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Par Yvonne Stephen
8 octobre 2018 02:38
L’instant a quelque chose de magique. Comme une bouchée parfaite. Où les saveurs s’entremêlent pour un moment d’ailleurs, laissant les papilles s’offrir un coup de foudre. Un moment d’amour et de gourmandise. D’ailleurs, Ajnisha Neeloo Ungnoo, 43 ans, a croqué cette boule d’euphorie et de bonheur, et en a encore le parfum en bouche. Il lui laisse une joie intime, une joie plurielle. «Je suis encore sous le choc. Je ne sais pas quoi dire. Je ne m’y attendais pas, même si j’ai travaillé dur, même si j’ai tout donné. C’est le résumé de tous mes efforts ces 20 dernières années», confie-t-elle, l’émotion brute, le samedi 6 octobre.
La veille (le vendredi 5 octobre), la chef a été sacrée lauréate de la première édition du concours d’excellence Meilleur Ouvrier de Maurice (MOM), qui s’inspire de l’incontournable MOF venu de France. Celui-ci, qui s’inscrit dans le cadre du Festival Coeurlinaire, est organisé par la Vatel Business School Mauritius, en collaboration avec les chefs MOF de la maison Paul Bocuse.
Seule femme parmi les huit finalistes, Ajnisha a fait parler son talent. Avec passion et… fébrilité : «On avait dix jours pour se préparer, ce n’était pas beaucoup. Le stress ne m’a pas quittée. J’ai à peine dormi.» Pour peaufiner son menu final, pour s’assurer que l’alchimie opère, pour que les détails soient sa plus belle force, sa formule magique, elle n’a rien laissé au hasard. Le mercredi 3 octobre, alors qu’elle entre en cuisine pour créer la perfection en direct (face aux membres du jury MOF), avant que l’épreuve ne commence, elle sent cette montée d’adrénaline : «J’avais des papillons dans le ventre. Mais dès que je me suis mise à mon plan de travail, je suis rentrée dans ma bulle.»
Pendant plusieurs heures, elle sort les plats, cuisine son chemin vers la victoire. Dans son menu, de l’audace. Pour l’entrée, les ingrédients imposés sont le camaron et le palmiste. Elle sort une trilogie avec le crustacé cuit à basse température et en croûte de pistache. Pour l’accompagner, le légume cru est sublimé. Le plat principal, la selle d’agneau farcie (imposée), elle l’imagine traditionnelle et joue avec les légumes : purée de bred mouroum et noix de cajou, jus à l’ail noir. La partie sucrée ? Elle y entend une symphonie en gourmandise majeure (son dessert sera primé). On lui demande de revisiter une tarte à l’ananas, elle sort une base de sablé breton-combava, l’agrémente d’un bavarois ananas, d’une crème légère au rhum, d’un gel muscovado et d’une gelée piment-coriandre (elle adore le sucré-piquant)…
Et emmène le jury dans un voyage de sensualité en terre de plaisir. Ce monde de volupté qu’elle aime tellement depuis 24 ans. Depuis qu’elle a obtenu son Higher School Certificate, elle a décidé de faire de la cuisine son métier. Élève du collège Gaëtan Raynal, elle a pourtant un monde de possibilités : «J’avais le choix. Je pouvais prendre une voie classique : la médecine, le droit, l’enseignement. Mais je voulais faire la cuisine.» Pour convaincre ses parents, ce n’est pas du gâteau : «À l’époque, le métier n’était pas aussi valorisé qu’il l’est maintenant.» Mais Ajnisha Neeloo Ungnoo le sait, c’est devant les fourneaux qu’elle se voit : «J’ai toujours eu envie de faire ça. La bonne cuisine, c’est quelque chose de familial chez nous. Maman est une excellente cuisinière. Papa l’était aussi. C’était son hobby. Et puis un jour, j’ai eu le déclic.»
En 1994, donc, elle rejoint l’école hôtelière, se forme et fait des stages, puis rejoint les cuisines du Labourdonnais Hotel au moment de son ouverture. Elle agit, alors, en tant que commis : «J’étais la seule femme en cuisine.» À partir de là, la crème monte vite, elle ne cesse de grignoter sa part du gâteau (un «grimper» des échelons version chef), entre les stages à l’étranger et les responsabilités, elle s’ouvre au monde, fait le tour du circuit hôtelier, s’essaie au service traiteur et rejoint, il y a trois ans, The Gourmet Emporium où elle travaille actuellement comme chef et Shop Manager. Une aventure qui lui parle au cœur : «On bouge, on va chez le client, on rencontre les gens. C’est super ! C’est différent, on n’est pas tout le temps dans la cuisine.» Le management aussi, ça lui change un peu son monde. Une expérience à vivre à fond. Comme tout ce qu’elle fait.
Mais le cœur de son envie reste la cuisine. Son univers de saveurs et de magie…
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