont redevenues un refuge pour ces oiseaux fragiles. Le succès de la fauvette tient, elle, à une série de petits miracles écologiques.
Plumage éclatant
Longtemps cantonnée à quelques poches de végétation, elle a peu à peu recolonisé l’île entière, à l’exception de la région Sud calcaire de Plaine-Corail et d’Anse-Quitor. L’espèce, insectivore et territoriale, s’est adaptée aux forêts restaurées et même aux zones de végétation secondaire dominées par des arbres introduits comme le jamrosa ou le mahogany. Aujourd’hui, elle s’observe dans presque tous les recoins boisés de Rodrigues, son chant aigu semblant accompagner le vent. Le rétablissement de son habitat, combiné à la diminution de la pression agricole et à l’absence de cyclones dévastateurs ces dernières années, a permis à sa population d’exploser.
Même constat pour le cardinal jaune, autrefois confiné à quelques zones reculées. Le plumage éclatant du mâle en saison de reproduction, jadis rare, est redevenu une vision familière dans les jardins et les forêts replantées. Ces oiseaux, symboles de la résilience de Rodrigues, ont su renaître là où tout semblait perdu. Le cœur de cette renaissance bat dans deux sites emblématiques : les réserves naturelles d’Anse-Quitor et de Grande-Montagne.
Ces zones, clôturées pour empêcher le pâturage et la coupe du bois et protéger les bassins versants, importants pour la conservation de l’eau, servent de laboratoires vivants à la restauration écologique. Il y a aussi l’abandon graduel de certaines pratiques agricoles à fort impact écologique (exemple : création et culture de terrasses pour l’agriculture, et forte densité de bétail).
Les plantes exotiques y sont progressivement retirées et remplacées par des espèces indigènes, tandis que la faune retrouve un équilibre oublié. C’est à Grande-Montagne notamment que la fauvette s’observe aisément, agile et alerte, perchée sur une branche de bois d’olive ou de bois gandine. Des générations de naturalistes et de volontaires, rodriguais, mauriciens, étrangers se sont relayées ici pour surveiller, compter, replanter et protéger. Un patient travail de terrain qui a transformé la trajectoire de l’espèce. Cette réévaluation par l’UICN intervient dans un contexte mondial souvent marqué par des déclins inquiétants.
Si certaines espèces comme les phoques de l’Arctique ou de nombreux oiseaux migrateurs glissent dangereusement vers l’extinction, 20 espèces dans le monde ont, au contraire, vu leur situation s’améliorer grâce à des mesures de conservation efficaces. Parmi elles, 12 oiseaux, dont les deux joyaux de Rodrigues. «C’est merveilleux de voir le rebond de deux oiseaux qui, il y a 60 ans, étaient au bord de l’extinction, et qui sont aujourd’hui courants jusque dans les zones habitées et les forêts secondaires de l’île», souligne Vikash Tatayah. Le message est clair : la conservation fonctionne.
Le directeur de la conservation à la MWF tient à remercier l’équipe derrière ce formidable succès écologique. Les personnes en question, dit-il, ont joué un rôle clé. Il s’agit de France Staub, Wahab Owadally, Yousouf Mungroo, Roland Raboude, Richard Payendee, Alfred Begue, Stephane Kirsakaye, Mary Jane Raboude, Liliana Meunier, Andrea Waterstone et Reshad Jhangeer-Khan. Des étrangers ont également apporté leur contribution, à savoir Anthony Cheke, Wendy Strahm, Carl Jones, Diana Bell et Colin Parberry.
Avec du temps, des ressources et de la volonté, les écosystèmes peuvent se régénérer, même dans des milieux insulaires fragiles comme Rodrigues. Au-delà des chiffres et des catégories, cette réussite raconte aussi la fierté d’une communauté qui s’est réapproprié son patrimoine naturel. Les habitants de Rodrigues, longtemps témoins silencieux de la disparition de leur faune, redécouvrent aujourd’hui la beauté de ces oiseaux autrefois mythiques. La fauvette et le cardinal jaune ne sont plus seulement des espèces sauvées : ils sont devenus les ambassadeurs vivants d’une île qui a choisi de préserver sa nature plutôt que de la subir.
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