Au départ, ça ne lui disait rien. Plus encore, elle disait, à qui veut l’entendre, que les chiffres n’étaient pas son truc. Farheen Chutkai n’était alors qu’une jeune étudiante au Queen Elizabeth College, qui n’avait d’yeux que pour les sciences, une filière qui, pour elle, lui donnait une ouverture sur le monde, sur la vie, bref, qui répondait à ses questions. Et cela lui plaisait. Puis, le temps est passé. Elle a eu ses résultats du Higher School Certificate (HSC) et il lui a fallu faire un choix. «Comme je ne voulais pas faire médecine, les possibilités étaient limitées et c’est ce que je trouve fort dommage», confie la jeune femme qui, en avril 2013, après avoir bien cogité, pesé le pour et le contre, et évalué les perspectives, a décidé de faire un virage à 180 degrés et de changer de voie.
«On m’a parlé des cours d’ACCA (Association of Chartered Certified Accountants) et des débouchés qu’un diplôme pouvait m’apporter», explique la jeune femme, aujourd’hui âgée de 20 ans, confortablement installée dans son canapé chez elle, à la rue Ollier, Rose-Hill. «Je ne connaissais pas l’univers des chiffres. Cela ne m’avait jamais vraiment intéressée, mais j’ai décidé de me lancer. Car le temps passait et je voulais vraiment donner une dimension à ma vie. Je ne souhaitais vraiment pas m’embarquer dans des études liées à la science et qui n’allaient pas me servir par la suite pour trouver un emploi», dit-elle.
C’est ainsi qu’elle s’inscrit, quelques mois plus tard, à la BSP School of Accountancy. Quoiqu’un peu sceptique et hésitante, Farheen, qui se définit comme «une personne qui aime se dépasser», décide de se lancer et d’aller explorer ces terres inconnues : «Je me suis donc retrouvée à suivre des modules de comptabilité. J’avoue que je me sentais perdue au début. Le prof expliquait des choses que les autres élèves semblaient comprendre facilement. Pour moi, ce n’était pas trop ça, étant donné que je n’avais même pas une formation basique.»
Même si les remarques et autres interrogations de quelques amis la décourageaient, Farheen, bien que très souvent tentée par l’idée de tout abandonner, décide de tenir bon : «Pour une année d’études, mes parents ont déboursé environ Rs 65 000. Nous sommes une famille très modeste. Mon père Ahmed est fleuriste et ma mère ne travaille pas. Ils ont mon petit frère Irfan, 17 ans, et moi à leur charge. Comme ils avaient investi dans mes études et qu’ils croyaient en moi, je ne devais absolument pas les décevoir.»
C’est ainsi que ses notes et ses bouquins sont devenus ses meilleurs amis. «Qui ne tente rien n’a rien !» lance-t-elle. Et ne lâchant pas prise, elle choisit de prendre les taureaux par les cornes et de mettre toutes les chances de son côté. Son moteur, précise-t-elle, c’est le travail. Et très vite, elle en a récolté les fruits.
À sa première tentative, dans un des quatre papiers qu’elle compose, Farheen se retrouve classée première à Maurice et quatrième au niveau mondial : «C’est dans le papier F4 que je me suis distinguée. Du coup, cela m’a redonné confiance en moi.» Depuis, la jeune femme est convaincue qu’elle a sa place dans l’univers de la comptabilité : «Je n’arrive toujours pas à y croire. Je me suis préparée qu’en quelques mois, mais maintenant, je connais le secret de la réussite. Il faut vraiment beaucoup travailler, ne pas avoir peur de se lancer et tenter de nouvelles expériences. Pendant longtemps, j’ai cru que les chiffres n’étaient pas pour moi et il faut croire que je me trompais. Tout n’est qu’une question de choix et, par la grâce de Dieu et l’aide de mes proches, j’ai été soutenue lorsque j’ai dû faire ce pas…»
Aujourd’hui, elle ne jure que par une histoire de… chiffres !